Aperçue une dernière fois en 1995, cette espèce d’oiseau serait aujourd’hui éteinte

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Aperçue une dernière fois en 1995, cette espèce d'oiseau serait aujourd'hui éteinte
Aperçue une dernière fois en 1995, cette espèce d'oiseau serait aujourd'hui éteinte

Africa-Press – Côte d’Ivoire. Reverrons-nous un jour voler un Courlis à bec grêle (Numenius tenuirostris), reconnaissable, comme les autres oiseaux du genre, à son long bec légèrement courbé ? Une équipe de chercheurs britanniques douchent cet espoir: dans une étude publiée le 17 novembre 2024, ils confirment que l’espèce doit aujourd’hui être considérée comme éteinte. « Il s’agit de la première extinction mondiale connue d’oiseaux en Europe continentale, en Afrique du Nord et en Asie occidentale », alertent-ils dans un communiqué diffusé par la Royal Society for the Protection of Birds (RSPB), impliquée dans l’étude.

Car si l’aire de reproduction du Courlis à bec grêle est restée incertaine jusqu’à sa disparition (le sud de la Russie est évoqué), l’espèce avait une aire de répartition qui couvrait l’Asie centrale, l’est de l’Europe, le Moyen-Orient, le bassin méditerranéen et le nord-ouest de la côte africaine. « Deux espèces ont déjà disparu des îles au large de cette région (le grand pingouin et l’Huîtrier des Canaries, ndlr), mais le Courlis à bec grêle est la première extinction confirmée d’un oiseau du continent, ce qui indique des problèmes à plus grande échelle », s’inquiète la RSPB.

« L’attention portée à sa conservation est arrivée trop tard »

Les craintes d’une extinction du Courlis à bec grêle ne datent pas d’hier. La dernière observation vérifiée d’un tel oiseau remonte au 23 février 1995. Il avait alors été photographié au Maroc, au niveau de la lagune Merja Zerga. D’autres observations ont bien été signalées, mais sans aucune preuve tangible alors que l’espèce est dure à identifier.

Aujourd’hui, les auteurs de l’étude publiée dans la revue Ibis pensent que l’extinction a en réalité eu lieu au milieu des années 90. Pourtant, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) classe toujours cet oiseau dans la catégorie « en danger critique d’extinction ». La population y est estimée à moins de 50 spécimens dans la nature. Aucun ne se trouvait en captivité dans un quelconque zoo.

Comment l’espèce en est arrivée à cette situation catastrophique ? « Certains rapports indiquent que le Courlis à bec grêle était historiquement commun (au moins localement), mais qu’il était peut-être sur une trajectoire d’extinction pendant une grande partie du siècle dernier », indique l’étude. Déjà en 1912, on pensait l’espèce en déclin. Dans les années 40, l’idée qu’elle pouvait s’éteindre était évoquée.

« Malgré cet avertissement, ce n’est qu’en 1988 que l’espèce a été identifiée comme étant très préoccupante en matière de conservation et classée comme menacée », soulignent les chercheurs. Des actions ont été mises en place et en 1994, avec la révision des critères de la Liste rouge, le Courlis à bec grêle est passé dans la catégorie « en danger critique d’extinction ». Il ne la quittera plus. « L’attention portée à sa conservation est arrivée trop tard », reprochent aujourd’hui les scientifiques. En 1996, lorsqu’un plan d’action a enfin été mis en place, ces oiseaux étaient déjà éteints ou au bord de l’extinction.

Une espèce sûrement affaiblie par la chasse et la destruction de son habitat

Aujourd’hui encore, les causes principales de l’extinction de cette espèce ne sont pas clairement définies. Et elles ne le seront jamais. Mais la destruction de son habitat, notamment les zones humides, et la chasse semblent être les principaux facteurs ayant conduit à son déclin. L’agriculture a grignoté ses zones de vie et « il est également probable qu’à mesure que l’espèce devenait plus rare, la pression pour obtenir des peaux pour les collections s’est accrue, exacerbant les pressions sur une population déjà en déclin », pensent les chercheurs. « Des oiseaux ont été abattus dans les années 1970 et 1980, certains se retrouvant dans des collections de musées ».

Des espèces perdues de vue depuis bien plus longtemps que le Courlis à bec grêle sont finalement retrouvées. Les auteurs de cette nouvelle étude ne se permettent donc pas d’affirmer pleinement que cet oiseau est éteint. Mais leurs recherches pointent tout de même dans cette direction.

« Il existe des preuves statistiques solides que le Courlis à bec grêle est éteint à l’échelle mondiale, même si statistiquement, la fourchette de valeurs indique, d’après la menace, qu’il y a une faible chance qu’il existe » toujours, expliquent-ils. Le modèle mathématique utilisé montre que pour cette espèce, « la probabilité de persistance a diminué rapidement au cours des années 1980 » et que son sort était sûrement scellé dès 1992. Quant à la probabilité que l’espèce persiste toujours en 2022, elle était inférieure à 5.10-8.

Encore moins d’excuses

Pour les chercheurs, l’espèce doit maintenant être placée dans la catégorie « éteinte » de la Liste rouge. Mais sa disparition ne doit pas être vaine: quatre espèces d’oiseaux du genre Numenius – que l’on appelle courlis – sur les sept qui restent sont dans une situation inquiétante à cause notamment de la pollution, de la destruction de leur habitat ou encore du changement climatique.

Des actions de conservation efficaces et coordonnées pourraient éviter d’autres extinctions. Si elles devaient survenir, elles seraient « un indicateur de l’échec de la coopération internationale en matière de conservation de la biodiversité, tout comme la hausse des niveaux de carbone mesure actuellement de manière adéquate notre échec à lutter contre le changement climatique », prévient l’étude. Et d’ajouter: « Avec des technologies plus avancées qu’il y a 20 ans (…) il y a encore moins d’excuses pour de nouveaux échecs ».

Malheureusement, une autre triste mise à jour de la liste des espèces menacées pourrait survenir dans les prochaines années. Le Courlis esquimau (Numenius borealis) n’a plus été documenté depuis 1963. S’il est aussi dans la catégorie « en danger critique d’extinction » de la Liste rouge, les spécialistes pensent que l’espèce a elle aussi disparu.

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