Maher Hajbi
Africa-Press – Djibouti. Sous la houlette de l’Ivoirien Ben Hassan Ouattara, la branche Afrique de la filiale du mastodonte genevois du négoce lance un nouveau plan de développement continental afin de renouer avec la croissance.
Passé par Shell, en tant que directeur maritime Afrique pour les produits pétroliers, et Vivo Energy, d’abord à la tête de sa filiale ivoirienne, puis aux commandes de la succursale ghanéenne, Ben Hassan Ouattara pilote, depuis avril dernier, la branche Afrique de Puma Energy. Après avoir un temps resserré les vannes des financements et rationalisé les actifs, le spécialiste de la distribution des produits pétroliers raffinés déploie désormais une stratégie plus offensive sur le continent, avec le soutien de la maison mère, Trafigura.
« Le groupe veut donner la taille et la qualité qu’il faut à nos projets, car nous sommes sur le continent pour y rester, non pour partir », confie Ben Hassan Ouattara à Jeune Afrique. Malgré une chute de 13 % de son chiffre d’affaires (3,8 milliards de dollars) et d’environ 7,5 % de sa marge brute (260 millions de dollars) en 2024, liée notamment à la dévaluation des monnaies locales dans certains marchés (Zimbabwe et Ghana notamment) et au mécanisme d’ajustements des prix à la pompe dans d’autres, la branche Afrique du distributeur de carburant veut appliquer une nouvelle stratégie, qui consiste à consolider ses actifs existants et à préparer l’avenir via de nouveaux investissements.
Cap sur la rentabilité
Présent dans 17 pays africains, avec quelque 710 stations-service, 90 aéroports desservis et une activité B2B en forte croissance, Puma Energy a un plan: lancer entre 60 à 80 nouvelles stations-service par an, dont une trentaine dans les régions rurales. Dans ces zones, le groupe créera un écosystème comprenant une pharmacie, la distribution de gaz, et d’autres produits essentiels. « Ce dispositif permet d’assurer la rentabilité, de renforcer notre maillage et de fournir des produits de qualité dans les zones économiquement moins dynamiques », motive Ben Hassan Ouattara.
Sur le papier, le modèle des stations-service rurales se révèle rentable, mais sur le terrain, le choix divise les observateurs. « Des opérateurs locaux ont investi ces zones faute d’accès aux centres urbains et la rentabilité dépend fortement du contexte local », avance un spécialiste sénégalais du négoce et de la distribution pétrolière. « Se concentrer sur les grosses agglomérations serait une erreur, se développer dans les zones intérieures est une bonne stratégie », tempère Charles Thiémélé, patron de la division Afrique du négociant genevois BGN.
Sans dévoiler de montants précis pour la période 2025-2030, le groupe assume une posture « financièrement offensive » et « une logique d’investissement calibrée pour la rentabilité ». « Aujourd’hui, Puma Energy dispose d’un modèle plus flexible, et notre croissance nous permettra d’être un concurrent très incisif sur le marché africain dans les cinq prochaines années », affirme Ben Hassan Ouattara. Son objectif? Gagner en efficacité plutôt qu’en taille, face aux mastodontes de la distribution des produits raffinés, le Français TotalEnergies et le Britannique Vivo Energy.
Trafigura, un soutien de poids
« Avec des fondamentaux assainis, nous voulons incarner une efficacité opérationnelle visible, pas une taille abstraite. Le consommateur africain est notre juge, et nous nous y préparons », soutient le responsable ivoirien. Sa feuille de route repose, par ailleurs, sur quatre axes prioritaires: la sécurité des opérations et des collaborateurs, le développement des compétences locales, le respect des standards réglementaires dans chaque pays et une focalisation sur l’expérience client, perçue comme levier principal de croissance durable.
« Puma Energy est un concurrent dynamique et assez redoutable dans certains pays, dans l’est et le sud du continent », confirme Stan Mittelman, le président directeur général de Vivo Energy. D’ailleurs, la filiale du géant genevois du négoce, Trafigura, ne cache pas ses ambitions d’expansion régionale. « Le groupe souhaite faire une percée en Afrique du Nord, où nous ne sommes pas encore présents, mais aussi être plus visibles dans l’Ouest, renforcer sa présence dans l’Est et se réinventer dans le Sud avec de nouveaux projets », détaille Ben Hassan Ouattara.
Avec des investissements ciblés, le groupe entend désormais consolider ses positions et se faire une place face à ces concurrents. « À l’époque, les décisions étaient influencées par la stratégie de Trafigura, maintenant Puma semble prendre son indépendance pour se développer de manière plus cohérente », analyse Charles Thiémélé. Le groupe et sa maison mère entretiennent une collaboration fondée sur une synergie opérationnelle. Le premier possède l’expertise de la distribution, le second maîtrise le trading et de la gestion des partenaires dans la chaîne logistique.
« C’est une symbiose qui nous place dans une position très favorable pour être compétitifs et offrir aux clients les meilleurs produits au meilleur prix », loue le patron de la division Afrique de Puma Energy. Trafigura est à la fois actionnaire et partenaire stratégique, mais les décisions sont prises collectivement, avec des représentants de la maison mère, de la filiale et des membres indépendants au sein du board. Sur le continent, les directeurs pays disposent de la latitude de décision, avec des remontées au siège Afrique, puis celui du groupe pour les projets majeurs.
La logistique, un pilier stratégique
Alors que Trafigura, l’un des plus grands traders mondiaux, continue à investir et à donner à Puma Energy la flexibilité et l’agilité nécessaires, le groupe souhaite orienter une partie de ses investissements dans les dépôts, terminaux et réseaux secondaires pour le stockage des hydrocarbures. Pour Ben Hassan Ouattara, diplômé de l’École navale de Brest et fin connaisseur des flux pétroliers, « sans infrastructure logistique fiable, pas de distribution compétitive », d’où l’importance pour le groupe de se renforcer.
Figure respectée du secteur, le responsable ivoirien souhaite aussi lancer une initiative avec l’Association des raffineurs et distributeurs africains (ARDA), afin de créer des groupes de travail pour structurer des projets communs d’infrastructures, dans une approche collaborative. En effet, les distributeurs de produits pétroliers raffinés paient une facture considérable pour les surestaries, les frais liés à l’attente des navires dans les ports congestionnés, en l’absence d’infrastructures efficaces.
En dépit de la complexité des opérations, avec la croissance géographique, « l’Afrique reste un marché à fort potentiel pour Puma Energy », soutient Ben Hassan Ouattara. Le groupe se diversifie et structure ses projets dans le gaz naturel comprimé (GNC) en Tanzanie, dans des centrales solaires en Zambie, au Bénin et au Ghana, et dans des solutions hybrides B2B pour les grands industriels, sur le modèle « Build, Own, Operate and Transfer ». Une approche intégrée qui permet à Puma de bâtir, d’exploiter, puis de transférer l’infrastructure à son client sur des cycles de dix à quinze ans.
Source: JeuneAfrique
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