Fonds Africain de Développement: Test de Sidi Ould Tah

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Fonds Africain de Développement: Test de Sidi Ould Tah
Fonds Africain de Développement: Test de Sidi Ould Tah

Africa-Press – Côte d’Ivoire. Le président de la Banque africaine de développement doit recevoir, ces 15 et 16 décembre, les promesses des États contributeurs au Fonds africain de développement, le guichet concessionnel de l’institution. Une gageure alors que plusieurs donateurs historiques ont prévu de réduire la voilure.

C’est une ville faite de bric et de broc, à deux pas de la frontière éthiopienne. Le camp de Doolow, l’un des plus grands de Somalie, accueille des centaines de milliers de déplacés. La plupart ont fui les exactions des milices Shebab qui contrôlent des pans entiers du territoire de l’un des pays les plus pauvres au monde. Début décembre, le conseil d’administration du Fonds africain de développement (FAD), le guichet concessionnel de la Banque africaine de développement (BAD), a approuvé un don de 19,7 millions de dollars pour améliorer les conditions de vie de 20 000 ménages et soutenir l’intégration locale de plus de 128 000 déplacés. Cette somme va permettre de construire 1 750 logements, de nouveaux systèmes de drainage des eaux pluviales et de réhabiliter des canaux d’irrigation.

Les femmes et les jeunes, qui constituent la majorité de la population déplacée de Doolow, auront accès à des formations et le projet prévoit également la création de champs pédagogiques. « En investissant dans les compétences, la sécurité et l’inclusion économique, nous brisons les cycles de vulnérabilité et jetons les bases d’une résilience durable », a expliqué Bubacarr Sankareh, conseiller principal aux opérations de la BAD pour la Somalie.

Pacte de solidarité

Créé en 1972, le FAD est une bouée de sauvetage pour les pays les plus pauvres du continent. Alors que les économies les plus avancées ont accès au guichet principal de la BAD, le FAD est réservé à 37 pays du continent à faibles revenus et permet de financer des projets dans les domaines de la santé, de l’éducation, de l’électrification rurale ou de l’adaptation au changement climatique.

Chaque année, le FAD débloque, en moyenne, l’équivalent de 3 milliards de dollars de prêts à taux très faible, avec des périodes de remboursement très longues, ainsi que des dons. « C’est un véritable pacte de solidarité internationale. Renforcer le FAD, c’est investir dans la stabilité, la paix et la prospérité sur le continent », confie à Jeune Afrique l’entourage de Sidi Ould Tah, le président de la BAD. Car, pour fonctionner, le FAD dépend essentiellement des contributions volontaires des actionnaires non régionaux de l’institution. Et, tous les trois ans, le Fonds doit être reconstitué.

En 2022, lors de la précédente reconstitution, le FAD était parvenu à mobiliser près de 9 milliards d’euros. Cette année, pour la 17e reconstitution (2026-2028) de son histoire, la direction de la Banque espère faire au moins aussi bien, selon nos informations. « C’est un défi car, entretemps, le contexte a beaucoup changé, explique un cadre de l’institution. Les pays du Nord font désormais face à de fortes contraintes budgétaires. » Historiquement, les principaux contributeurs sont l’Allemagne, le Royaume-Uni, la France et les États-Unis qui, à eux seuls, fournissaient environ un quart du total des versements. Selon nos informations, la France va revoir ses engagements à la baisse (en 2022, Paris avait contribué à hauteur de 537 millions d’euros).

Fin de la contribution américaine?

Mais le principal coup dur pour la Banque est venu de Washington. En mai dernier, dans son projet de budget 2026, la Maison Blanche proposait de supprimer la contribution américaine, soit 555 millions de dollars, au nom d’un réalignement de l’aide étrangère sur les priorités de l’agenda America First. Au sein de l’institution, on veut néanmoins croire que Donald Trump ne mettra pas ses menaces à exécution. « Les États-Unis négocient pied à pied pour que le financement des actions contre le changement climatique ne fasse plus partie des priorités du FAD. Il n’y a aucune garantie, mais nous espérons que c’est le signe qu’ils ne vont pas quitter le navire », dévoile le cadre précité.

En attendant, plusieurs pays prennent le contrepied des Américains. Selon nos informations, l’Italie et le Royaume-Uni pourraient augmenter leur participation. Le Danemark a promis une hausse de sa contribution de 40 % pour atteindre 150 millions d’euros et la Norvège de 5,79 % pour atteindre environ 200 millions d’euros. Pour la première fois, de nombreux pays africains qui ne participaient pas jusque-là vont également mettre la main à la poche. De grandes économies comme l’Éthiopie (20 millions de dollars) et le Kenya (20 millions) mais aussi, et c’est une première, des pays aux finances publiques particulièrement exsangues: Ghana (5 millions), Soudan (3 millions), Liberia (3 millions), Sierra Leone (3 millions), Gambie (2 millions) et Zambie (5 millions).

Selon nos informations, d’autres pourraient suivre. « C’est symbolique dans certains cas mais c’est une manière de démontrer que l’Afrique se prend en main », commente notre cadre. « L’Afrique doit réduire sa dépendance à l’égard des financements extérieurs et remédier aux déséquilibres structurels qui imposent des coûts d’emprunt élevés aux économies africaines », affirmait ainsi le président zambien, Hakainde Hichilema, lors de l’annonce de la contribution de son pays.

Pour l’instant, et malgré ces nouvelles contributions, les promesses publiques cumulées ne totalisent qu’environ 1,4 milliard de dollars. Mais la majorité des pays ne dévoileront officiellement leur enveloppe que les 15 et 16 décembre, à Londres. Sidi Ould Tah remportera-t-il sa première bataille? Une certitude, quelques semaines seulement après une campagne électorale qui l’a mené aux quatre coins du monde, le président de la Banque africaine de développement a repris son bâton de pèlerin: Lusaka, Washington, Belém, Tokyo, Alger, Luanda, Rabat, Riyad… Pour le Mauritanien, c’est le début de son mandat qui est en jeu et, surtout, la capacité de la Banque africaine de développement à agir dans les pays les plus pauvres du continent.

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