Nadoun Coulibaly et Aurélie M’Bida
Africa-Press – Djibouti. Acquisition des filiales de BNP Paribas au Burkina et en Guinée et maintenant du réseau Oragroup, négociations avec Société générale… Le banquier s’emploie à disrupter le secteur financier ouest-africain avec Vista Bank. Son objectif : bâtir un groupe panafricain. Jeune Afrique vous en livre les dessous.
De longues discussions, en bilatéral depuis plus de dix mois, pour aboutir à la signature d’un accord majeur dans l’histoire de la finance sur le continent. L’annonce de la cession du contrôle d’Oragroup – un holding bancaire basé à Lomé – à Vista Bank confirme aux yeux des observateurs du milieu financier africain l’entregent du fondateur de Lilium Capital, Simon Tiemtoré.
L’accord, qui devra cependant obtenir le feu vert des autorités monétaires, doit permettre au groupe Vista d’étendre sa toile sur 12 nouveaux pays d’Afrique de l’Ouest et centrale. Selon nos informations, l’acquéreur devra également sécuriser son plan de financement afin que la transaction soit définitivement validée.
Pour pénétrer le marché bancaire, l’américano-burkinabè, ancien d’Afreximbank et de Morgan Stanley, s’est appuyé sur une stratégie axée sur les fusions-acquisitions. En attendant, ce nouvel accord tourne la page d’une longue période d’incertitude et permet au capital-investisseur panafricain Emerging Capital Partners (ECP), ainsi qu’aux institutionnels français Proparco, allemand DEG et belge BIO de trouver preneur pour la revente de leurs parts dans Oragroup, après le fiasco de la reprise en novembre 2020 par l’Institut de prévoyance sociale – Caisse générale de retraite des agents de l’État ivoirien (IPS-CGRAE), retoquée par le régulateur ouest-africain du secteur bancaire.
Félicitations du milieu
« Avec cette transaction, Vista fait son entrée dans la catégorie des grandes banques », se félicite-t-on dans l’entourage du groupe financier. Lilium Capital, holding d’investissements qui contrôle Vista Bank, doit absorber une participation majoritaire de plus de 61,5 % au capital d’Orabank, selon nos informations.
Pour l’heure, ni le nouvel acquéreur ni les vendeurs n’ont souhaité communiquer le montant de la transaction. Mais toujours d’après nos informations, ECP, l’actionnaire principal qui détient 50,01 %, escomptait récolter plusieurs centaines de millions d’euros de la vente de ses parts. « Avec cette prise, Simon Tiemtoré devient un acteur crédible et Vista Bank passe du statut de banque inconnue à celui d’une institution désormais présente dans plus de 14 pays africains. Tiemtoré se forge ainsi une crédibilité de banquier dans une démarche industrielle avec l’idée de bâtir un groupe bancaire panafricain », explique un dirigeant d’une banque établie à Abidjan qui souhaite conserver l’anonymat.
Pour rappel, l’ancien directeur du fonds d’investissement de la banque d’affaires Morgan Stanley puis chef du département marchés des capitaux à Afreximbank a racheté, en 2020, des filiales subsahariennes mises en vente par BNP Paribas face au groupe financier du « serial entrepreneur » ivoirien Bernard Koné Dossongui, lequel a débloqué quelque 31 millions d’euros pour l’acquisition de la filiale malienne. Un succès qui a révélé ce nouvel acteur et son pari des fusions-acquisitions.
« La reprise des filiales de BNP Paribas était déjà un bon début. À présent, Simon Tiemtoré enchaîne et devient le roi des coups, à la surprise générale. Il a pris les milieux bancaires et financiers de court et rentre dans la catégorie des banquiers panafricains grâce à sa double connaissance des locaux et de la culture américaine. Il parvient à côtoyer les acteurs et à faire sentir qu’ils peuvent travailler ensemble », décrypte de son côté un ancien dirigeant de BNP, saluant une belle réussite.
Encore des défis
Toutefois, dans le rang des points de vigilance, le banquier de 48 ans est attendu à plusieurs niveaux. En premier lieu, au sujet de la reprise en main d’Oragroup. Si les filiales ivoirienne et togolaise du réseau Orabank portent les résultats du groupe, il n’en va pas de même pour toutes. Notamment, celles du Tchad et de la Mauritanie.
De fait, selon nos sources, Simon Tiemtoré devra avoir des ambitions aussi bien d’ordre financier que de développement du groupe. « Il faudra réfléchir à la filialisation des succursales en dopant le capital et les fonds propres pour pouvoir attaquer de gros financements », plaide l’un de nos interlocuteurs.
Sur un autre volet, la structure de financement mise en place par le président du groupe Vista est encore inédite sur le continent, et est à observer avec attention. En effet, et contrairement à plusieurs acteurs africains engagés dans une boulimie de rachats sur le continent, comme Bernard Koné Dossongui par exemple, Simon Tiemtoré a fait le choix de financer son expansion davantage en dette qu’en fonds propres, a-t-on appris de sources au fait du dossier. Ce sont notamment Afreximbank – son ancien employeur, qui n’avait pas répondu à nos questions lors du bouclage de cet article – et la Banque ouest-africaine de développement (BOAD) qui suivent l’entrepreneur dans ses projets.
En 2021, déjà, la Banque africaine d’import-export a clôturé un prêt de 59,2 millions d’euros au titre de la Facilité intra-africaine de financement des investissements pour financer l’acquisition par Vista de participations majoritaires dans les filiales de BNP Paribas en Guinée et au Burkina Faso. Au mois de mars dernier, la BOAD a accordé un prêt à court terme de 25 milliards de francs CFA (38 millions d’euros) au groupe Vista pour soutenir le rachat d’Oragroup. La décision a été approuvée lors de la 134e session ordinaire du conseil d’administration de la banque, présidée par Serge Ekué. Un accord que le président de Vista devra donc sécuriser définitivement pour boucler le deal.
Fortes ambitions
En attendant, pour Tiemtoré, la prise de contrôle d’un groupe bancaire de référence comme le réseau Orabank concrétise sa stratégie de bâtir une banque panafricaine à l’image d’Ecobank, du marocain Bank of Africa, ou encore du nigérian United Bank for Africa (UBA). En effet, avec la sortie des grandes banques européennes et internationales du continent, les États africains ont besoin de disposer des ressources de groupes bancaires solides pour leur succéder, de banques capables d’accompagner le financement les projets d’infrastructures. Pour Simon Tiemtoré, interrogé par Jeune Afrique, « Vista Group dispose d’une capacité éprouvée de mobilisation avec les États-Unis, dans le cadre de la nouvelle politique de financement du développement sur le continent. Nous voulons créer des analogies, comme le Maroc l’a fait dans les services financiers avec Attijariwafa Bank, BCP ou Bank of Africa ».
Dans le viseur du banquier, en particulier : le potentiel que représente la zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf). En attendant, le nouvel arrivant est décidé à montrer qu’il faudra compter avec lui pour bousculer la hiérarchie d’un secteur en pleine mutation.
Source: JeuneAfrique
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