Baleines : voici la carte des risques de collision entre navires et cétacés

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Baleines : voici la carte des risques de collision entre navires et cétacés
Baleines : voici la carte des risques de collision entre navires et cétacés

Africa-Press – Côte d’Ivoire. C’est une hécatombe dont on ne sait rien ou presque. Un nombre important de cétacés meurent tous les ans dans des collisions, principalement avec des navires de la marine marchande car ce sont les plus nombreux et ils sillonnent les mers du monde entier. Pour la première fois, une équipe de chercheurs de l’université de Californie à Santa Barbara (États-Unis) a cartographié les zones de l’océan où les rencontres sont les plus probables. Ce travail publié dans Science montre que les mesures de protection sont quasiment inexistantes dans la plupart des « points chauds », où l’intensité du trafic maritime croise une densité importante d’animaux.

(Cliquez sur les cartes ci-dessous pour les voir en plus grand).

Les chercheurs ont pu établir cette carte grâce à deux avancées majeures. La première, c’est que les navires sont désormais tous dotés d’un système automatique d’identification (à l’exception des illégaux). Ces AIS permettent ainsi de tracer la fréquentation des principales routes maritimes empruntées par plus de 500.000 navires de tous tonnages. Les chercheurs ont ainsi utilisé plus de 35 milliards de points de position de 176.000 navires.

À l’opposé, les travaux scientifiques sur les routes migratoires des cétacés entre leurs zones de reproduction et de nourrissage permettent de mieux connaître les habitudes de ces espèces. Les chercheurs se sont ainsi focalisés sur quatre mammifères marins: la baleine bleue Balænoptera musculus, le rorqual commun Balænoptera physalus, la baleine à bosse Megaptera novaeangliae et le cachalot Physeter macrocephalus. Ils ont utilisé 435.370 enregistrements de présence de ces espèces provenant de centaines de bases de données.

Sans mesures préventives, les risques de collision augmentent

Le croisement de ces informations montre une augmentation constante du risque de collision. À la surface des mers, les bateaux parcourent tous les ans l’équivalent de 4600 fois la distance entre la Terre et la Lune (384.000 kilomètres) dont 2600 fois dans des zones fréquentées par les cétacés.

En s’appuyant sur les observations de la côte californienne, une zone particulièrement bien étudiée où le trafic est intense, la présence de baleines importante et le risque de collision élevé, les chercheurs estiment que 15% de l’ensemble des régions maritimes présentent un niveau de danger équivalent aux eaux de l’ouest des États-Unis. La deuxième découverte, c’est que les régions maritimes à risque sont principalement situées dans les zones économiques exclusives (ZEE) des États, bien plus qu’en haute mer. Ce qui pourrait constituer une bonne nouvelle: les ZEE sont sous la responsabilité des États qui peuvent donc imposer des mesures de protection.

Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Le trafic maritime fréquente 92% des zones de vie des cétacés. Certains des « points chauds » où l’intensité du trafic maritime croise la densité des animaux sont bien connus: l’océan Indien, le nord-ouest de l’océan Pacifique et la Méditerranée. Mais d’autres régions moins bien identifiées sont mises en exergue par l’étude: le nord-est de l’océan Pacifique, le Pacifique sud, l’Atlantique sud, le sud de la mer de Chine ainsi que les eaux de l’Extrême-Orient.

Des régions qui n’étaient pas auparavant considérées comme des lieux de collisions apparaissent: la zone des Açores (l’une des rares en haute mer), les régions côtières du Brésil, d’Argentine, du Chili et du Pérou, les littoraux d’Afrique du Sud, du Mozambique et de Madagascar. Seuls les océans Arctique et Antarctique sont dénués — ou presque — de risques. 19% de ces zones affectent au moins deux espèces, et celles concernant trois espèces moins de 5%.

Réduire la vitesse, détourner sa route: les deux principales mesures de protection

La liste est longue mais l’océan est vaste. Les zones à risque ne représentent au final que 2,6% de la surface des océans. Les mesures de protection ne concerneraient donc qu’une partie infime des zones marines. À ce jour cependant, moins de 7% des zones concernées sont couvertes par des mesures de protection. Celles-ci sont principalement de deux types: la réduction de la vitesse des navires et le détournement des routes empruntées pour éviter les couloirs de migration. C’est ce qui commence à être mis en place dans les eaux californiennes, où l’association Safe Whale a réussi à imposer une diminution de la vitesse des navires commerciaux à 10 nœuds (18 kilomètres/heure) après avoir constaté une très forte mortalité entre 2018 et 2020. Une étude du Fonds international pour la protection des animaux (Ifaw) a montré qu’une diminution globale de la vitesse de tous les navires dans le monde réduirait de 50% les risques de collision.

Le débat avance également en Méditerranée, où la France, Monaco, l’Italie et l’Espagne plaident pour une zone de protection renforcée englobant le sanctuaire des grands cétacés Pelagos, entre côtes française et italienne et la Corse. La Méditerranée est l’exemple même du « point chaud ». Ce lieu de concentration de nombreuses espèces de cétacés est aussi sillonné par 20% du commerce maritime mondial, 10% du trafic de conteneurs et plus de 200 millions de passagers en ferries ou navires de croisière. Les mesures de protection sont cependant de la responsabilité de l’Organisation maritime internationale (Omi).

Les auteurs de l’étude plaident pour une extension des zones de protection afin d’éviter que la situation ne s’aggrave. Les chercheurs font ainsi remarquer que le transport de marchandises qui passe à 90% par les océans devrait tripler d’ici à 2050. Par ailleurs, le changement climatique fait envisager l’ouverture de nouvelles routes commerciales en Arctique, par les passages du Nord canadien et de Sibérie. L’ouverture en eau libre une grande partie de l’année de ces littoraux, autrefois sans risques, devrait attirer les baleines, estiment les chercheurs et donc augmenter le risque de rencontre des uns et des autres.

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