Africa-Press – Djibouti. Encore peu visible dans le paysage institutionnel, l’Agence Djiboutienne des Normes et de la Qualité (ADN) s’impose pourtant comme un pilier discret mais essentiel du développement économique de Djibouti. En assurant l’élaboration, l’harmonisation et la promotion des normes nationales, cette structure joue un rôle clé dans la compétitivité des produits « made in Djibouti » et dans la protection des consommateurs. À l’heure de la mondialisation et de l’intégration régionale, gros plan sur cette institution de régulation devenue un levier stratégique.
Située dans les bâtiments de la plaine, en plein cœur du centre-ville, l’Agence Djiboutienne des Normes et de la Qualité (ADN) remplit une mission aussi technique que capitale: construire un environnement normatif qui permette à Djibouti de faire jeu égal avec ses partenaires commerciaux internationaux. Créée par la loi n° 100/AN/20 du 7 janvier 2021 et rendue opérationnelle par le décret n° 2022-092/PR/MCT du 4 mai 2022, l’ADN est un Établissement Public à caractère Industriel et Commercial (ÉPIC), placé sous la tutelle du Ministère du Commerce et du Tourisme.
Sa vocation? Élaborer, adopter et faire appliquer des normes nationales harmonisées avec les standards internationaux, afin de garantir la qualité, la sécurité et la fiabilité des biens et services commercialisés à Djibouti. Dans un contexte de mondialisation où la libre circulation des marchandises est conditionnée à leur conformité, la norme devient bien plus qu’un outil technique: c’est un instrument de souveraineté, de compétitivité et de protection des consommateurs.
Lors du lancement officiel des activités de l’agence en 2022, le ministre du Commerce et du Tourisme, M. Mohamed Warsama Dirieh, avait résumé l’enjeu en ces termes: « Il est rapidement apparu indispensable au gouvernement de mettre en place une institution réglementaire capable de consolider le modèle économique national. Cette agence a pour mission de dynamiser la collaboration intersectorielle, de tisser des partenariats avec les organismes internationaux de normalisation, de défendre les priorités nationales et d’orienter les acteurs économiques vers les réseaux internationaux. »
Un rôle essentiel qui répond aussi à un impératif global: celui de respecter les engagements pris par Djibouti au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), dont le pays est membre fondateur. La normalisation est ainsi un outil de dialogue international: elle permet d’instaurer une reconnaissance mutuelle des produits et facilite les échanges en supprimant les barrières techniques au commerce.
Une infrastructure de la qualité au service du développement durable
L’ADN ne se contente pas d’émettre des textes techniques. Elle œuvre à la construction d’une véritable infrastructure nationale de la qualité, articulée autour de quatre piliers: la normalisation, la métrologie, l’évaluation de la conformité et l’accréditation. Son objectif est double: garantir que les produits importés ou fabriqués localement soient sûrs pour les consommateurs, et ouvrir aux produits djiboutiens les portes des marchés étrangers.
Dans cette perspective, l’agence travaille de concert avec les ministères, les institutions techniques, le secteur privé et la société civile. Elle a mis en place, en 2024, des comités techniques sectoriels de normalisation. Ces groupes réunissent des experts désignés par leurs institutions, chargés d’élaborer, par consensus, des normes adaptées aux réalités locales mais conformes aux standards internationaux. Le secteur agroalimentaire a été l’un des premiers à être structuré, avec un comité dédié qui s’inspire du Codex Alimentarius – un recueil de normes alimentaires mondiales.
En parallèle, l’ADN s’appuie sur les Organismes d’Évaluation de la Conformité (OEC) pour contrôler les produits sur le marché. Le Laboratoire National d’Analyse des Aliments (LANAA), le laboratoire vétérinaire de la DESV ou encore celui de la CERD sont mobilisés pour vérifier que les produits importés ou locaux répondent bien aux normes établies. À ce jour, 71 normes alimentaires ont été définies par les comités techniques et attendent leur validation pour être publiées au Journal Officiel. Cette démarche ambitieuse est appuyée par une Politique Nationale de la Qualité élaborée avec le soutien de l’Union Africaine, et en cohérence avec la Vision 2063 qui promeut un développement inclusif et durable. Ce document stratégique, en cours de validation, vise à coordonner l’ensemble des acteurs de la qualité dans une dynamique nationale cohérente.
Former, sensibiliser, certifier: vers une culture qualité partagée
L’un des défis majeurs pour l’ADN est d’ancrer une véritable culture de la qualité au sein de la société djiboutienne. Car une norme, aussi bien rédigée soit-elle, reste lettre morte si elle n’est pas comprise et appliquée par les acteurs économiques. C’est pourquoi l’agence a fait de la formation et de la sensibilisation un axe central de son action. Depuis deux ans, plusieurs sessions de formation ont été organisées à destination des professionnels du secteur agroalimentaire. Elles portent sur les normes internationales en matière de sécurité sanitaire des aliments, comme l’ISO 22000 ou la méthode HACCP, désormais incontournables dans les échanges internationaux. Mais l’effort de vulgarisation ne s’arrête pas là. Les agents opérationnels – inspecteurs des douanes, de la santé, du commerce, techniciens des laboratoires et même les importateurs – ont également été formés. Objectif: leur permettre d’identifier les risques liés aux produits non conformes et de mieux comprendre les exigences réglementaires. Ces sessions s’inscrivent dans une évaluation globale du Système National de Contrôle des Aliments (SNCA), en partenariat avec les organismes internationaux spécialisés.
Par ailleurs, l’ADN renforce sa légitimité sur la scène régionale et mondiale en devenant membre actif de grandes instances de normalisation telles que l’ISO (Organisation Internationale de Normalisation), l’IEC (Commission Électrotechnique Internationale), le Codex Alimentarius et l’ARSO (Organisation Africaine de Normalisation). Ces affiliations donnent du poids à ses décisions, tout en assurant une cohérence avec les pratiques en vigueur dans les pays partenaires.
Nous rencontrons Ismaïl Mohamed, dirigeant d’une PME de transformation alimentaire à Djibouti-ville. « Obtenir la certification pour nos produits a été un vrai défi, mais aussi une opportunité », confie-t-il. « Grâce au soutien de l’ADN, nous avons pu améliorer nos procédés, garantir la qualité et accéder à de nouveaux marchés régionaux. C’est une vraie plus-value pour notre entreprise. »
Dans cette dynamique d’ouverture, l’agence entend faire du label « Made in Djibouti » un gage de qualité et de conformité. Elle mise sur l’implication des parties prenantes – secteur privé, consommateurs, administration – pour faire de la normalisation un outil partagé, compris et utilisé. Une stratégie inclusive qui vise à éviter que la qualité ne soit perçue comme une contrainte, mais bien comme un moteur de croissance et de compétitivité.
L’Agence Djiboutienne des Normes et de la Qualité est bien plus qu’une entité technique ou administrative. Elle est un maillon essentiel du développement économique du pays, un outil de régulation au service de l’intérêt général, un levier d’intégration régionale et un pilier de la souveraineté commerciale.
En construisant pas à pas une infrastructure de qualité robuste, en impliquant l’ensemble des acteurs, et en alignant les pratiques nationales sur les standards internationaux, l’ADN affirme son rôle stratégique pour l’avenir de Djibouti. Une institution encore discrète, mais déjà incontournable.
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