Africa-Press – Côte d’Ivoire. La Cour Africaine des Droits de l’Homme (CADH) à Arusha en Tanzanie, a rejeté jeudi 26 juin 2025, une requête de Laurent Gbagbo contre l’Etat de Côte d’Ivoire concernant la violation de ses droits.
Le 7 septembre 2020, Le président du Parti des Peuples Africains de Côte d’Ivoire (PPA-CI), a saisi la Cour d’une Requête introductive d’instance dirigée contre la République de Côte d’Ivoire.
L’ex-chef de l’Etat ivoirien a allégué la violation des droits suivants: le droit à l’égalité devant la loi et le droit à une égale protection de la loi, protégés par l’article 3 de la Charte ; le droit à un procès équitable, notamment le droit à la présomption d’innocence, protégé par l’article 7 (1) ; le droit de participer librement à la direction des affaires de son pays, protégé par l’article 13 de la Charte ; le droit d’accéder aux fonctions publiques de son pays, protégé par l’article 13(2) de la Charte ; le droit de voter et d’être élu, protégé par l’article 25 du Pacte international relatif aux droit civils et politiques.
Au titre des réparations, le requérant a demandé à la Cour de se déclarer compétente, dire la Requête recevable, donner effet aux droits protégés par les instruments auxquels l’État défendeur est partie, dire que les allégations de violations de ses droits sont fondées, ordonner toutes les mesures nécessaires pour que l’État défendeur exécute diligemment les décisions de la Cour, enjoindre à l’État défendeur de prendre toutes les mesures pour effacer et faire disparaître tous les effets et toutes les conséquences des violations dont il a été déclaré responsable par la Cour de céans en la présente affaire, prendre toutes dispositions et mesures nécessaires pour annuler l’ordonnance no 2020-356 du 25 août 2020 rendue par le président du TPI d’Abidjan statuant en matière électorale en dernier ressort, et ses effets juridiques, de manière à lever toutes mesures de restriction de ses droits civils et politiques, expurger de son casier judiciaire, ou au besoin, en suspendre de celui-ci, la mention de la condamnation pénale de défaut n° 5200/2019 du 29 octobre 2019 non encore irrévocable, ordonner à l’État défendeur de publier la décision de la Cour dans le journal officiel de l’État défendeur.
Laurent Gbagbo a exposé devant la CADH qu’ayant constaté, le 4 août 2020, sa radiation de la liste électorale, il a saisi, dès le lendemain, la Commission électorale indépendante (CEI) d’une demande de réinscription, qui a été déclarée irrecevable, le 18 août 2020.
Il a interjeté appel devant le Tribunal de première instance d’Abidjan qui, statuant en dernier ressort, le 25 août 2020, a confirmé sa radiation de la liste électorale sur le fondement de l’article 4 de l’ordonnance n°2020-356 du 8 avril 2020, au motif que le Requérant avait été condamné par itératif défaut à 20 ans d’emprisonnement ferme et à une amende de 10.000.000 francs CFA pour complicité de vol en réunion à main armée avec effraction et détournement de deniers publics.
Il a soutenu que cette décision, confirmant sa radiation des listes électorales en lien avec ladite condamnation, porte atteinte à l’exercice de ses droits civils et politiques, et qu’aucune voie de recours interne n’étant disponible contre cette décision, il a saisi la Cour. L’État défendeur n’a pas été représenté et n’a, donc, pas conclu.
La Cour a ainsi décidé de rendre un arrêt par défaut. L’État défendeur ayant fait défaut, aucune exception d’incompétence n’a été soulevée.
Toutefois, en application de la règle 49(1) du règlement, la Cour a examiné les conditions relatives à sa compétence sur les aspects matériel, temporel, personnel et territorial avant de considérer qu’elle a compétence, en l’espèce. L’État défendeur ayant fait défaut, aucune exception d’irrecevabilité de la Requête n’a été soulevée.
La Cour a cependant examiné les conditions de la recevabilité de la Requête en application de la règle 50(1) du règlement et l’a déclarée recevable.
, le Requérant a soutenu que ces droits ont été violés durant la procédure pénale interne dont il a fait l’objet.
Sur la violation alléguée du droit à une totale égalité devant la loi et du droit à une égale protection de la loi, le Requérant fait valoir que ladite violation a eu lieu lors de la procédure pénale interne qui a été ouverte contre lui.
La Cour a souligné que le Requérant n’a pas apporté la preuve qu’il a été victime d’un traitement inégalitaire devant la loi ou d’une protection inégale de celle-ci. Ce traitement inégalitaire ne résulte pas, non plus, des pièces du dossier.
Par conséquent, la Cour a déduit que l’État défendeur n’a pas violé les droits du Requérant à une totale égalité devant la loi et à une égale protection de la loi, tels que protégés par l’article 2 de la Charte, lu conjointement avec l’article 26 du PIDCP.
Sur la violation alléguée du droit à la présomption d’innocence, le Requérant explique qu’il n’a pas pu se présenter à l’audience de la chambre correctionnelle du TPI d’Abidjan, en novembre 2017 en raison de sa détention à Scheveningen, ce qui a conduit à un jugement par défaut et à une condamnation à 20 ans de prison.
Avant qu’une décision définitive ne soit prise sur son éligibilité, il a été considéré comme « irrémédiablement coupable ».
De plus, le président de la CEI aurait publiquement affirmé en août 2020 que sa condamnation était irrévocable, influençant ainsi l’opinion publique et préparant le rejet de sa réclamation concernant sa radiation des listes électorales.
La Cour a estimé que la CEI s’est conformée aux dispositions légales applicables et a tiré les conséquences d’une décision judiciaire préexistante.
Elle a, en conséquence, considéré, que l’État défendeur n’a pas violé le droit à la défense du Requérant, protégé par l’article 7(1)(b) de la Charte, en ce qui concerne la présomption d’innocence.
Sur la violation du droit de participer librement à la direction des affaires publiques de son pays, le Requérant a soutenu qu’il ne pouvait être déclaré inéligible que si sa décision de condamnation avait acquis force de chose jugée.
Or, selon lui, le jugement d’itératif défaut du 29 octobre 2019 ne remplissait pas cette condition, puisqu’il n’avait pas été régulièrement signifié et que les voies de recours demeuraient ouvertes.
La Cour relève que le juge électoral s’est fondé sur une condamnation pénale considérée comme définitive pour apprécier la situation du Requérant. Elle estime que les restrictions en découlant s’inscrivent dans le cadre juridique applicable.
La Cour considère que l’État défendeur n’a pas porté atteinte au droit du Requérant de participer à la direction des affaires publiques, tel que protégé par l’article 13 de la Charte.
S’agissant des allégations de violations du droit d’accéder librement aux fonctions publiques de son pays ainsi que celle du droit de voter et d’être élu, la Cour a relevé que le Requérant n’a pas apporté la preuve de ses allégations. La Cour a décidé, en conséquence, que l’État défendeur n’a pas violé le droit de participer librement à la direction des affaires publiques.
N’ayant pas constaté de violations à l’égard du Requérant, la Cour a rejeté les demandes de réparations. La Cour a décidé que chaque Partie supporte ses propres frais de procédure.
La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples est une juridiction continentale créée par les pays africains pour assurer la protection des droits de l’homme et des peuples en Afrique. La Cour est compétente pour connaître de toutes les affaires et tous les différends dont elle est saisie concernant l’interprétation et l’application de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et de tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l’homme ratifié par les États concernés.
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