Africa-Press – Côte d’Ivoire. Au fond des abysses, le plancher océanique abrite une grande quantité de ressources minérales précieuses: nodules polymétalliques, encroûtements cobaltifères et sulfures hydrothermaux. Ces dépôts naturels contiennent des métaux tels que le nickel, le cuivre, le cobalt, le manganèse, l’or et les terres rares.
Ces substances sont essentielles pour diverses industries, notamment l’électronique, les énergies renouvelables et les technologies de pointe. Elles sont devenues cruciales pour la transition énergétique, en particulier pour les batteries des véhicules électriques.
Le besoin est mondial, et beaucoup considèrent que les mines terrestres ne suffiront pas à alimenter la demande internationale. De plus, ces mines terrestres sont inégalement réparties sur la surface émergée du globe, créant une dépendance vis-à-vis de pays comme la Chine ou la République démocratique du Congo.
Qu’est-ce que l’AIFM ?
Créée en vertu de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM), ou ISA en anglais (“International Seabed Authority”), est basée à Kingston, en Jamaïque. Elle représente 168 États membres.
L’AIFM a pour mission de protéger le plancher océanique des zones situées en dehors des juridictions nationales et d’organiser les activités liées aux minéraux convoités. Actuellement, son conseil n’attribue que des contrats d’exploration scientifique des fonds marins.
Cependant, depuis plus de dix ans, il négocie un code minier pour fixer les règles d’une éventuelle exploitation industrielle des richesses minières des fonds marins. Ce code devrait être finalisé en 2025. Le problème est que les conséquences écologiques d’une telle exploitation sont inconnues, les scientifiques avertissant que cela pourrait ouvrir une véritable boîte de Pandore.
Les opposants à l’exploitation des fonds marins ont été récemment renforcés par une étude scientifique qui conclue que les nodules polymétalliques, bien que non vivants, jouent un rôle crucial dans la production d’oxygène.
Pourquoi parler de “revers” pour les opposants à l’exploitation des fonds marins ?
Les opposants à l’exploitation des fonds marins plaident pour un moratoire sur cette activité controversée. Jusqu’à présent, les pays soutenant l’exploitation avaient toujours réussi à empêcher qu’une simple discussion à ce propos se tienne à l’AIFM. Cette fois-ci, une amorce de débat a eu lieu.
Cependant, le projet de décision lançant un “dialogue” vers le “développement d’une politique générale (…) sur la protection et la préservation de l’environnement marin” n’a pas abouti malgré une semaine de négociations à Kingston.
De nombreuses délégations, de la Chine à l’Arabie saoudite en passant par le groupe Afrique, ont dénoncé le manque de clarté du texte et estimé que l’assemblée n’était pas le lieu pour ce type de décision, qui relèverait plutôt du Conseil, composé de 36 États.
Photo prise le 5 mai 2017 montrant le Jiaolong, le submersible habité chinois, en mer de Chine méridionale. Le Jiaolong a découvert une collection de nodules polymétalliques au mont sous-marin Puyuan dans la mer de Chine méridionale. Liu Shiping / XINHUA / Xinhua via AFP
Face à cette opposition, le Chili a finalement retiré sa proposition, pourtant affaiblie, à la toute fin de la réunion annuelle de l’assemblée, qui, par tradition, se prononce par consensus. “Nous souhaitons exprimer notre déception”, a déclaré le représentant chilien, Salvador Vega Telias. Estimant malgré tout avoir le soutien d’une majorité d’États, il a souhaité reporter la question à juillet 2025, ce qui n’a pas non plus été approuvé par l’assemblée.
Pourquoi y a-t-il urgence ?
Depuis un an, malgré l’absence de règles, n’importe quel État peut déposer une demande de contrat d’exploitation au nom d’une entreprise qu’il sponsorise. Cette situation résulte d’une clause juridique déclenchée en 2021 par l’île de Nauru. Le petit État du Pacifique a d’ailleurs récemment assuré que le dossier de Nori (Nauru Ocean Resources Inc.), filiale de l’entreprise canadienne The Metals Company, qui souhaite exploiter des nodules polymétalliques dans le Pacifique, était “en cours de finalisation”.
Le développement “responsable des minerais des fonds marins” est “une nécessité pour notre survie dans un monde qui change rapidement”, a insisté cette semaine le président de Nauru, David Adeang, appelant le Conseil à finaliser le code minier en 2025, conformément à la feuille de route. Cependant, les défenseurs des océans, mettant en avant le manque de connaissances scientifiques et les risques pour les fonds marins, plaident pour un moratoire sur l’extraction industrielle. Ils sont arrivés à cette réunion renforcés par une étude scientifique publiée en juillet, concluant que les nodules polymétalliques, bien que non vivants, jouent un rôle crucial dans la production d’oxygène.
Une nouvelle présidente pour l’AIFM
Les ONG ont salué l’élection de l’océanographe brésilienne Leticia Carvalho comme secrétaire générale de l’AIFM. Elle remplacera à partir de janvier 2025 le controversé Michael Lodge, qui briguait un troisième mandat de quatre ans. Le Britannique est régulièrement accusé par les ONG d’une posture “pro-extraction”, accusations qu’il estime être sans fondement. “C’est un nouveau chapitre”, s’est félicité le groupement d’ONG Deep Sea Conservation Coalition, appelant à une “réforme” de l’Autorité, “pour le bien de l’humanité”.
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