Africa-Press – Côte d’Ivoire. Le cheminement de l’Afrique vers le développement a été semé d’embûches, allant de la pauvreté généralisée et des déficits d’infrastructures à l’instabilité politique et à la mauvaise gestion économique.
Malgré ces obstacles, le continent a fait preuve d’une résilience et d’un potentiel remarquables, soutenus par ses riches ressources naturelles et une population de plus en plus jeune. En effet, les institutions financières internationales, comme le Fonds monétaire international (FMI) et le Groupe de la Banque mondiale, ont façonné le paysage économique du continent. Leurs interventions, bien que percutantes, ont donné des résultats mitigés.
Cet article examine de manière critique les succès et les échecs de ces institutions africaines, soulignant leur influence sur la trajectoire de développement de la région.
Le contexte africain: une région de diversité et de défis
L’Afrique est un continent vaste et diversifié, abritant 54 pays présentant différents niveaux de développement, de gouvernance et de stabilité économique.
Cette diversité est à la fois une force et un défi, reflétant le paysage complexe du continent, composé de pays à revenus faibles, moyens inférieurs, moyens supérieurs et élevés. Parmi ceux-ci se trouve la région subsaharienne, avec 22 pays fragiles ou touchés par un conflit, et 13 sont de petits États caractérisés par une petite population, un capital humain limité et une superficie limitée.
Avec plus de 1,4 milliard d’habitants et la création de la Zone de libre-échange continental africaine (ZLECAf), l’Afrique possède un immense potentiel pour tracer une nouvelle voie vers le développement durable, en exploitant ses abondantes ressources et son dividende démographique. Cependant, des défis persistants tels que l’instabilité économique, les problèmes de gouvernance, les conflits, le changement climatique et les inégalités sociales entravent souvent ce potentiel.
La croissance économique de l’Afrique a été marquée par d’importantes variations, certaines régions et certains pays connaissant une croissance robuste, tandis que d’autres sont aux prises avec une stagnation ou un déclin. Selon de récentes projections économiques, la croissance en Afrique devrait décélérer à environ 3,1 % en 2023, contre 3,6 % en 2022.
De multiples facteurs sont à l’origine de ce ralentissement, notamment la montée des tensions géopolitiques, les incertitudes économiques mondiales et les défis internes tels que les conflits, la gouvernance, les problématiques et les chocs liés au climat. L’un des défis les plus urgents du continent est le niveau élevé de pauvreté.
En 2023, environ 500 millions de personnes en Afrique vivent dans une pauvreté extrême, une situation exacerbée par la récente « poly-crise ». Cette crise comprend les effets persistants de la pandémie du Covid-19, les catastrophes liées au climat et l’escalade des conflits, qui ont tous mis à rude épreuve le tissu économique et social de nombreux pays africains.
La viabilité de la dette est une autre préoccupation majeure pour les pays africains. L’accumulation rapide de la dette ces dernières années a exposé de nombreux pays à un risque élevé de surendettement extérieur. À la mi-2023, 22 pays africains étaient identifiés comme étant soit à risque élevé de surendettement, soit déjà en surendettement.
Des pays comme le Tchad, la Zambie et le Ghana, ont été contraints de restructurer leur dette alors qu’ils luttent pour restaurer la stabilité budgétaire et reconstruire la résilience économique. Les performances économiques des pays africains sont inégales, avec des disparités importantes entre les régions et les nations.
La sous-performance de ses plus grandes économies, comme l’Afrique du Sud et le Nigeria, pèse souvent sur les performances économiques globales du continent. L’Afrique du Sud, par exemple, est confrontée à d’importants défis structurels, notamment des pénuries d’énergie et des goulots d’étranglement dans les transports, qui ont entravé ses activités économiques. Bien qu’il soit la plus grande économie d’Afrique, le Nigeria est aux prises avec un secteur pétrolier instable, ce qui limite ses perspectives de croissance.
