Depuis quand les animaux se déguisent-ils en plantes pour échapper à leurs prédateurs ?

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Depuis quand les animaux se déguisent-ils en plantes pour échapper à leurs prédateurs ?
Depuis quand les animaux se déguisent-ils en plantes pour échapper à leurs prédateurs ?

Africa-Press – Côte d’Ivoire. Cela fait plus de 260 millions d’années que des insectes pratiquent le mimétisme, grâce auquel ils se font passer pour d’autres animaux ou pour des plantes.

Comprendre l’origine et l’évolution des insectes, c’est comprendre notre planète afin d’anticiper son avenir et ceux des écosystèmes qui la compose, où les insectes doivent pouvoir continuer à évoluer. Même si certains insectes, notamment les espèces invasives, peuvent nous déranger ou nous dégoûter, ils participent au fonctionnement des écosystèmes en prenant part aux chaînes alimentaires des territoires qu’iles investissent. Pour comprendre ces mystérieux insectes, la mise en place de leur « mégadiversité » et leur stratégies d’évitement de leurs prédateurs, nous nous penchons sur leur évolution.

En France, au nord de Nice, d’épaisses roches rouges forment un ensemble de montagnes et de gorges spectaculaires : les gorges du Cians et de Daluis. Ces roches compactes, gréseuses, datent du « Permien », une époque qui a accueilli des grands amphibiens et grands reptiles, certains ancêtres des dinosaures… ainsi que de nombreux insectes, déjà avec de multiples lignées.

En 1963, Jean Vernet, infatigable géologue alpin et grand alpiniste, évaluait pour le CEA le potentiel uranifère de ce massif proche de la station de sport d’hiver de Valberg, dans l’aire d’adhésion du parc National du Mercantour. En effet, les roches de France datant du Permien sont souvent parsemées de gisements d’uranium et ont été intensément étudiées pour cela. Ce faisant, il découvrit une aile d’insecte fossile dans ce bassin permien du sud des Alpes, où nul n’avait encore vu l’ombre d’un fossile.

Libellules géantes et sauterelles-feuilles

Cette aile fossile d’insecte représentait alors le premier insecte du Permien français, et resta longtemps l’unique fossile du Permien régional.

Aujourd’hui encore, les seuls témoins de la vie dans le « Colorado niçois » à cette période sont des fossiles d’insectes. L’un d’entre eux est une « petite » libellule géante (moins de 20 centimètres d’envergure pour Arctotypus verneti, alors que certaines atteignent 70 centimètres d’envergure), qui a attiré des générations de géologues sur ses traces après sa découverte dans les années 50.

Il a fallu attendre 2017 pour trouver un deuxième fossile, Permotettigonia, qui est exceptionnel à plusieurs titres.



Nous avons mis un peu de temps avant de conclure sur la parenté de ce fossile avec les sauterelles modernes. Celle-ci a été mise en évidence en étudiant les sauterelles actuelles (Orthoptères Ensifères) et leurs ressemblances morphologiques… avec les plantes.

Ressembler aux plantes, un pouvoir qui aide à s’adapter

Simple empreinte d’aile d’un insecte de taille moyenne, ce fossile d’aile porte à lui seul les informations nécessaires pour reconnaître l’un des plus anciens représentant des orthoptères – les grillons et sauterelles. Mais surtout, elle présente une ressemblance avec les orthoptères mimétiques de végétaux comme les sauterelles-feuilles que l’on connaît aujourd’hui, qui imitent avec force détails les feuilles vivantes (vertes) ou mortes de végétaux.

Ces sauterelles mimétiques tentaient donc déjà, il a plus de 260 millions d’années, d’échapper à leurs prédateurs en prenant l’aspect de feuilles. Les prédateurs pouvaient être des reptiles planeurs connus à la même époque dans des gisements différents (Madagascar, Allemagne) ou des libellules « géantes » (Méganeurides).


Le fait que des insectes imitaient déjà des végétaux à l’époque, ce qui est une indication précieuse sur les écosystèmes de cette période, car le mimétisme est la manifestation d’une « pression de sélection » : il est probable que les prédateurs devaient être déjà suffisamment nombreux et efficaces pour que les insectes doivent passer inaperçus.

Ainsi, cette aile fossile, en témoignant de l’ancienneté de ces relations entre plantes et insectes (interaction biologique), a permis de reculer de près de 80 millions d’années les cas avérés de mimétisme.

Les paléontologues aventuriers

Les « pélites » rouges du Permien sont souvent fossilifères, mais ne sont pas faciles à étudier : ce sont des sédiments souvent solidifiés qui résistent à l’érosion, ce qui complique les opérations de fouilles. Soulevées par le plissement alpin au Miocène (vers 10 millions d’années), elles se retrouvent ici en montagne, où les fortes déclivités compliquent la progression et les prospections. Les techniques d’alpinisme sont pratiques pour atteindre les sites compliqués.

Parmi celles-ci, les méthodes de canyoning permettent de descendre dans les cours d’eau qui ont sculpté de profonds canyons et permettent d’examiner les surfaces érodées, de rechercher des zones favorables à la fossilisation. Le paléontologue doit se faire un peu aventurier pour débusquer des fossiles inédits. Nos ancêtres ont d’ailleurs utilisé ces méthodes d’alpinisme dans ce massif pour aller dénicher des minéraux comme le cuivre natif dès l’antiquité et pendant le Moyen-Âge. Aujourd’hui, ces anciennes mines ne sont accessibles qu’avec des techniques alpines (comme le rappel par exemple) dans les falaises des gorges de Daluis.


Le massif du Dôme de Barrot, remarquable et sauvage, n’a pas livré tous ces secrets et nous en continuons l’exploration, sous le regard des loups qui arpentent aussi ces territoires. D’autres trésors scientifiques nous y attendent.

 

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