Africa-Press – Côte d’Ivoire. La fracture est désormais ouverte et assumée. Après des années d’alliance au sein du Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP), le Mouvement des Forces d’Avenir (MFA) rompt le silence. Marginalisé, méprisé, écarté: le parti dirigé par Yaya Fofana ne veut plus jouer les figurants. Il entend désormais peser de tout son poids dans l’arène politique, y compris en dehors de la coalition présidentielle.
C’est un discours ferme, sans ambages, qu’a tenu ce week-end Yaya Fofana, président du MFA. Entouré de l’ensemble des structures de son parti — jeunesse, femmes, enseignants et cadres — il a dénoncé « une marginalisation structurelle » du MFA au sein du RHDP. « Nos propositions sont ignorées, nos représentants exclus des sphères stratégiques. Le silence qu’on voudrait nous imposer est un déni de notre existence politique », a-t-il déclaré ce mardi 03 Juin 2025, sur un ton grave avant d’annoncer sa rupture avec le parti du président Ouattara. « J’annonce officiellement ma candidature à la présidence du RHDP, et à l’élection présidentielle de 2025 », a-t-il ajouté
De la loyauté au rejet
Le discours du président du MFA ne laisse place à aucune ambiguïté. Ce n’est plus une simple protestation. C’est une rupture politique. Car le parti, membre fondateur du RHDP, s’estime trahi dans ses engagements. « Notre loyauté est considérée comme de la faiblesse », déplore Fofana, évoquant une direction du RHDP devenue « pyramidale, figée, et fermée à toute voix dissonante ». Une ligne rouge a été franchie.
L’écartement du MFA, selon plusieurs intervenants du parti, remonte à l’arrivée au pouvoir d’Alassane Ouattara, sous qui la structure aurait progressivement été vidée de sa substance politique dans la coalition. « Le MFA est traité comme un simple instrument électoral, et non comme un partenaire stratégique », accuse Meless Derochebdu Secrétariat Général du parti.
Un front uni autour de Yaya Fofana
Rarement dans son histoire récente, le MFA n’avait affiché une telle unité. La jeunesse (JMFA), les femmes (FMFA), les enseignants (CEMFA) et les cadres du parti ont tour à tour pris la parole pour soutenir la double candidature de leur leader. Une démarche, première du genre, à la fois interne (présidence du RHDP) et nationale (présidentielle 2025), qui révèle l’ampleur du malaise mais surtout la volonté de recomposer le paysage politique.
Du côté des femmes (FMFA), la présidente Euphrasie Koutoua section de Yopougon, commune qui a accueilli cette déclaration, le ton a été donné. « Nous ne pouvons plus tolérer que notre voix soit ignorée. Nous soutenons avec force la candidature de Yaya Fofana à la présidence du RHDP, mais aussi à la magistrature suprême », fait-elle savoir.
Même engagement du côté des enseignants du CEMFA, pour qui, il s’agit désormais « de défendre une alternative sérieuse, jeune et intègre ». « Le confort du silence n’est plus une option », martèle Haïdara Tia, son représentant. Quant à la jeunesse du parti, elle se dit prête à relever le défi: « Nous n’avons pas les moyens de l’État, ni les réseaux des grandes familles politiques, mais nous avons la conviction, la vérité, et surtout la jeunesse ivoirienne avec nous », a lancé Vincent Kobena, sous un tonnerre d’applaudissements.
Un projet de rupture
La candidature de Yaya Fofana, si elle acte une rupture, elle entend également ouvrir un nouveau cycle. Celui d’un projet alternatif, républicain et progressiste. Le ton est résolument critique envers les pratiques actuelles du pouvoir. « Ma candidature est une candidature de rupture et de reconstruction », justifie Yaya Fofana la décision de se porter candidat à la Magistrature Suprême au moment où le Rhdp s’active à plébiscité Alassane Ouattara pour porter les couleurs de ce parti à la présidentielle d’octobre 2025. Rupture avec les pratiques de clientélisme, de confiscation du pouvoir, et reconstruction d’un État « équitable, apaisé et ancré dans les réalités locales ».
Le projet, tel que décliné dans les différents discours, mise sur l’écoute des populations, la proximité avec les classes moyennes, les femmes, les enseignants et les jeunes. Il se veut aussi une réponse au sentiment croissant d’épuisement démocratique dans le pays, alimenté par une scène politique verrouillée et polarisée.
L’appel à la mobilisation
Plus qu’un simple changement de cap, le MFA lance une offensive politique. Elle ne s’adresse pas qu’au RHDP, mais à l’ensemble des Ivoiriens. Le parti entend se poser comme une alternative crédible pour les élections à venir. « Le moment est venu d’écouter les voix nouvelles », déclare Meless Deroche. « Sinon, vous devrez entendre nos votes », prévient Vincent Kobena, dans une allusion claire aux conséquences électorales du mépris dont se dit victime le MFA.
La mobilisation est désormais le mot d’ordre. « L’heure n’est plus au doute. L’heure est à l’unité, à l’action et à la foi dans le renouveau », a insisté Yaya Fofana. Un message repris en chœur par ses lieutenants: la reconquête commence maintenant.
Un tournant historique pour le MFA
En rompant le silence, le MFA tourne une page de son histoire au sein du RHDP. Ce parti, fondé par Innocent Anaky Kobena et longtemps éclipsé, retrouve une voix et une ambition politique nationale. En désignant Yaya Fofana comme porte-étendard, ce parti mise sur la jeunesse, la compétence et la proximité pour incarner l’alternative.
La rupture est donc consommée. Et si le RHDP reste silencieux face à cette fronde interne, c’est peut-être parce qu’elle révèle un mal plus profond, celui d’une coalition où les voix minoritaires ne trouvent plus leur place. Pour le MFA, c’est désormais clair: il est temps de compter autrement. Et pourquoi pas, gouverner autrement.
Reste à savoir si Yaya Fofana est éligible et s’il déposera véritablement un dossier de candidature en bon et due forme au Conseil constitutionnel.
Pour plus d’informations et d’analyses sur la Côte d’Ivoire, suivez Africa-Press
