Un Cristal Qui Fait Vibrer Le Temps

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Un Cristal Qui Fait Vibrer Le Temps
Un Cristal Qui Fait Vibrer Le Temps

Africa-Press – Côte d’Ivoire. Les cristaux sont des structures d’atomes ordonnées dans l’espace. Tel est la neige, le sel, les métaux ou les pierres précieuses. Des formes famillières? Pourtant, les cristaux n’en finissent pas d’étonner les scientifiques.

Ils se distinguent des liquides et des gaz par leur répétition structurelle en tout point du solide. C’est-à-dire que la plupart des cristaux présentent une régularité dans l’espace: si on les déplace d’une certaine distance – ce que l’on appelle une « translation » – ils restent identiques dans l’espace.

En revanche, d’autres peuvent reproduire une symétrie dans le temps. Ils sont alors connus sous le nom de cristaux temporels. Ces derniers furent théorisés en 2012 par le prix Nobel de physique Frank Wilczek et découverts expérimentalement en septembre et octobre 2016 par des physiciens américains des universités du Maryland et d’Harvard. Ce type de cristal change donc spontanément d’état à une fréquence régulière, oscillant de manière stable. Tel un pendule, sa structure prend des positions variables qui se répètent dans le temps.

Des cristaux battant au rythme du temps

Ces objets singuliers sont mis à l’honneur d’une étude publiée le 16 octobre 2025 par une collaboration finlando-britannique dans Nature Communications. Elle détaille l’interaction inédite entre un cristal temporel continu et un oscillateur mécanique.

Les physiciens ont refroidi de l’hélium-3 à une température proche du zéro absolu (-273,15°C). Le gaz est alors liquéfié et transformé en un superfluide, un état quantique dans lequel le fluide s’écoule sans résistance. Il se forme alors à l’intérieur un cristal temporel, dit « continu », parce que son agencement régulier d’atomes retourne dans le même état à intervalles de temps réguliers (ou périodiques). Contrairement aux cristaux temporels dits « discrets », dont le comportement dépend d’un forçage externe (comme un laser dont la température provoque sa transformation), les cristaux temporels continus évoluent librement, à leur propre rythme, sans stimulation extérieure.

L’expérience est inédite en raison du couplage entre le cristal et un oscillateur mécanique. Ce duo, qui mêle optique et mécanique, correspond à un système optomécanique, « car la structure cristalline peut être assimilée à un oscillateur optique comme une cavité », explique à Sciences et Avenir Jere Mäkinen, auteur principal de la recherche et physicien à l’université d’Aalto (Finlande), spécialiste des structures topologiques – les phases de la matière qui rend compte des déformations d’un système – et de leur dynamique dans des superfluides topologiques.

Ce principe optomécanique est d’ores et déjà utilisé au sein des détecteurs d’ondes gravitationnelles, incluant LIGO, Virgo et KAGRA. On peut l’imaginer comme l’effet combiné de deux instruments ne jouant pas la même note, mais qui s’accordent suffisamment pour faire naître des harmoniques communes. « Cela permet notamment d’extraire ou d’ajouter des quanta d’énergie (paquets d’énergie, ndlr) au mode mécanique. C’est la raison pour laquelle ce couplage permet aux deux systèmes, dotés de leurs propres énergies et fréquences, d’interagir de manière contrôlée. Le cristal étant considéré comme une cavité optique, celui-ci voit sa fréquence modulée par le mode mécanique », comme l’explique à Sciences et Avenir Jere Mäkinen,


Vers des applications diverses

Toujours d’après le chercheur finlandais, le résultat majeur de la liaison entre un cristal temporel et un système mécanique réside dans la « démonstration concrète d’un comportement optomécanique », processus bien connu en physique expérimentale. Cette configuration commune permet en outre d’effectuer des mesures extrêmement sensibles, notamment le refroidissement d’un mode mécanique, qui se caractérise par un mouvement d’oscillation généré par une excitation (due à une perturbation) du système autour d’un état d’équilibre.

Prenant en considération les avantages du cristal temporel continu, de multiples applications peuvent être envisagées, incluant « la détection de la matière noire », développe Jere Mäkinen, précisant qu’il s’agirait de déterminer où chercher « une particule sensible à une fréquence donnée pour mesurer des variations d’énergie extrêmement faibles ». En d’autres termes, la structure cristalline agirait comme un capteur d’énergie ultrasensible.

Par ailleurs, une autre utilisation du cristal pourrait être la mémoire quantique « en raison de sa stabilité et de sa longue durée de vie » et son incorporation dans un « ordinateur quantique permettrait de préserver la cohérence pendant longtemps, mais pose le problème inéluctable de la transformation d’un système en un état quantique unique », rapporte le physicien finlandais à Sciences et Avenir.

En associant un cristal temporel continu à un oscillateur mécanique, les chercheurs ouvrent ainsi une nouvelle ère pour la physique quantique. Une étape novatrice qui, à l’avenir, pourrait faire vibrer le temps au cœur des technologies quantiques.

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