Florence Richard
et Baudelaire Mieu
Africa-Press – Côte d’Ivoire. En cas de retrait d’Alassane Ouattara à l’élection d’octobre, hypothèse aujourd’hui marginale, son nom circule pour lui succéder. Portrait d’un technocrate discret qui n’a jamais affiché d’ambitions politiques.
Aussi influent que prudent, aussi omniprésent que discret, Tiémoko Meyliet Koné n’a jamais été attiré par la lumière des caméras et le crépitement des flashs. Depuis sa nomination en avril 2022 mûrement réfléchie par Alassane Ouattara, le vice-président ivoirien décline poliment chaque demande d’interview.
Le numéro deux de l’État fuit la presse comme d’autres le soleil. Pour cet économiste formé à Abidjan et Washington, mieux vaut ne pas s’exposer que risquer d’être mal compris. « Je suis venu pour me mettre au service du président », répète-t-il en privé à son entourage.
« En mission »
Cette réserve, Tiémoko Meyliet Koné ne compte pas s’en départir à l’approche de l’élection présidentielle. Lui qui n’a jamais affiché d’ambitions politiques, encore moins un quelconque appétit présidentiel, et qui n’a jamais été un pur politicien, préfère ignorer que son nom circule en cas de retrait du chef de l’État.
« Le vice-président nous a toujours dit qu’il était en mission. Il est concentré sur son travail, il fait ce qu’il a à faire », résume un ministre. Au Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), le parti au pouvoir qui milite activement pour une candidature d’Alassane Ouattara à un nouveau mandat, tous en sont par ailleurs convaincus: « le président va y aller, c’est certain à 100 % », affirme, sûr de lui, un ses cadres.
En attendant l’annonce du chef de l’État, qui mettra fin à d’interminables mois de spéculations, le duo « PR-VP » continue de se parler quotidiennement. Les deux hommes échangent chaque matin, par téléphone, un rituel immuable depuis trois ans, et se voient plusieurs fois par semaine. Tiémoko Meyliet Koné est l’un des premiers, après les membres de sa famille, qu’Alassane Ouattara appelle depuis sa résidence.
Si l’ancien vice-président Daniel Kablan Duncan, démissionnaire en juillet 2020, s’était retrouvé cantonné à un rôle de représentation, Tiémoko Meyliet Koné a lui été propulsé au cœur du système, rouage clé de la machine. Alassane Ouattara a choisi de confier à cet homme de confiance, reconnu pour sa rigueur et son efficacité, des dossiers importants, principalement en matière économique, comme la réforme du F CFA. Une décision qui avait permis de décharger le Premier ministre d’alors, Patrick Achi et qui soulage dorénavant son successeur Robert Beugré Mambé.
Amitié de 50 ans
Début mai, le vice-président s’est d’abord rendu à Libreville pour représenter le chef de l’État lors de l’investiture du président gabonais, Brice Clotaire Oligui Nguema, puis dans le nord de la Côte d’Ivoire, où il a notamment inauguré l’agence de la Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest (Bceao) d’Odienné et un réseau d’eau potable.
Dans la foulée, il a participé à Abidjan à l’ouverture de la 12e édition de l’Africa CEO Forum (co-organisé par Jeune Afrique Media Group), puis à une table ronde avec des partenaires pour parler nutrition. S’en sont suivis des rendez-vous avec des ambassadeurs ou encore des décideurs. Depuis sa nomination, le vice-président enchaîne à un rythme soutenu les rencontres, les déplacements et les grands rendez-vous internationaux, où le chef de l’État ne se rend plus que rarement.
Dans les couloirs de ces événements, comme la COP ou les sommets onusiens, Tiémoko Meyliet Koné retrouve de vieilles connaissances rencontrées lorsqu’il occupait le poste de gouverneur de la BCEAO. Ce poste, il le doit à Alassane Ouattara. En 2011, alors conseiller spécial chargé des finances, c’est vers lui que le président se tournera après la démission d’Henri Dacoury-Tabley. Il restera dix ans dans le fauteuil de gouverneur, basé à Dakar, où il a depuis longtemps ses habitudes – il fut le conseiller spécial du gouverneur, Charles Konan Banny au début des années 90.
Âgé de 76 ans, Tiémoko Meyliet Koné connaît le président ivoirien depuis une cinquantaine d’années. Les deux hommes se sont rencontrés grâce au petit frère du président, Balla Ouattara. Avant sa longue carrière à la tête de l’institution monétaire ouest-africaine et sa propulsion à la vice-présidence, il fut le directeur de cabinet du Premier ministre Guillaume Soro entre 2007 et 2010 puis désigné ministre de la Construction, de l’Urbanisme et de l’Habitat dans le deuxième gouvernement Soro. Jamais loin d’Alassane Ouattara.
Ami de Téné Birahima Ouattara
Originaire du nord du pays, de Ferkessédougou (Tchologo) par son père et de Tarifé (Hambol) par sa mère, où il possède des plantations, une résidence secondaire et un complexe hôtelier, le numéro deux de l’État ivoirien regrette de ne pas pouvoir se rendre plus fréquemment dans son fief où il conserve de solides amitiés.
À Ferkessédougou, il a grandi aux côtés de Dossongui Koné, l’un des hommes d’affaires les plus puissants de Côte d’Ivoire, et de Lassina Cardosi Koné, aujourd’hui député et président de la commission défense de l’Assemblée nationale, qui a travaillé à ses côtés à la primature lorsqu’il assurait les fonctions de directeur de cabinet. Il partage également une longue amitié avec Téné Birahima Ouattara, ministre de la Défense et frère du président, par ailleurs président de la région du Tchologo.
Et quand il n’est pas en déplacement ou dans son bureau du deuxième étage du palais présidentiel, Tiémoko Meyliet Koné reçoit pour des rendez-vous de travail dans sa résidence du quartier de Beverly Hills, dans la commune de Cocody à Abidjan, quartier huppé où il a pour voisin la présidente du Sénat, Kandia Camara ou encore l’ancien Premier ministre Patrick Achi.
Si on lui prête une certaine timidité, en privé, le vice-président ivoirien se montrerait affable et chaleureux, vrai patriarche d’un clan soudé. Quel avenir pour le vice-président alors que l’annonce présidentielle est attendue dans les semaines qui viennent, probablement mi-juillet? Sera-t-il propulsé dans la lumière ou restera-t-il dans l’ombre? « Personne ne peut prédire quel sera le schéma du président », assure un membre du gouvernement.
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