En outre, l’instabilité politique et les coups d’État militaires dans des pays comme le Soudan, le Niger, le Burkina Faso, le Mali et le Gabon, ont encore freiné la croissance économique dans des régions comme la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) et certains pays du Sahel. Le FMI et la Banque mondiale ont mené des efforts pour relever les défis économiques de l’Afrique.
Leurs interventions vont de la fourniture d’une aide financière et de conseils politiques, à la mise en œuvre de Programmes d’ajustement structurel (PAS) et au soutien au développement des infrastructures. Cependant, l’efficacité de ces interventions a fait l’objet de nombreux débats.
Le rôle du FMI en Afrique
Le FMI a été un acteur-clé dans le paysage économique africain, en particulier lors des crises. Le Fonds a fourni une aide financière aux pays africains confrontés à des problèmes de balance des paiements, souvent en échange de la mise en œuvre de réformes économiques visant à stabiliser les économies et à restaurer la croissance. Ces réformes, communément appelées Programmes d’ajustement structurel (PAS), ont été controversées.
Les PAS impliquent généralement l’austérité budgétaire, la dévaluation de la monnaie, la libéralisation des échanges et la privatisation des entreprises publiques. Bien que ces politiques soient conçues pour remédier aux déséquilibres macroéconomiques et promouvoir la croissance à long terme, elles ont souvent été critiquées pour leurs coûts sociaux à court terme.
Dans de nombreux pays africains, les PAS ont conduit à une réduction des dépenses publiques consacrées à des services essentiels, comme la santé et l’éducation, exacerbant ainsi la pauvreté et les inégalités. De plus, l’accent mis par le FMI sur l’austérité budgétaire a parfois entravé la reprise économique, en particulier dans les pays déjà aux prises avec des niveaux élevés de pauvreté et de chômage.
Par exemple, dans les années 1980 et 1990, de nombreux pays africains ont connu des taux de croissance stagnants ou en baisse dans le cadre des PAS, entraînant un mécontentement généralisé de l’opinion publique et des troubles sociaux. Les critiques affirment que les politiques du FMI ont souvent donné la priorité à la stabilité macroéconomique, plutôt qu’à la protection sociale, ce qui a abouti à une approche « passe-partout », qui ne tient pas compte des défis uniques des économies africaines.
Malgré ces critiques, le FMI a également enregistré des succès en Afrique. Par exemple, ses initiatives d’allégement de la dette, telles que l’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) et l’Initiative d’allègement de la dette multilatérale (IADM), ont apporté un soulagement significatif aux pays africains accablés par des niveaux d’endettement insoutenables. Ces initiatives ont contribué à libérer des ressources pour investir dans des programmes de réduction de la pauvreté et de développement, contribuant ainsi à améliorer les résultats économiques dans certains pays.
Le rôle de la Banque mondiale en Afrique
La Banque mondiale a joué un rôle déterminant dans le financement de projets de développement à travers l’Afrique. Ses interventions se sont concentrées sur de nombreux domaines, notamment le développement des infrastructures, l’agriculture, l’éducation et la santé.
L’approche de la Banque a évolué au fil du temps, passant d’une approche axée sur des projets d’infrastructure à grande échelle dans les années 1970 et 1980, à une approche plus holistique mettant l’accent sur la réduction de la pauvreté, l’inclusion sociale et le développement durable. L’une des contributions les plus importantes de la Banque mondiale à l’Afrique est son soutien au développement des infrastructures.
La Banque a financé de nombreux projets visant à améliorer les systèmes de transport, d’énergie et d’approvisionnement en eau à travers le continent. Ces investissements ont été cruciaux pour surmonter certains des principaux obstacles à la croissance économique en Afrique, en particulier dans les pays où l’insuffisance des infrastructures a entravé le commerce et les investissements.
La Banque mondiale a également joué un rôle essentiel en soutenant l’agriculture, qui reste l’épine dorsale de nombreuses économies africaines. À travers ses divers programmes de développement agricole, la Banque a fourni un financement et une assistance technique pour aider les pays africains à améliorer leur productivité agricole, à renforcer leur sécurité alimentaire et à promouvoir le développement rural.
