Face au recul du dollar, le yuan a le vent en poupe en Afrique

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Face au recul du dollar, le yuan a le vent en poupe en Afrique
Face au recul du dollar, le yuan a le vent en poupe en Afrique

Africa-Press – Djibouti. L’augmentation du commerce sino-africain et les efforts de dédollarisation des flux commerciaux renforcent la popularité de la monnaie chinoise.

Un nuage venu de l’Est vient faire de l’ombre au règne du dollar sur les échanges commerciaux en Afrique. En effet, les banques africaines constatent une augmentation constante de leurs réserves en yuan chinois, même si le manque de liquidités l’empêche encore de détrôner la devise américaine en tant que monnaie dominante sur le continent.

« L’utilisation du yuan chinois a augmenté dans les transactions en Afrique« , confirme Dean Onyambu, responsable exécutif des transactions chez Opportunik Global Fund (OGF), un fonds d’investissement privé dont le siège se trouve à Maurice. « Mais on n’atteint pas encore un volume significatif par rapport à la quantité de transactions effectuées en dollars », tempère-t-il.

L’exemple de la Zambie illustre le propos. Les principales transactions des banques commerciales en yuan y ont augmenté en termes absolus en 2022 et 2023, bien qu’elles soient restées inférieures à 0,5 % du total des transactions de change. Comparativement, les transactions en ZAR [rands sud-africains] représentent entre 27 % et 33 % du total des transactions de change des banques commerciales, tandis que les transactions en USD représentent plus de 50 % du total des transactions de change des banques commerciales sur la même période.

En septembre 2023, la Banque centrale chinoise a chargé la Bank of China, quatrième banque du pays, de compenser les transactions en yuan en Zambie. Cette mesure visait à stimuler le règlement des transactions dans la monnaie chinoise. Un mois plus tard, l’Égypte a émis ses premières obligations libellées en yuan chinois. La première obligation panda du continent a été évaluée à 3,5 milliards de RMB (479 millions de dollars).

Stimuler la dédollarisation

Selon l’Observatoire de la domination du dollar du Conseil atlantique, la Chine a lancé sa version de Swift, appelée système de paiement interbancaire transfrontalier (CIPS), pour tenter de stimuler la dédollarisation. Le mécanisme de règlement en renminbi a connu une croissance rapide et comptera 119 participants directs et 1 304 participants indirects en 2023.

« Les banques ont commencé à constituer des réserves de yuan chinois », explique Paul Frimpong, fondateur et directeur exécutif du China-Africa Centre, un groupe de réflexion basé au Ghana. « Les banques centrales d’Afrique de l’Est et d’Afrique australe discutent de ces questions, ce qui est moins le cas en Afrique de l’Ouest. »

Lignes de swap bilatérales

La Chine reste l’un des principaux partenaires commerciaux du continent, Afrique du Sud en tête suivie du Nigeria et de l’Angola. Au cours des sept premiers mois de 2023, le commerce entre la Chine et l’Afrique a augmenté de 7,4 % par an, pour un total estimé à 158,4 milliards de dollars.

« L’infrastructure financière croissante a facilité l’utilisation du yuan sur le continent », explique Lara Wolfe, analyste des risques pays en Afrique subsaharienne pour BMI – une société de Fitch Solutions. « Parallèlement, le déploiement accru d’accords de swap bilatéraux sur le continent africain – un instrument de la Banque populaire de Chine – renforce encore la liquidité du yuan. »

La Chine a souvent eu recours à des lignes de swap bilatérales – un accord par lequel deux banques centrales conviennent d’acquérir la monnaie de l’autre en échange de la sienne – pour stimuler l’utilisation du renminbi à l’échelle mondiale. Entre 2009 et 2020, les accords bilatéraux d’échange de devises de la Chine ont dépassé 3,5 billions de RMB (554 milliards de dollars) dans 41 pays.

Comment rembourser sa dette ?

Depuis la pandémie, l’attitude optimiste de la Réserve fédérale américaine a entraîné d’importantes sorties de capitaux du continent et la popularité du billet vert a baissé auprès de nombreuses banques centrales à court d’argent qui luttent pour rembourser leur dette.

Des dirigeants africains tels que le président du Kenya, William Ruto, ont également commencé à plaider en faveur de la dédollarisation, encourageant d’autres dirigeants confrontés à des pénuries de dollars à passer à l’utilisation de monnaies locales pour régler les échanges bilatéraux.

« L’année dernière, le gouvernement ghanéen a utilisé 90 % de ses recettes pour payer les intérêts de sa dette, explique Paul Frimpong. Les pays africains vont devoir redoubler d’efforts pour trouver des dollars afin de régler leurs dettes. Dans ce sens, ils ont tout intérêt à diversifier leurs réserves de devises. »

Malgré la hausse prometteuse du yuan et les discussions sur la dédollarisation, le billet vert, facilement disponible, reste le choix le plus pratique pour le règlement des échanges.

Décision politique

Les réserves de change reviennent lentement en Afrique après une année 2023 en demi-teinte, aucun pays africain n’ayant émis d’euro-obligation. Toutefois, les récentes émissions d’euro-obligations par la Côte d’Ivoire, le Bénin et le Kenya reflètent une amélioration du sentiment des investisseurs à l’égard du continent.

« Il n’existe pas de marché suffisamment liquide pour le yuan chinois par rapport au kwacha zambien ou au shilling kenyan, explique Dean Onyambu. En revanche, pour des devises comme le dollar ou l’euro, il y a beaucoup de liquidités. »

Bien que la Chine ait tenté de rendre les règlements dans sa monnaie plus attrayants, les économistes estiment que la Banque populaire de Chine (PBOC), de facto la banque centrale du pays, doit donner une impulsion politique plus forte pour que l’on assiste à un abandon significatif du billet vert.

« Les décideurs politiques chinois doivent prendre l’initiative d’étendre les lignes de swap ou l’accès au yuan chinois à un plus grand nombre de banques centrales africaines afin de faciliter les opportunités de commerce et d’investissement », explique Onyambu.

Lorsque les banques chinoises ont commencé à accroître leur présence sur le continent, le marché s’attendait à ce que d’autres infrastructures suivent pour faciliter les échanges de yuan chinois contre certaines monnaies locales, « mais cette attente ne s’est pas concrétisée », constate Dean Onyambu.

Malgré les efforts croissants déployés de part et d’autre, l’absence de convertibilité continuera d’entraver l’utilisation du yuan comme monnaie de réserve sur le continent. « Il reste encore du chemin à faire », selon le responsable exécutif des transactions chez OGF. « Mais c’est possible, si on a du temps. »

Source: JeuneAfrique

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