Report de la présidentielle au Sénégal, un juriste ivoirien explique la bataille juridique à laquelle s’adonnent les institutions de la République sénégalaise

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Report de la présidentielle au Sénégal, un juriste ivoirien explique la bataille juridique à laquelle s'adonnent les institutions de la République sénégalaise
Report de la présidentielle au Sénégal, un juriste ivoirien explique la bataille juridique à laquelle s'adonnent les institutions de la République sénégalaise

Africa-Press – Côte d’Ivoire. Le Sénégal traverse une période de crise préélectorale sans précédent, suite au report par l’Assemblée nationale de l’élection présidentielle dans ce pays, initialement prévue, le 25 février 2024 au 15 décembre 2024. Cette actualité qui défraie la chronique tant au Sénégal que dans le reste du monde, n’a pas laissée indifférent, Dr Guibessongui N’Datien Séverin, Docteur en Droit et Avocat ivoirien, par ailleurs vice-gouverneur du district autonome de la Vallée du Bandaman.

Il a dans une contribution, analysé la situation sous un angle juridique. Pour lui, s’il est vrai que le Président sénégalais Macky Sall présente cette situation comme “une crise institutionnelle qui pourrait être tranchée par le parlement, le mal semble plus profond, car il ronge en réalité les bases ou les fondamentaux de la démocratie sénégalaise”.

Il se demande ” comment un litige entre trois protagonistes peut-il être réglé par l’une des parties au litige (juge et partie)” ? Il n’y a aucun doute pour Dr Guibessongui. ” En l’espèce, il s’agit bien d’une crise qui oppose l’Assemblée nationale (pouvoir législatif), au Conseil Constitutionnel (pouvoir judiciaire régulateur du fonctionnement des autres pouvoirs) et le gouvernement qui a abrogé le décret querellé portant convocation du collège électoral (pouvoir exécutif). Et le Président de la République Macky Sall demande à l’un de ces protagonistes, l’Assemblée nationale, de trancher le litige ou de résoudre la crise ouverte.

Que comprendre et que faire ? “, s’interroge le juriste.

Il poursuit: ” D’abord, et presque aux forceps, l’Assemblée nationale du Sénégal a adopté dans la nuit du lundi 05 février 2024, un projet de loi repoussant la date des élections présidentielles du 25 février au 15 décembre 2024.

Il convient de noter que l’article 27 de la Constitution du Sénégal dispose que « le mandat du Président de la république est de cinq ans ». Une loi peut-elle déroger à cette disposition constitutionnelle sans être déclarée non conforme à la Constitution ou souffrir d’inconstitutionnalité ?

La loi votée n’étend-elle pas le mandat au-delà de la durée constitutionnelle de cinq ans, insidieusement ? Sauf révision constitutionnelle, une telle parade juridique ou législative semble incertaine”, fait savoir le Dr en droit, également avocat.

“Ensuite, aux termes de l’Article 31 de la Constitution sénégalaise, « le scrutin pour l’élection du Président de la République a lieu quarante-cinq jours francs au plus et trente jours francs au moins avant la date de l’expiration du mandat du Président de la République en fonction »

Or, le mandat du Président en fonction s’achève le 2 avril 2024 et conformément à l’article 31, l’élection présidentielle doit avoir lieu trente jours francs au moins, soit le 1er mars au plus tard. Au-delà de cette date correspondant à la durée constitutionnelle de cinq ans, la légitimité du Président Macky Sall est mise à rude épreuve, si elle n’est pas effritée.

Il ajoute, par ailleurs, que ” la Constitution sénégalaise ne prévoit pas que les membres du Conseil constitutionnel sont justiciables devant la Haute Cour de Justice, comme le Premier ministre et les autres membres du gouvernement pour les faits qualifiés de crimes ou délit dans l’exercice de leur fonction. À quoi sert donc la commission d’enquête parlementaire avant l’élection présidentielle imminente ? Est-elle suspensive du processus électoral ? Juridiquement non.

De plus, dans les dispositions relatives à la légalité de crise (état d’urgence, état de siège et déclaration de guerre), une telle compétence pour proroger la date des élections présidentielles n’est pas attribuée à l’Assemblée nationale par la Constitution sénégalaise.

Enfin, l’article 74 dispose que « le Conseil constitutionnel peut être saisi d’un recours visant à déclarer une loi inconstitutionnelle ». Le Conseil constitutionnel, resté jusque-là silencieux, n’a pas encore dit son dernier mot. Car il pourrait être saisi par 1/10e des Députés avec pour conséquence plausible une décision d’inconstitutionnalité. D’où viendra alors le salut” ?

Autant de schémas décrits par Dr Guibessongui N’Datien Séverin, qui montrent bien la complexité de la crise dans laquelle est empêtré le Sénégal.

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