Cette mystérieuse plainte qui prive Guillaume Soro de son assurance-vie en France

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Cette mystérieuse plainte qui prive Guillaume Soro de son assurance-vie en France
Cette mystérieuse plainte qui prive Guillaume Soro de son assurance-vie en France

Africa-Press – Côte d’Ivoire. Tout commence en juillet 2020. Civitas Maxima, une association de droit suisse, ainsi que 46 personnes de nationalité ivoirienne, déposent une plainte auprès du procureur de la République de Paris. Elle vise Guillaume Soro pour des chefs de complicité de crime contre l’humanité pour des faits commis dans la région du Cavally (Ouest), entre le 24 mars et le 22 mai 2011, par les forces alors favorables à Alassane Ouattara. Une soixantaine de témoignages sont versés au dossier.

Les dates mentionnées font notamment référence aux massacres perpétrés dans la région de Duékoué par les ex-rebelles des Forces nouvelles (FN) – dont Soro était le chef -, intégrés aux Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) à partir du 17 mars 2011.

Après l’ouverture d’une enquête préliminaire, le 10 septembre 2020, un procès-verbal d’investigations fut établi par l’enquêteur chargé de la procédure. Cette même procédure a amené Tracfin, la cellule anti blanchiment du ministère français des Finances, à émettre, le 1er mars 2021, une note sur la situation patrimoniale de l’ancien Premier ministre en France. Outre plusieurs biens immobiliers, elle a révélé l’existence d’une assurance-vie souscrite le 28 mai 2003 auprès de Sogecap, la compagnie d’assurance de la banque Société générale.

231 931 euros
Alors que Guillaume Soro avait demandé que l’intégralité du montant accumulé, soit 231 931,23 euros, lui soit versé, la somme a été saisie le 8 mars 2021 à la demande du procureur de la République. Les avocats de Guillaume Soro tentent depuis cette date de faire annuler la décision. Ils estiment notamment que « les sommes saisies ne sont pas confiscables en application de la règle d’immunité » dont bénéficie selon eux leur client.

Après une première tentative infructueuse devant la Cour d’appel de Paris, la défense de l’ancien président de l’Assemblée nationale a saisi la chambre criminelle de la Cour de cassation, la plus haute juridiction française, qui a finalement décidé le 1er février de valider la saisie de la fameuse assurance-vie.

La justice française s’est notamment basée sur une note du ministère des Affaires étrangères, datée du 25 novembre 2020, qui affirme que Soro « n’exerçait aucune fonction officielle entre le 6 décembre 2010 et le 11 avril 2011 », et ne peut donc se « prévaloir d’une quelconque immunité ».

Un statut en question
Pour comprendre ce débat autour du statut de l’ancien rebelle, il faut replonger dans la crise postélectorale de 2010-2011. Nommé Premier ministre en 2007 par Laurent Gbagbo, Guillaume Soro était notamment chargé de superviser l’organisation de l’élection présidentielle tant attendue. Mais les résultats du second tour qui oppose Gbagbo et Ouattara sont contestés. Le 2 décembre 2010, ADO est déclaré vainqueur par la Commission électorale indépendante (CEI) alors que le Conseil constitutionnel place Laurent Gbagbo en tête.

Invité à choisir son camp, Soro décide de suivre l’avis de la communauté internationale qui reconnaît l’élection d’Alassane Ouattara. Le 4 décembre, au moment où Laurent Gbagbo doit être investi président, l’ancien rebelle remet sa démission et celle de son gouvernement. Deux jours plus tard, Ouattara forme à son tour son gouvernement et reconduit Soro à son poste de Premier ministre. La Côte d’Ivoire compte alors deux chefs de l’État et deux gouvernements, et ce jusqu’à la chute de Laurent Gbagbo, le 11 avril 2011. ADO, lui, prêtera officiellement serment le 6 mai.

La défense de Guillaume Soro ne compte pas en rester là et entend contester l’arrêt de la Cour de cassation devant la Cour européenne des droits de l’homme. Les avocats de l’ancien président de l’Assemblée nationale récusent la note du ministère français des Affaires étrangères sur laquelle se base la décision du 1er février. Ils s’étonnent notamment que son contenu soit opposé à la position de la diplomatie française de l’époque. Nicolas Sarkozy, ami personnel d’Alassane Ouattara, avait alors reconnu la victoire de ce dernier et œuvré à ce que son adversaire quitte le pouvoir.

Condamné par contumace à la prison à perpétuité
La défense de Soro rappelle également que, dans une note du 19 mars 2019, le procureur de la République de Paris de l’époque, François Molins, avait statué « qu’aucune procédure ne pouvait être effectuée contre Guillaume Soro pour des faits commis entre 2010 et 2011 en raison de son immunité issue du droit international coutumier. »

Contactée, l’association Civitas Maxima s’est refusée à tout commentaire. Fondée en 2012 par l’avocat suisse Alain Werner, elle documente les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité. Depuis sa création, elle a notamment collecté des preuves des atrocités perpétrées lors des guerres civiles qui ont frappé le Liberia et la Sierra Leone, à la fin des années 1990. Son implication en Côte d’Ivoire était jusque-là inconnue.

En exil depuis la fin de l’année 2019, Guillaume Soro n’a toujours pas abandonné ses ambitions politiques et ses espoirs de retour à Abidjan. Reconnu coupable d’« atteinte à la sûreté de l’État », il a été condamné par contumace à la prison à perpétuité au terme d’un procès en 2021.

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