
Africa-Press – Côte d’Ivoire. Lors d’une conférence de presse tenue ce mardi, Bilé Bilé, Président de la Coordination Nationale du Monde Agricole de Côte d’Ivoire (CNMA-CI), a dressé un tableau alarmant de la situation actuelle du secteur agricole, en particulier celui du café-cacao, en dénonçant ce qu’il appelle une gestion calamiteuse des fonds destinés à soutenir les producteurs.
En présence de ses avocats, Maître Alexandre Kouadio, Maître Akré Tchakré Evariste, et Maître Adou Amoakon, Bilé Bilé a appelé à des réformes immédiates pour sauver la filière, lourdement impactée par des pratiques de gestion douteuses.
Bilé Bilé a ouvert son discours en insistant sur la gravité de la situation du secteur café-cacao, principal moteur de l’économie ivoirienne. Selon lui, ce secteur se porte mal, une situation exacerbée par la dissolution de la Caisse de Stabilisation (Caistab) en 1999, qui avait permis de maintenir une stabilité dans la filière pendant près de quarante ans. Depuis lors, malgré plusieurs réformes, les résultats sont décevants, et le secteur subit des pillages de ses ressources par des dirigeants à la tête des structures censées soutenir les producteurs.
« Les dirigeants ont trahi la confiance du chef de l’État, qui pensait qu’ils auraient la capacité de remettre le secteur sur pied », a déclaré Bilé Bilé. Un sentiment de déception vis-à-vis des gestionnaires actuels qui a dominé l’intervention du président de la CNMA-CI.
L’un des points les plus épineux soulevés par Bilé Bilé a été la gestion du Fonds COVID, une somme initialement de 13 milliards de FCFA, portée à 17 milliards par le président Alassane Ouattara pour soulager les producteurs de café-cacao suite aux impacts de la pandémie. Ce fonds, destiné uniquement aux producteurs, aurait dû être géré par un comité composé des 14 leaders du secteur. Cependant, Bilé Bilé dénonce un accaparement unilatéral de ces fonds par le Directeur Général du Conseil Café-Cacao (CCC), M. Yves Koné, qui aurait affecté la somme à la Banque du Trésor, sans consultation ni transparence.
« Le DG a désigné seul qui recevait ces fonds, et de nombreuses coopératives attendent encore leur part », a précisé Bilé Bilé. Il a également déploré le refus du DG de partager la liste des bénéficiaires et la clé de répartition des fonds, malgré les demandes répétées des producteurs.
Bilé Bilé a également dénoncé la gestion de l’Interprofession du café-cacao, une initiative visant à mieux organiser et représenter les acteurs de la filière. Selon lui, cette opération, censée être financée par le Conseil Café-Cacao, a été confiée à un cabinet externe, Jadex, pour un coût estimé à 4 milliards de FCFA. Cependant, le président de la CNMA-CI affirme que cette opération n’a pas produit de résultats probants et que les 4 milliards de FCFA ont été gaspillés, soulignant que, pour lui, seul M. Yves Koné sait ce qu’il a fait de cet argent.
Autre sujet de préoccupation, la gestion du Fonds d’Investissement en Milieu Rural (FIMR), prélevé sur la production de café-cacao pour financer diverses actions comme l’entretien des vergers, la sacherie brousse, et des infrastructures rurales. Selon Bilé Bilé, ce fonds, qui se monte à plusieurs milliards de FCFA, n’a pas été utilisé à bon escient. Le montant exact des fonds collectés pour ce programme reste flou, mais sur la base des dernières campagnes, le secteur aurait accumulé des sommes considérables qui restent inexpliquées.
« Nous avons saisi la primature, la présidence de la République et les bailleurs de fonds, notamment l’Union Européenne et la Banque mondiale, pour qu’elles scrutent de près la gestion de ces fonds », a-t-il indiqué. En réponse à ces manquements, la CNMA-CI a déposé une plainte pour malversations contre le Conseil Café-Cacao, et une audience est prévue le 13 février 2025 devant le tribunal de première instance d’Abidjan-Plateau. Le dossier sera également transmis à la Cour des comptes pour un audit de la gestion du DG Yves Koné.
Bilé Bilé a exprimé son désir de porter cette affaire jusqu’au bout, en explorant toutes les voies légales disponibles pour obtenir réparation et garantir que les fonds destinés aux producteurs soient utilisés à bon escient. « Nous irons jusqu’au bout pour que justice soit rendue aux producteurs », a-t-il affirmé, appelant à la mise en place de mécanismes de contrôle plus stricts et de plus de transparence dans la gestion des fonds agricoles.
Enfin, le Président a conclu en exprimant sa frustration face à l’exploitation systématique des ressources agricoles de la Côte d’Ivoire. « Les prédateurs continuent de profiter des faibles pour s’enrichir, et cela doit cesser », a-t-il martelé, appelant à une véritable refonte du système pour permettre aux producteurs de vivre décemment de leur travail.
La CNMA-CI a promis de rester vigilante et déterminée dans la lutte pour la justice et l’équité dans la gestion des ressources agricoles, un combat que Bilé Bilé et ses avocats poursuivront avec acharnement.
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