
Thaïs Brouck – envoyé spécial à Bakou
Africa-Press – Côte d’Ivoire. Axées sur la finance climat, les négociations de la Conférence de Bakou sont stratégiques pour le continent. Mais en coulisses, les espoirs des négociateurs africains sont limités.
Une victoire pour commencer. Dès les premières heures des négociations, le marteau a résonné dans l’enceinte du Stade olympique de Bakou, en Azerbaïdjan, où se déroule la COP29, du 11 au 22 novembre. La présidence azérie est parvenue à arracher un accord autour de la réglementation des marchés carbone. « C’est l’aboutissement de dix ans de travail, c’est un grand pas en avant », s’est félicité Yalchin Rafiyev, le négociateur en chef de la COP29.
« C’était le Far West, on avance désormais dans la bonne direction », confirme un spécialiste africain des marchés carbone. En effet, selon de nombreuses études, les marchés carbone se sont développés sans normes assez solides, permettant abus et greenwashing. L’accord signé dans la soirée du 11 novembre devrait permettre d’augmenter la demande de crédits carbone et garantir que le marché international du carbone fonctionne avec intégrité sous la supervision des Nations unies.
« C’est une étape importante qui vient d’être franchie. Néanmoins, beaucoup d’autres points critiques restent à être finalisés pour que nos projets autour des marchés carbone puissent être lancés. Ce sont des détails techniques mais essentiels et nous espérons que ce sera finalisé d’ici à la fin de la COP29 », confie un négociateur sénégalais. Comme l’année dernière à Dubaï, avec l’adoption du « Fonds pertes et dommages » dans les premières heures des négociations, la COP29 débute donc sous de bons auspices.
Un bras de fer hautement stratégique
Mais cette année, le principal enjeu des négociations, c’est le Nouvel Objectif collectif quantifié (NCQG). Dans le jargon de la finance climat, cela correspond à la somme que les pays développés devront fournir aux pays vulnérables pour s’adapter aux changements climatiques.
En signant l’accord de Paris en 2015, les États développés s’étaient engagés à consacrer, en prêts et en dons, 100 milliards de dollars par an à partir de 2020 pour financer des projets permettant aux pays en développement de s’adapter aux changements climatiques (montée des eaux, sécheresse…) ou contribuant à faire baisser les émissions de gaz à effet de serre. Ce montant n’a été atteint qu’en 2022 mais doit être renégocié à la hausse cette année.
Et pour ce bras de fer hautement stratégique, les dirigeants du continent se sont déplacés en nombre sur les rives de la mer Caspienne. Du Rwandais Paul Kagame au Mauritanien Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani en passant par le Togolais Faure Gnassingbé ou le Congolais Denis Sassou Nguesso, ils sont plus d’une vingtaine de chefs d’État et de gouvernement africains à s’être succédé à la tribune. « Le montant du NCQG devra s’appuyer sur les données scientifiques et doit correspondre aux besoins des pays vulnérables », a ainsi lancé le président congolais.
L’ombre de Donald Trump
Car le groupe Afrique est venu avec un montant dans ses valises: 1 300 milliards de dollars par an. « C’est une base pour négocier, mais il y a un risque de ne rien obtenir du tout, glisse un négociateur africain. Le contexte ne plaide pas en notre faveur. »
En effet, le résultat de l’élection présidentielle américaine plane au-dessus des négociations de Bakou. Le retour de Donald Trump à la Maison Blanche pourrait signifier un nouveau retrait des États-Unis de l’accord de Paris de 2015.
« Le succès des négociations ne dépend pas d’un seul pays », veut néanmoins croire Simon Stiell, le secrétaire exécutif de la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques. « Les attentes des pays en développement sont très élevées, nous voulons un NCQG clair qui reflète leurs besoins de financements toujours grandissants », a-t-il déclaré lors de la conférence de presse d’ouverture, ce mardi 12 novembre.
Beaucoup déplorent également l’absence d’Emmanuel Macron, de Joe Biden ou d’Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne. « Les leaders des principaux contributeurs à la finance climat qui ne font pas le déplacement, c’est un très mauvais signal », regrette un ainsi ministre africain de l’Environnement.
« Nous ne voulons pas nous mettre la Chine à dos »
Malgré tout, le bras de fer autour du NCQG a déjà commencé. Au-delà des chiffres, c’est la nature des financements – prêts, dons, investissements du secteur privé – qui est au cœur des négociations. Les pays développés militent aussi pour élargir la base des pays contributeurs en y incluant les « nouveaux pollueurs »: Chine, Russie, Arabie saoudite, Émirats arabes unis… « Le groupe Afrique ne soutiendra pas cette proposition, c’est trop sensible, nous ne voulons pas nous mettre la Chine à dos« , révèle un négociateur africain.
En effet, les pays africains sont également membre du G77, le groupe des pays en développement, dont fait partie la Chine. « C’est un groupe puissant, nous ne pouvons pas partir en ordre dispersé, sans compter que, de manière individuelle, les pays africains ont tout intérêt à ne pas contrarier un partenaire commercial et un investisseur aussi important », poursuit le négociateur.
Dans ce contexte, l’Afrique parviendra-t-elle à obtenir un engagement financier solide ? Une chose est sûre, les négociations, qui ne font que commencer, s’annoncent tendues.
Source: JeuneAfrique
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