Coopération Air Sénégal et Air Côte d’Ivoire en crise

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Coopération Air Sénégal et Air Côte d'Ivoire en crise
Coopération Air Sénégal et Air Côte d'Ivoire en crise

Par Salimata Koné

Africa-Press – Côte d’Ivoire. En raison de l’immobilisation d’une partie de sa flotte, le transporteur sénégalais a réaffecté ses pilotes sur les vols de sa concurrente ivoirienne. Une sous-traitance qui permet de réduire le déficit de la compagnie mais provoque la fronde des pilotes et des tensions politiques.

En situation financière plus que précaire, Air Sénégal fait, une nouvelle fois, l’objet de critiques. En cause cette fois-ci de ses relations avec sa concurrente Air Côte d’Ivoire. C’est le député Pastef Guy Marius Sagna qui, dans le cadre d’une question au gouvernement formulée le 4 novembre, a sonné la charge et mis en cause la gouvernance de la compagnie aérienne. Au-delà des questions sur la gestion financière du transporteur et des soupçons de conflits d’intérêts, le député a demandé des comptes au ministre des Transports terrestres et aériens, Yankhoba Dième, sur un autre point.

Le député Pastef accuse en effet la direction de la compagnie de mettre au service d’entreprises étrangères des salariés dont la formation a été financée par le contribuable sénégalais, Guy Marius Sagna visant en particulier la sous-traitance de services de pilotes d’Air Sénégal à Air Côte d’Ivoire.

« Monsieur le ministre, est-il exact qu’en raison de l’immobilisation de notre propre flotte – A330, A319, A321 – Air Sénégal SA a choisi de sous-louer une partie de son personnel navigant technique qualifié A330 et une trentaine de PNC [Personnel navigant commercial] à Air Côte d’Ivoire, à des tarifs inférieurs aux salaires qu’elle continue à leur verser? », a ainsi interrogé Guy Marius Sagna. Pour lui, cette situation s’apparente à une « subvention déguisée au profit d’un concurrent direct ».

Alors que la question du député est restée sans réponse, le ministère des Transports sénégalais, sollicité par Jeune Afrique, n’a pas donné de suite. Également contactée, Air Sénégal, dirigée depuis août 2024 par Tidiane Ndiaye, n’a pas souhaité s’exprimer. Pour autant, les allégations du député sont corroborées par plusieurs pilotes de la compagnie.

Écarts de salaire considérables

Latente depuis plusieurs mois, la défiance des pilotes envers la direction de la compagnie s’est renforcée depuis cet été. Conviés à une réunion par Papa Abdoulaye Fall, le directeur des opérations aériennes d’Air Sénégal, ils apprennent qu’ils seront réaffectés aux moyen-courriers d’Air Côte d’Ivoire.

Objectif de l’opération: faire baisser la masse salariale du transporteur, pénalisé par une dette de plus de 100 milliards de F CFA (environ 152 millions d’euros). « Après le carburant, les pilotes sont le poste de dépense le plus important pour une compagnie », confie un ancien pilote qui a travaillé pour les trois principales compagnies ouest-africaines, Asky, Air Sénégal et Air Côte d’Ivoire.

Les salariés concernés mettent en avant une violation des contrats de travail qui les unissent à Air Sénégal. Ces accords, qui comportent un training bond dont le montant est fixé à 25 millions de F CFA, obligent les pilotes à rester au sein de la compagnie un certain temps après leur formation financée ou soutenue par cette dernière. Au-delà, les écarts de rémunération entre les deux transporteurs refroidissent les pilotes sénégalais. Au sein d’Air Sénégal, le salaire moyen d’un copilote sur les A330 est de 3,4 millions de F CFA (environ 5 100 euros) par mois. Chez la concurrente ivoirienne, ce montant est moitié moindre, autour de 1,8 million de F CFA (2 744 euros).

Fin août, une réunion à distance entre les pilotes, le directeur général d’Air Côte d’Ivoire, Laurent Loukou, et un autre cadre de sa compagnie, est organisée par le directeur des opérations aériennes sénégalaises. Au cours de la rencontre, qui doit préparer l’arrivée du premier A330-900 Neo d’Air Côte d’Ivoire sur le sol ivoirien, le personnel navigant technique (PNT, les pilotes) est pris à partie. Ils sont accusés « d’être la cause du déficit financier » du pavillon sénégalais, raconte un pilote qui a participé à la réunion. Mais la colère des pilotes n’entame en rien la détermination du directeur des opérations aériennes à conclure l’opération.

Un commandant sénégalais pour l’A330 ivoirien

Air Sénégal ne disposant, à date, que de deux avions opérationnels sur les sept que compte sa flotte, les pilotes sont obligés de rester à terre. Et, pour maintenir son activité, la compagnie loue fréquemment des avions avec équipage. Cette situation oblige, de fait, le personnel navigant technique (PNT) à occuper des fonctions de bureau au siège à Dakar, sous peine de sanction en cas de protestation. « Celui qui ne veut pas se soumettre est licencié pour faute grave », confie un salarié d’Air Sénégal.

Résultat, le 4 septembre, c’est un commandant sénégalais, Oumar Gueye, directeur des opérations au sol, qui a pris place dans le cockpit du premier A330-900 Neo du pavillon ivoirien. Il a eu pour mission de ramener l’avion de Toulouse à Abidjan avec à son bord les officiels ivoiriens. Contactée par Jeune Afrique, la direction d’Air Côte d’Ivoire n’a pas souhaité faire de commentaire sur le sujet.

Pour rappel, les deux compagnies collaborent sur la formation du personnel navigant commercial. En juillet, une trentaine de d’hôtesses et stewards ivoiriens ont été envoyés en immersion, pour trois mois, chez Air Sénégal. « Concernant nos collaborations avec des partenaires, quel que soit le domaine d’activité, nous avons des clauses de confidentialité à respecter », commente Air Côte d’Ivoire, qui attend, elle, son second gros-porteur afin de débuter la liaison Abidjan–Beyrouth en janvier 2026.

Source: JeuneAfrique

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