Africa-Press – Côte d’Ivoire. Souvent portés aux nues par une population désabusée, les coups d’État ne résorbent pas plus les déficits qu’ils ne résolvent le manque d’infrastructures. Et si la véritable stabilité passait par l’accession au pouvoir de dirigeants capables de présenter un (business) plan crédible?
Le Bénin vient de donner le ton. En choisissant comme dauphin Romuald Wadagni pour lui succéder en 2026, le président Patrice Talon – ancien homme d’affaires qui a fait fortune dans l’agrobusiness – parie sur la continuité économique plutôt que sur la rupture politique. Artisan de trois émissions obligataires réussies entre 2019 et 2024 – dont l’eurobond ODD, en 2021, une première pour le pays –, Wadagni incarne ce que les marchés apprécient: rigueur budgétaire, innovation financière et visibilité à moyen terme. Résultat: en 2024, la dette publique du Bénin est restée contenue à 53,7 % du PIB, sous l’effet conjugué d’une bonne maîtrise du déficit et d’une forte croissance.
Que ce soit dans la langue de Shakespeare ou dans celle de Molière, les exploits du ministre béninois de l’Économie et des Finances ont été analysés par l’ensemble de la presse économique, qui n’a pas tari de louanges. « La gestion de sa dette et les efforts d’assainissement de ses finances publiques ont permis au Bénin d’améliorer la notation de sa dette souveraine, ce qui lui a permis d’accéder plus facilement aux marchés financiers internationaux », constate la Banque mondiale dans ses dernières Perspectives économiques sur le pays.
Plus notes, moins de bottes
Lorsqu’un État est géré comme une entreprise, avec un certain degré de transparence et de discipline, la confiance des investisseurs s’installe.
Cet exemple contraste avec la vague de coups d’État qui, à partir de 2020, a submergé le Mali, la Guinée, le Burkina Faso, le Niger et le Gabon. Certes, ces transitions militaires bénéficient d’un soutien populaire massif, comme le montre le sondage réalisé par Jeune Afrique à propos de l’Alliance des États du Sahel, et elles coïncident, à l’évidence, avec une lassitude démocratique, celle qu’éprouvent les Africains devant des régimes qui leur paraissent verrouillés de l’intérieur, voire inamovibles. Mais ces transitions ont aussi entraîné la fuite des capitaux étrangers, une hausse des primes de risque, et, dans certains cas, une suspension de l’aide des bailleurs de fonds, ce qui complique le financement des infrastructures et pèse sur des économies déjà fragiles.
William Ruto: un contre-exemple
L’accession au pouvoir de technocrates ou de dirigeants venus du secteur privé montre, a contrario, que lorsqu’un État est géré comme une entreprise, avec un certain degré de transparence et de discipline, la confiance des investisseurs s’installe. Ne serait-ce pas cette même confiance qui a valu à la Côte d’Ivoire d’Alassane Ouattara – un économiste de formation et de carrière – son retour réussi sur les marchés, en 2024, avec la souscription d’une émission de 2,6 milliards de dollars? Ou encore qui lui a valu le relèvement de sa note souveraine à BB, par S&P, avec pour résultat que le pays présente l’un des meilleurs profils de crédit du continent?
En Zambie, Hakainde Hichilema, « l’homme d’affaires parti de rien », a également démontré qu’une politique crédible de gestion de la dette pouvait être récompensée par un regain d’accès aux capitaux.
La « gouvernance d’entreprise » appliquée en politique n’est cependant pas une fin en soi ; elle peut même conduire à l’échec. Ce fut le cas, au Kenya, de la stratégie trop technocratique et trop froide de William Ruto, qui s’est heurté à la rue. Son projet de loi de finances 2025, qui prévoyait la création de nouveaux impôts (d’un montant total de 2,7 milliards de dollars), lesquels auraient principalement concerné les produits de première nécessité, a déclenché des manifestations massives et a contraint le gouvernement à reculer. Or, si les marchés n’aiment guère les reculades, ils détestent encore plus l’instabilité sociale.
Alors, que doit choisir l’Afrique? Continuer de marcher au pas cadencé des bottes, ou chausser les souliers vernis de ceux qui savent transformer un pays en machine à créer de la valeur? Si miser sur les hommes d’affaires n’est pas une garantie en soi, c’est sans doute, pour le continent, la meilleure chance de se tirer du piège des transitions éternelles.
Source: JeuneAfrique
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