Africa-Press – Côte d’Ivoire. À 52 jours du premier tour de l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire, le débat autour de la candidature d’Alassane Ouattara pour un nouveau mandat occupe certains dans les rangs de l’opposition. Ce mercredi 3 septembre 2025, Me Faustin Kouamé, ancien garde des sceaux et ministre de la Justice, a pris la parole lors d’un point de presse à Abidjan-Plateau pour éclaircir sa position sur cette question cruciale.
Devant les journalistes, cet avocat et docteur en droit a fondé son argumentation sur le droit constitutionnel. Il a rappelé que la Constitution de la Côte d’Ivoire, adoptée par référendum le 1er août 2000, stipule à son article 35 que: « Le Président de la République est élu pour 5 ans au suffrage universel direct. Il n’est rééligible qu’une fois. »
Me Kouamé a précisé qu’en dépit des nombreuses réformes constitutionnelles concernant le nombre, la durée et les modalités d’exercice du mandat présidentiel, cette disposition a été maintenue « sans la moindre modification ». L’article 55 de l’actuelle Constitution, référendaire du 18 novembre 2016, réaffirme: « Le Président de la République est élu pour 5 ans au suffrage universel direct et n’est éligible qu’une seule fois. »
Selon lui, il est clair que, malgré les multiples réformes, « la disposition limitant le mandat présidentiel à deux mandats successifs de cinq ans n’a pas varié, même d’une virgule ».
« En droit constitutionnel, le principe de la continuité législative s’applique, ce qui signifie qu’en adoptant une nouvelle Constitution, toutes les dispositions ne sont pas nécessairement nouvelles, et les anciennes continuent de s’appliquer », a-t-il expliqué.
Me Kouamé a donc conclu que « le Président en exercice, élu en 2010 et réélu en octobre 2015 selon l’article 35 de la Constitution du 1er août 2000, ne pouvait pas briguer successivement un troisième mandat en octobre 2020 ».
« Ce troisième mandat du président en exercice, illégal à un œil d’hibou, est devenu constitutionnellement valide à l’oeil d’épervier et ce par application de la solution réservée au conflit de lois dans le temps, car il y a eu légitimation subséquente de la possession d’état du Président de la République par toute la classe politique, le peuple et la communauté internationale », a-t-il déclaré.
Cependant, il estime que si le troisième mandat d’Alassane Ouattara est contestable, le quatrième, pour lequel il a récemment déclaré sa candidature pour le scrutin du 25 octobre, est tout aussi illégal.
Me Kouamé a critiqué certaines imprécisions dans la rédaction de la nouvelle Constitution, s’interrogeant: « Pourquoi le Constituant de 2016, sachant qu’un mandat était déjà en cours depuis octobre 2015, n’a-t-il pas résolu ce conflit? Pourquoi n’a-t-il pas intégré une disposition claire comme celle de l’article 101 de la Constitution du Rwanda, qui stipule qu’« en aucun cas, nul ne peut exercer plus de deux mandats?», s’est-il interrogé.
Il a aussi dénoncé une vision métaphorique de la République comparée à une pendule, où certains pensent que la nouvelle Constitution de 2016 « remettrait les compteurs à zéro » pour tous. Cette image, selon lui, est séduisante mais dangereuse, car elle pourrait conduire à des contournements constitutionnels, permettant ainsi un nombre illimité de mandats.
Concernant les candidatures de Laurent Gbagbo et Tidjane Thiam, malgré leur radiation de la liste électorale, Me Kouamé a affirmé: « Les présidents Laurent Gbagbo et Tidjane Thiam demeurent éligibles, peu importe leur situation sur la liste électorale. Dans le système électoral ivoirien, voter est un droit facultatif, pas un devoir civique ». Pour lui, il est donc possible de ne pas être inscrit sur une liste électorale tout en restant candidat.
Cette déclaration souligne la complexité du paysage politique ivoirien et la nécessité d’un débat approfondi sur les enjeux constitutionnels et électoraux mais si beaucoup d’encre coule dans les rangs de l’opposition contre la candidature d’Alassane Ouattara, peu de forces à ce jour se positionnent réellement pour se mesurer à lui dans les urnes.
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