Africa-Press – Côte d’Ivoire. Le ministre de la Santé, de l’Hygiène publique et de la Couverture maladie universelle, Pierre Dimba, n’a pas mâché ses mots. Lors d’une rencontre d’échanges tenue ce jeudi 19 juin à Abidjan avec les maires du district autonome, le ministre a exprimé une vive déception face à la faible performance vaccinale dans la capitale économique, en deçà de la moyenne nationale de 88 %.
« Abidjan, c’est la crème du pays. On ne peut pas comprendre que ce soit elle qui tire les indicateurs vers le bas », s’est indigné Pierre Dimba, en s’adressant directement aux élus locaux et à ses collaborateurs. La ville, qui concentre 20 % de la population nationale, affiche une couverture vaccinale inférieure à la moyenne nationale, loin de l’objectif de 95 % fixé pour tous les antigènes.
« C’est inacceptable. C’est une responsabilité collective que nous devons assumer », a-t-il martelé.
Le ministre a pointé du doigt plusieurs causes de cette contre-performance: le refus de certains habitants d’ouvrir leurs portes aux agents de santé, la désinformation relayée sur les réseaux sociaux, et surtout un manque criant d’implication des élus locaux.
« La prévention, c’est d’abord la vaccination. Et quand on laisse la peur ou l’ignorance prendre le dessus, ce sont nos enfants qui en paient le prix », a-t-il déclaré avec fermeté.
L’année 2024 a été particulièrement éprouvante pour le système de santé ivoirien. Plusieurs communes d’Abidjan – Adjamé, Abobo Clouetcha, Port-Bouët-Vridi – ont été touchées par la circulation du poliovirus de type 2 dérivé d’une souche vaccinale. Une riposte rapide a permis de circonscrire la menace.
Autre crise sanitaire: une épidémie de choléra ayant causé 7 décès et 45 cas dans un quartier précaire peuplé de pêcheurs venus de pays voisins. « C’est un environnement sans latrines, sans eau potable. Voilà comment une maladie oubliée refait surface », a regretté le ministre.
La situation épidémiologique reste tendue: 694 cas de rougeole, 14 cas de rubéole, 29 flambées enregistrées à travers le pays et un cas confirmé de fièvre jaune.
« On ne peut plus se permettre d’attendre. La santé, c’est la richesse la plus importante d’un homme », a insisté Pierre Dimba.
Le ton s’est durci à l’égard des responsables sanitaires: « On ne peut pas être directeur départemental, ne pas atteindre ses objectifs, et rester en poste. Ce temps est révolu. Vous serez évalués, et promus ou remplacés selon vos résultats », a-t-il averti.
Même message aux élus locaux: « Quand on est maire, on a un devoir de redevabilité. La santé des citoyens, c’est aussi votre affaire. »
Le ministre a exhorté chaque commune à élaborer un plan communal de santé, à former une équipe dédiée, et à intensifier la sensibilisation via des actions de proximité. L’administration territoriale, sous la coordination du préfet d’Abidjan, devra appuyer ces efforts pour renforcer la synergie locale.
Le Dr Raymond Brou, directeur coordonnateur du Programme élargi de vaccination (PEV), a présenté les grandes lignes de la stratégie de redressement.
Elle prévoit, le déploiement de camions mobiles dans les marchés et gares, l’intégration de 500 pharmacies et cliniques privées, la relance des campagnes via la plateforme M-Vaccin, le outien accru des ONG et des radios communautaires, des campagnes de rattrapage trimestrielles et deux campagnes nationales contre la polio et une grande campagne gratuite de vaccination contre le cancer du col de l’utérus.
L’objectif est ambitieux pour 2025: atteindre 95 % de couverture vaccinale dans tous les districts sanitaires, y compris Abidjan, et 70 % pour la population de 12 ans et plus. Cela nécessitera un approvisionnement régulier en vaccins, l’extension du vaccin antipaludique dans les 8 districts sanitaires restants d’Abidjan, et une logistique renforcée.
Loin d’être une simple réunion de bilan, la rencontre s’est révélée être une véritable sonnette d’alarme. « Chacun doit être à sa place. Chacun doit rendre compte. Et chacun doit agir », a affirmé le ministre.
Le message est clair: face aux risques épidémiques, aucune commune, aussi moderne soit-elle, ne peut se permettre de rester en retrait.
« La santé est une responsabilité partagée. Et c’est maintenant qu’il faut agir. Pas demain », a conclu Pierre Dimba, déterminé à placer la prévention vaccinale au cœur de l’agenda sanitaire national.
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