Ces efforts ont été particulièrement importants à la lumière des défis croissants posés par le changement climatique, qui menace de nuire à la productivité agricole et d’exacerber l’insécurité alimentaire régionale. Ces dernières années, la Banque mondiale s’est de plus en plus concentrée sur la promotion de l’inclusion sociale et du développement du capital humain en Afrique.
Ses investissements dans l’éducation, les soins de santé et la protection sociale visent à s’attaquer aux causes profondes de la pauvreté et des inégalités, jetant ainsi les bases d’une croissance plus inclusive et durable. Par exemple, le Plan pour le capital humain en Afrique de la Banque fixe des objectifs ambitieux pour stimuler le développement du capital humain sur tout le continent, en mettant l’accent sur les femmes et les filles.
Toutefois, les interventions de la Banque mondiale en Afrique se sont révélées difficiles. Certains critiques affirment que l’accent mis par la Banque sur les projets d’infrastructures à grande échelle, a parfois négligé les besoins des communautés marginalisées, et n’a pas réussi à s’attaquer aux facteurs sociaux et politiques sous-jacents qui contribuent à la pauvreté et aux inégalités.
En outre, le recours de la Banque aux prêts comme principal mécanisme de financement a suscité des inquiétudes, quant à la viabilité des niveaux d’endettement dans de nombreux pays africains.
L’impact des interventions du FMI et de la Banque mondiale: succès et échecs
L’impact des interventions du FMI et de la Banque mondiale en Afrique a été mitigé, avec à la fois des succès et des échecs. D’une part, ces institutions ont joué un rôle crucial dans la stabilisation des économies, la réduction du fardeau de la dette et le financement de projets de développement qui ont amélioré le niveau de vie sur tout le continent. D’un autre côté, leurs politiques ont parfois été critiquées pour être trop prescriptives, négliger la protection sociale et exacerber les inégalités.
Succès
Initiatives d’allègement de la dette: l’Initiative PPTE du FMI et l’IADM de la Banque mondiale ont considérablement allégé les pays africains accablés par des niveaux d’endettement insoutenables. Ces initiatives ont contribué à libérer des ressources, pour investir dans des programmes de réduction de la pauvreté et de développement, contribuant ainsi à améliorer les résultats économiques dans certains pays.
Développement des infrastructures: les investissements de la Banque mondiale dans les infrastructures ont joué un rôle déterminant dans la résolution des principaux obstacles à la croissance économique en Afrique. Les projets de transport, d’énergie et d’approvisionnement en eau ont amélioré la connectivité, amélioré la productivité et facilité le commerce et les investissements à travers le continent.
Développement agricole: le soutien de la Banque mondiale à l’agriculture a contribué à améliorer la sécurité alimentaire, et à promouvoir le développement rural en Afrique. En fournissant un financement et une assistance technique, la Banque a permis aux pays africains d’améliorer leur productivité agricole, de s’adapter au changement climatique et de réduire la pauvreté dans les zones rurales.
Développement du capital humain: l’accent mis par la Banque mondiale sur l’éducation, les soins de santé et la protection sociale a considérablement amélioré le développement du capital humain à travers l’Afrique. Ces investissements ont contribué à s’attaquer aux causes profondes de la pauvreté et des inégalités, jetant ainsi les bases d’une croissance plus inclusive et durable.
Échecs
Coûts sociaux de l’ajustement structurel: les PAS du FMI ont été largement critiqués pour leurs coûts sociaux, notamment la réduction des dépenses publiques en matière de santé, d’éducation et de protection sociale. Ces politiques ont souvent exacerbé la pauvreté et les inégalités, entraînant un mécontentement généralisé de la population et des troubles sociaux.
Austérité budgétaire: l’accent mis par le FMI sur l’austérité budgétaire a parfois entravé la reprise économique, en particulier dans les pays déjà aux prises avec des niveaux élevés de pauvreté et de chômage. Les critiques soutiennent que les politiques du Fonds ont donné la priorité à la stabilité macroéconomique plutôt qu’à la protection sociale, ce qui a abouti à une approche « universelle » qui ne tient pas compte des défis uniques des économies africaines.
