Entre Gbagbo et Ouattara, déjà la fin de l’embellie ?

8
Entre Gbagbo et Ouattara, déjà la fin de l’embellie ?
Entre Gbagbo et Ouattara, déjà la fin de l’embellie ?

Africa-Press – Côte d’Ivoire. En Côte d’Ivoire, assiste-t-on à un virage dans la relation entre Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo ? La détente observée entre les deux hommes, soigneusement mise en scène depuis le retour à Abidjan de l’ex-président après son acquittement définitif par la Cour pénale internationale (CPI), semble enrayée. Jamais, depuis le lancement du parti des Peuples africains-Côte d’Ivoire (PPA-CI) en octobre 2021, les tensions entre la nouvelle formation de Laurent Gbagbo et les autorités n’avaient été aussi vives.

Au cœur de cette crispation inédite, dans un environnement politique fragile et à sept mois d’élections locales très attendues, la condamnation à deux ans de prison ferme, le jeudi 9 mars, de 26 militants pro-Gbagbo pour « troubles à l’ordre public ». « Un concept fourre-tout destiné, la plupart du temps, à empêcher la liberté d’expression et d’opinion », fustige le député Michel Gbagbo, vice-président exécutif du PPA-CI, en charge de la politique de sécurité et du maintien de l’ordre public.

Le 24 février, le groupe de militants s’était rassemblé dans le calme en soutien à Damana Pickass, le secrétaire général du parti, convoqué pour s’expliquer devant un juge d’instruction sur son rôle présumé dans l’attaque d’un camp militaire à Abobo qui avait fait trois morts et un blessé en 2021. Ce dernier était ressorti libre de son audition mais inculpé plus tard « pour atteinte à la sûreté de l’État, participation à des activités de terrorisme, blanchiment d’argent et détention d’armes ».

« Une image déplorable de la Côte d’Ivoire »
Le PPA-CI a dénoncé dans un communiqué des condamnations « iniques, arbitraires et politiquement orientées » et « une provocation injustifiée du gouvernement ivoirien à l’égard du parti ». La formation d’opposition, qui poursuit actuellement son implantation en Côte d’Ivoire, est catégorique : le gouvernement, qu’elle « tient entièrement et exclusivement responsable de la détérioration du climat politique et social », chercherait à mettre à mal sa « dynamique ».

« Tout cela offre une image déplorable de la Côte d’Ivoire. On semblait avoir pris une nouvelle pente vers la réconciliation et c’est vraiment décevant que toutes ces crispations reviennent à la surface », estime Michel Gbagbo. « Ce schéma de répression préhensif, excessif, politique nous prépare-t-il à un quatrième mandat (du président Ouattara) ? », s’interroge le député et fils de l’ancien président, dans un audio diffusé lundi sur ses réseaux sociaux. Joint par téléphone par Jeune Afrique, Michel Gbagbo va plus loin et se demande si l’approche des élections locales, prévues en octobre et novembre cette année, ne serait pas un des moteurs de cette « tentative d’intimidation ».

« Tempête dans un verre d’eau »
D’après le PPA-CI, le gouvernement serait également à l’origine de la présence d’individus portant des drapeaux russes lors d’un meeting du parti à Yopougon le 25 février. Au moins deux d’entre eux ont été arrêtés et incarcérés en marge de ce rassemblement. « Ce ne sont pas des militants du parti », a toujours affirmé le porte-parole du parti, Justin Koné Katinan. Selon nos informations, leur procès devraient se tenir dans les prochains jours.

Ces accusations n’ont fait l’objet d’aucune réaction officielle de la part du gouvernement. « Ce n’est pas une préoccupation majeure au RHDP [Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix, le parti présidentiel] », confie un proche du chef de l’État, qui qualifie la séquence de « tempête dans un verre d’eau » et préfère insister sur « la réalité de la réconciliation ». « Les Ivoiriens ne s’occupent pas de ça, ils ne demandent qu’une seule chose, que le pays ne rebascule pas dans la crise », assure-t-il, piquant le PPA-CI de « complotisme ».

Paiement des arriérés de rentes viagères à Gbagbo
La dernière rencontre entre Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo remonte au 8 février, à l’occasion de la remise du prix Félix Houphouët-Boigny pour la recherche de la paix, à Yamoussoukro. Pour l’occasion, les deux hommes avaient posé ensemble, souriants, aux côtés de leurs épouses.

En août, c’est depuis la capitale ivoirienne que le président Alassane Ouattara avait annoncé sa décision d’accorder la grâce présidentielle à son prédécesseur condamné à vingt ans de prison dans le cadre de l’affaire du casse de la BECEAO. Une grâce qui « ne correspond pas aux attentes légitimes de nos compatriotes », avaient alors estimé des proches de Gbagbo qui auraient préféré une « loi d’amnistie » pour effacer la peine. Le parti s’était cependant félicité de l’annonce du dégel des comptes de Laurent Gbagbo et du paiement de ses arriérés de rentes viagères, ainsi que, plus tard, de l’intégration d’un de ses représentants à la Commission électorale indépendante (CEI).

Dans l’opposition ivoirienne, peu de voix se sont élevées pour soutenir le PPA-CI et dénoncer la condamnation de ses militants. Seul un parti a réagi officiellement : le COJEP de l’ancien « général de la rue » et ancien ministre de Gbagbo, Charles Blé Goudé, lui aussi acquitté par la CPI et rentré à Abidjan en novembre, qui a exprimé ses « préoccupations face à la détérioration du climat politique ».

Pour plus d’informations et d’analyses sur la Côte d’Ivoire, suivez Africa-Press

LAISSER UN COMMENTAIRE

Please enter your comment!
Please enter your name here