Africa-Press – Côte d’Ivoire. LE MATCH DE LA SEMAINE – Depuis son bureau de Lomé, où il a pris les rênes d’Asky il y a près d’un an, Esayas Woldemariam travaille à un nouveau projet : le lancement de vols vers l’Europe, à commencer par Paris. Une première pour la compagnie ouest-africaine, dont la destination la plus lointaine est, pour l’instant, Johannesburg.
« Paris est dans leur radar pour la deuxième moitié de 2023 ou pour 2024 », a indiqué à Jeune Afrique Mesfin Tasew, qui a précédé Esayas Woldemariam à Lomé et dirige désormais, depuis Addis-Abeba, le groupe Ethiopian Airlines. Il siège d’ailleurs, à ce titre, au conseil d’administration d’Asky, dont Ethiopian est actionnaire et partenaire stratégique.
Avec ce symbole fort d’expansion, Woldemariam, qui veut voir à moyen terme sa flotte passer de 12 à 25 avions – pour la plupart des Boeing 737 Max, avec lesquels la desserte de Paris est envisagée, selon nos informations –, compte bien prendre de vitesse son homologue ivoirien, Laurent Loukou. Ce dernier attend quant à lui la livraison des A330 commandés à Airbus pour se lancer vers Paris. Soit un objectif annoncé à la fin de 2024.
D’un côté le réseau, de l’autre les capacités
« Asky se démarque d’Air Côte d’Ivoire en ne proposant qu’une seule plage de hub. Ce qui signifie que ses passagers au départ de Paris pourront se connecter à l’ensemble de son réseau, et inversement. Air Côte d’Ivoire, qui fait décoller une partie de ses vols en matinée et l’autre en fin d’après-midi, ne pourra offrir qu’une partie de son réseau. Sauf à imposer une correspondance beaucoup trop longue, ce qui est peu probable, Air France offrant des liaisons directes vers la plupart du réseau d’Air Côte d’Ivoire », analyse un spécialiste du secteur.
En revanche, Air Côte d’Ivoire pourra s’appuyer sur la capacité de ses futurs avions, bien supérieure à celle des 737 Max, et sera à même de proposer davantage de places dans ses vols, ainsi que du fret et des règles d’emport de bagages attractives.
Ce n’est pas la première fois que les deux compagnies s’affrontent. À Lagos, à Johannesburg, Asky avait ainsi déjà précédé Air Côte d’Ivoire, qui a en outre positionné une escale à Kinshasa sur sa route sud-africaine. Où se posent aussi une partie des vols d’Asky, les autres passant par Libreville. Ce qui ne va pas sans attiser les rancœurs, des deux côtés.
Privé contre public
« Air Côte d’Ivoire ne fait que reproduire nos schémas. La différence est que nous sommes une compagnie aérienne privée, nous devons nous assurer de la rentabilité de nos opérations. Nous opérons néanmoins dans un environnement déséquilibré, face à une compagnie publique qui bénéficie d’aides et de subventions considérables de son gouvernement », soupirait ainsi Nowel Ngala, directeur commercial d’Asky, en juillet 2022, alors qu’Air Côte d’Ivoire venait d’inaugurer ses vols vers Lomé, repris par Asky deux mois plus tôt. Cette fois pourtant, les annonces officielles d’Air Côte d’Ivoire ont de loin précédé celles d’Asky.
Nées il y a une dizaine d’années (2010 pour Asky, 2012 pour Air Côte d’Ivoire) et implantées dans des hubs relativement proches, les deux compagnies se présentent chacune comme l’opérateur ouest-africain de référence – Air Sénégal, bien plus jeune, étant davantage tourné vers le long courrier. Leurs dirigeants actuels, tous deux arrivés relativement récemment à leur poste mais chevronnés dans le secteur, ne font ainsi que répéter une dynamique déjà bien ancrée.
Entré au service marketing d’Ethiopian Airlines en juillet 1991, Esayas Woldemariam est passé par les divisions du cargo puis des ventes de la première compagnie africaine, avant d’être envoyé à Lomé en vertu de l’accord de management qui lie Asky à son actionnaire. De son côté, Laurent Loukou a été pendant des plus de huit ans directeur général adjoint, ainsi que directeur marketing et commercial d’Air Côte d’Ivoire, avant d’assurer la relève de son prédécesseur, le Suisse René Décurey, désormais à la retraite.
Mesfin Tasew comme arbitre
Si Air Côte d’Ivoire bénéficie d’un appui, notamment technique, d’Air France, présent à son capital à hauteur d’un peu plus de 10 %, ce soutien est sans commune mesure avec la force qu’Ethiopian Airlines donne à Asky via ses cadres-clé, ses services de maintenance et surtout, son réseau. Les vols en partance d’Addis-Abeba et à destination des États-Unis font ainsi une halte à Lomé et peuvent être empruntés par les passagers d’Asky.
Mais la donne pourrait changer avec la réouverture des vols d’Ethiopian entre Addis-Abeba et l’aéroport JFK (New York), qui ouvre la voie à une coopération entre les compagnies éthiopienne et ivoirienne, par exemple sous la forme d’un partage de code.
« Nous continuerons à voler quotidiennement vers New York via Lomé, et conserverons notre escale à Lomé pour Washington, avec des fréquences limitées à trois vols hebdomadaires. Mais nous ne pouvons en faire plus en raison de la limitation des infrastructures togolaises », explique à Jeune Afrique Mesfin Tasew, qui compte sur l’option d’Abidjan à la fois pour contourner cette contrainte et pour capter la forte demande ivoirienne à destination des États-Unis.
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