Africa-Press – Côte d’Ivoire. Les prêts chinois aux gouvernements africains ont chuté de 78 % par rapport à l’année précédente pour atteindre 1,9 milliard de dollars, soit le plus bas niveau depuis 2004, selon un dernier rapport du Boston University Global Development Policy Center. Première explication, l’impact du coronavirus aurait dissuadé les pays du continent d’emprunter. « Les effets du Covid-19 sur les économies africaines et un recul mondial de la capacité de prêt chinoise peuvent expliquer une baisse aussi drastique des montants des prêts chinois à l’Afrique en 2020 », expliquent les analystes. La base de données des prêts chinois à l’Afrique (China Loans to Africa, CLA) est un projet interactif qui suit les engagements de prêts des banques publiques et commerciales chinoises en direction des gouvernements africains et aux entreprises publiques du continent.
Des prêts en forte baisse
De 2000 à 2020, les financiers chinois ont signé 1 188 engagements de prêt d’une valeur de 160 milliards de dollars avec 49 gouvernements africains, leurs entreprises publiques et cinq organisations multilatérales régionales, selon les données récoltées par l’université de Boston. Les plus gros emprunteurs étaient l’Angola, l’Éthiopie, la Zambie, le Kenya, l’Égypte, le Nigeria, le Cameroun, l’Afrique du Sud, le Congo ou encore le Ghana, selon les données collectées.
En 2020, le montant des prêts chinois vers l’Afrique s’est élevé à 1,9 milliard de dollars et n’a concerné plus que onze projets répartis au Burkina Faso, en République démocratique du Congo, au Ghana, au Lesotho, à Madagascar, au Mozambique, au Rwanda et en Ouganda. L’Afreximbank est également la seule banque régionale à avoir reçu un prêt. Et contrairement aux années précédentes, les transports et l’électricité ne captent plus l’essentiel des financements. Le secteur des technologies de l’information et des communications (TIC) est en forte progression avec cinq projets, pour un montant de 568 millions de dollars de prêts en 2020, suivis par trois dans le secteur de l’électricité, deux dans les transports et un projet dans la banque.
Vers un changement d’approche dans un contexte global particulier
Ces baisses significatives ont été constatées dans un contexte particulier pour l’Afrique subsaharienne qui a connu en 2020 sa première récession économique en 25 ans. Dans le même temps, les États ont vu leurs marges de manœuvre réduites, les finances publiques mises à rude épreuve. Au-delà, les gouvernements étaient sous pression des institutions financières sur la question de la dette, de nombreux gouvernements cherchent à restructurer leurs dettes, ils ont donc accru leur vigilance par rapport aux prêts chinois, même si la Chine reste le plus grand créancier de l’Afrique subsaharienne.
Au début de la pandémie de Covid-19, les pays du G20 avaient offert aux pays pauvres un moratoire sur le paiement du service de leur dette jusqu’à la fin de l’année, avant de le prolonger jusqu’à la fin 2021. Parallèlement à cette initiative de suspension du service de la dette (DSSI), ils avaient créé, en novembre 2020, un « cadre commun » destiné à restructurer, voire annuler, la dette des pays qui en feraient la demande. Mais, pour l’heure, les créanciers privés, en particulier chinois, freinent sa mise en œuvre. Il a fallu attendre ce mois d’avril 2022, pour voir la Chine s’engager officiellement. « Nous avons obtenu un engagement très concret de la Chine pour rejoindre le comité [sur la restructuration de la dette, NDLR] sur la Zambie et, d’une manière plus générale, pour travailler de manière constructive » sur le cadre commun du G20, a déclaré Kristalina Georgieva, la directrice générale du FMI, jeudi 21 avril. Pour l’heure, seulement trois pays africains, Tchad, Zambie et Éthiopie, ont demandé à bénéficier de ce cadre.
Cependant, la baisse prolongée des prêts depuis le pic de 2016, ou depuis 2013 si l’on exclut l’Angola, pose une incertitude quant à l’appétit futur des prêteurs chinois pour des montants de financement plus élevés et la volonté des emprunteurs africains d’emprunter davantage. Pour autant, avertissent les chercheurs de l’université de Boston, la réduction des prêts chinois à l’Afrique en 2020 pourrait ne pas s’inscrire dans la durée, « la baisse met en évidence la façon dont les montants des prêts chinois ont tendance à fluctuer en période de crise et d’exposition à des risques structurels importants. Cette baisse est également cohérente avec les retraits des prêts chinois dans d’autres parties du monde cette année-là. »
Pour que l’Afrique ne soit pas lésée dans un moment où elle a besoin de plus de financements pour se reconstruire après la pandémie de Covid-19 et faire face aux conséquences de la guerre en Ukraine, les analystes appellent à des changements structurels dans les pratiques d’emprunt et des normes de prêt. En effet, l’impact économique de la pandémie a réduit les flux de financement, entraînant des sorties de capitaux et aggravant la dette qui s’était déjà envolée ces dernières années, sans compter le retour de l’inflation. « D’autres instruments de financement, tels que les investissements étrangers directs ou les prêts chinois aux banques régionales africaines pour rétrocession aux gouvernements africains, pourraient devenir des sources plus fréquentes de financement de projets de développement en Afrique », écrivent-ils.
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