Africa-Press – Côte d’Ivoire. Sous les eaux. Dans quelques jours, la zone de prospection du site paléontologique d’Angeac-Charente sera noyée jusqu’à l’été prochain et la reprise des fouilles qui, traditionnellement, s’étalent sur environ trois semaines chaque année. La mise sous l’eau est volontaire afin de protéger l’accès aux précieuses ressources fossiles que le sous-sol abrite encore.
En 2024, dans un contexte météorologique peu clément qui a contraint les scientifiques à décaler de quelques jours les dates de cette campagne estivale, la moisson a été fructueuse puisque les restes d’un nouveau dinosaure sauropode ont été découverts, après les découvertes exceptionnelles de deux gigantesques fémurs en 2010 et 2019.
Un deuxième sauropode à Angeac
« Cette fois-ci nous avons eu un double coup de chance », se réjouit Ronan Allain, paléontologue et chargé de la conservation au Musée National d’Histoire Naturelle qui fait partie de l’équipe de fouille. « Les os de ce nouveau fossile sont en connexion. C’est-à-dire que l’on est en présence d’un très imposant squelette articulé et en plus il s’agit d’un sauropode différent de ceux dont les os ont déjà été sortis les années précédentes », explique-t-il. Pour le moment les paléontologues ont déterré le bassin au niveau duquel sont accrochées quatre vertèbres dorsales de plus d’un mètre de largeur et une partie du crâne apparemment très bien préservé.
Le bon état du fossile suggère que l’animal est probablement mort sur place et qu’il a ensuite été enseveli dans le sol argileux. A l’époque, au début du Crétacé, la région d’Angeac-Charente connaissait un climat subtropical et le paysage constituait un environnement marécageux, typique des bayous qui modèlent aujourd’hui une grande partie de la Louisiane.
Les premiers ossements correspondaient à des sauropodes similaires aux gros turiasaures, des animaux gigantesques dont possiblement le plus grand des représentants a été découvert à Angeac avec sa trentaine de mètres de longueur pour un poids de 40 tonnes. Ce nouveau fossile appartient à un autre genre, celui des camarasaures. Plus petits mais tout de même impressionnants avec une longueur estimée entre 15 et 20 mètres.
La découverte est donc de taille. Ces deux types de dinosaures vivaient sur le même territoire. « Sans doute qu’ils se sont spécialisés pour apprécier, chacun, un type de plantes différents. Ainsi, ils n’entraient pas en concurrence pour la quête de nourriture », suppose le paléontologue qui espère même, dans les années à venir, découvrir un troisième genre de dinosaure géant proche des diplodocus, ces dinosaures au très long cou.
En attendant, il va falloir bouger la dalle de plâtre d’une tonne qui a été coulée pour protéger le dernier fossile avant son excavation. Une fois ce colossal travail achevé, les os seront nettoyés, photographiés, avant que le tout ne fasse l’objet d’études scientifiques. Le bon état du squelette laisse espérer des résultats assez rapides, peut-être dans les deux ans.
Des dinosaures à découvrir en réalité virtuelle immersive
S’il y avait deux ou trois genres de dinosaures herbivores géants à Angeac, il existait aussi des carnivores suffisamment gros pour les croquer ! Mais ceux-ci se font, pour le moment, plus discrets. Seules des dents indiquent leur présence, les paléontologues ont en même trouvé dans la cuvette formée sous le corps du dernier sauropode, ce qui indique que sa carcasse a sans douté été charognée par un de ceux-là. Sans doute un mégalosauridé, des animaux bipèdes à l’allure de tyrannosaure mais bien plus anciens. « C’est ce gros prédateur qu’il nous reste encore à découvrir mais il y a encore de nombreuses années de fouille prévues à Angeac et on finira peut-être par en déterrer un », espère Ronan Allain.
Andreas Koch, lui, n’a pas attendu sa découverte pour représenter un mégalosaure dans le Tumulte, la nouvelle attraction immersive en réalité virtuelle d’Angeac-Charente. Dans ce gros tonneau de 6 mètres de diamètre pour 3 mètres de haut, des groupes (jusqu’à 19 personnes) peuvent « interagir avec les dinosaures d’Angeac. Mais il faut faire attention de ne pas les effaroucher » prévient le co-fondateur de la société Cortex Productions qui a mis au point cette expérience. Effectivement, sur un écran circulaire, elle permet de dérouler un scénario d’une dizaine de minutes qui est l’aboutissement de plusieurs années d’échanges avec les paléontologues. L’histoire varie selon les mouvements du public, repérés grâce à une technologie mise au point pour l’occasion.
Dans le tonneau, sont présentés les sauropodes, un stégosaure et d’autres animaux ainsi que des éléments de paysage qui collent le plus possible aux indications des scientifiques. Mais les stars de cette aventure, ce sont les ornithomimosaures. Ces dinosaures-autruche (leur taille et leurs poids sont similaires à ce volatil) qui vivaient en troupeaux constituent le groupe le plus représenté à Angeac. Les précédentes recherches ont ainsi permis de découvrir un troupeau de 60 individus dont des juvéniles. Avec leurs plumes dont la couleur permet de distinguer le sexe, « ils sont comme les autres dinosaures: représentés en trois dimensions et en taille réelle. On peut même les nourrir ! », explique le créateur du Tumulte.
Si les fouilles s’achèvent à la fin juillet, l’animation restera active sur le site jusqu’à la fin du mois d’août. Etant transportable, elle pourra ensuite être déplacée pour présenter les dinosaures d’Angeac-Charente dans d’autres lieux. Avant sans doute d’y retourner l’été prochain. En effet, le Tumulte constitue un premier jalon qui est le début d’une installation plus pérenne, encore à définir, qui permettra de mettre encore plus en valeur les trésors du lieu. La communauté d’agglomération de Grand Cognac ayant pour objectif de favoriser ce tourisme paléontologique.
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