Priorité excessive accordée aux infrastructures: l’accent mis par la Banque mondiale sur les projets d’infrastructures à grande échelle, a parfois négligé les besoins des communautés marginalisées et n’a pas réussi à s’attaquer aux facteurs sociaux et politiques sous-jacents qui contribuent à la pauvreté et aux inégalités. En outre, le recours de la Banque aux prêts comme principal mécanisme de financement a suscité des inquiétudes, quant à la viabilité des niveaux d’endettement dans de nombreux pays africains.
● Conditionnalités et souveraineté: Le FMI et la Banque mondiale ont été critiqués pour avoir imposé des politiques conditionnelles qui portent atteinte à la souveraineté des pays africains. Ces conditionnalités obligent souvent les gouvernements à mettre en œuvre des réformes impopulaires, conduisant à des troubles sociaux et à une instabilité politique.
Défis et opportunités actuels pour l’Afrique
Alors que l’Afrique est confrontée à de nouveaux défis, notamment les impacts du changement climatique, les conflits et le ralentissement économique mondial, le FMI et la Banque mondiale doivent adopter une approche de développement plus inclusive et plus durable.
Les riches ressources naturelles du continent et sa population jeune offrent d’importantes opportunités de croissance. Néanmoins, ces opportunités ne peuvent être concrétisées que si les investissements appropriés sont réalisés dans le capital humain, les infrastructures et la protection sociale.
Changement climatique et résilience
Le changement climatique menace considérablement le développement de l’Afrique, en particulier dans les domaines de l’agriculture, des ressources en eau et de la santé publique. La Banque mondiale a reconnu l’importance de l’action climatique en Afrique, et a lancé des initiatives telles que le Plan d’affaires climatique pour l’Afrique de nouvelle génération (NG-ACBP) et les Rapports nationaux sur le climat et le développement (CCDR), pour aider les pays africains à atteindre des objectifs climatiques à faibles émissions de carbone, et des résultats résilients.
Ces efforts sont cruciaux pour garantir que l’Afrique puisse s’adapter aux impacts du changement climatique et construire un avenir plus durable.
Développement du capital humain
Investir dans le capital humain est essentiel pour le développement à long terme de l’Afrique. Le Plan pour le capital humain en Afrique de la Banque mondiale vise à stimuler les investissements dans l’éducation, les soins de santé et la protection sociale, en mettant l’accent sur les femmes et les filles. Ces investissements sont essentiels pour s’attaquer aux causes profondes de la pauvreté et des inégalités, et garantir que la jeune population africaine puisse contribuer à la croissance du continent.
Viabilité de la dette
Garantir la viabilité de la dette est une priorité essentielle pour le développement de l’Afrique. Le FMI et la Banque mondiale doivent travailler avec les gouvernements africains, pour élaborer des stratégies de gestion des niveaux d’endettement et éviter la récurrence d’un fardeau de la dette insoutenable. Cela nécessitera une approche plus flexible de l’allégement de la dette, et une plus grande attention aux impacts sociaux et économiques des emprunts.
Conclusion
Le FMI et la Banque mondiale ont joué un rôle central dans l’élaboration de la trajectoire de développement de l’Afrique, avec à la fois des succès et des échecs.
Si leurs interventions ont contribué à stabiliser les économies, à réduire le fardeau de la dette et à financer des projets de développement, elles ont également été critiquées pour leurs coûts sociaux, leur manque d’inclusivité et l’imposition de conditionnalités politiques.
Alors que l’Afrique est confrontée à de nouveaux défis, ces institutions doivent adopter une approche de développement plus inclusive et durable qui donne la priorité au capital humain, aux filets de sécurité sociale et à la résilience climatique. Ce faisant, ils peuvent aider l’Afrique à libérer tout son potentiel et à parvenir à une croissance durable à long terme.
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