Entretien avec Awaleh Osman

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Entretien avec Awaleh Osman
Entretien avec Awaleh Osman

Africa-Press – Djibouti. Directeur général de l’Agence Djiboutienne des Normes et de la Qualité (ADN)
« Les normes concernent chaque citoyen »
Dans un monde où la qualité, la sécurité et la conformité deviennent des exigences incontournables, les normes jouent un rôle essentiel dans le développement économique, la compétitivité des entreprises et la protection des consommateurs. À Djibouti, c’est l’Agence Djiboutienne des Normes (ADN) qui a la lourde responsabilité de poser les fondations techniques d’une économie durable, sûre et intégrée au commerce international. Encore méconnue du grand public, cette institution stratégique travaille pourtant dans l’ombre pour encadrer, réguler et valoriser les produits, services et infrastructures du pays.Pour mieux comprendre ses missions, ses défis et ses ambitions, La Nation a rencontré son Directeur général M.Awaleh Osman. Dans cet entretien exclusif, il revient sur les grandes lignes du mandat de l’ADN, les priorités actuelles, et la manière dont l’agence entend se positionner comme un acteur clé dans la transformation économique de Djibouti.
La Nation: Vous êtes à la tête de l’Agence Djiboutienne des Normes et de la Qualité, l’ADN. Pourriez-vous nous définir les missions et les contours des prérogatives de votre agence?
Awaleh Osman : Merci pour cette question essentielle. L’Agence Djiboutienne des Normes et de la Qualité, que nous appelons ADN, est l’organe national chargé d’élaborer, d’adopter et de diffuser les normes au sein de la République de Djibouti. Notre mission principale est de bâtir une véritable infrastructure de qualité sur l’ensemble du territoire.

Cela signifie que nous devons développer des règles claires, précises et adaptées aux spécificités de notre économie, mais aussi en harmonie avec les standards internationaux. Ces normes sont des outils indispensables pour garantir la sécurité des consommateurs, protéger notre environnement, et renforcer la compétitivité de nos entreprises, notamment sur les marchés étrangers.

En plus de l’élaboration des normes, nous intervenons dans la certification des produits et services. Cela permet d’attester qu’un produit répond bien aux exigences normatives, donnant ainsi confiance aux consommateurs comme aux partenaires commerciaux. Nous menons également des actions de sensibilisation auprès des acteurs économiques, car il est fondamental qu’ils comprennent l’importance de la qualité pour leur propre développement.

Enfin, nous accompagnons les entreprises dans l’amélioration de leurs procédés, afin qu’elles atteignent les critères internationaux. En somme, tout ce qui est fabriqué, vendu ou importé à Djibouti doit respecter des normes, et nous travaillons chaque jour pour que cette règle soit pleinement appliquée.

Les normes sont aujourd’hui au cœur du développement socio-économique. Pouvez-vous nous éclairer sur la stratégie de normalisation et de qualité des produits et services qui s’applique à Djibouti?

Absolument. La normalisation n’est plus une simple formalité administrative ; c’est un levier fondamental du développement économique. Dans un monde où les échanges se font à l’échelle planétaire, disposer de normes solides, adaptées à nos réalités mais aussi alignées sur les standards internationaux, est indispensable. Pour cela, nous avons défini une politique nationale de la qualité, qui est le cadre stratégique pour organiser notre action. Cette politique vise à accompagner les entreprises locales pour qu’elles intègrent les normes dans leurs processus de production et de gestion. Cela permet non seulement d’améliorer la compétitivité de leurs produits sur les marchés régionaux et internationaux, mais aussi de garantir la sécurité des consommateurs djiboutiens. Par exemple, dans le secteur agroalimentaire, la conformité aux normes permet de rassurer les consommateurs sur la qualité et la sécurité des aliments, tout en ouvrant la porte à l’exportation vers des pays comme l’Éthiopie ou la Somalie. C’est un cercle vertueux qui stimule la croissance économique, la création d’emplois, et la diversification de notre économie. Cette stratégie est portée par une volonté forte du gouvernement et bénéficie d’un soutien technique international. Elle implique aussi une mobilisation de toutes les parties prenantes, des producteurs aux distributeurs, en passant par les institutions publiques et la société civile.

Depuis la création de l’ADN, quelles avancées avez-vous réalisées dans la coopération avec les organismes régionaux et internationaux?

La coopération internationale est en effet une dimension centrale de notre travail. Depuis trois ans, nous avons rejoint plusieurs grandes organisations mondiales telles que l’ISO (Organisation internationale de normalisation), l’OIML (Organisation internationale de métrologie légale) et l’IEC (Commission électrotechnique internationale). Ces affiliations nous permettent d’accéder à des ressources techniques, à des formations et à des échanges d’expertises indispensables pour notre développement. Nous travaillons également avec des organismes régionaux, notamment le COMESA et l’Union Africaine, qui jouent un rôle structurant dans la coordination des normes en Afrique. Ces collaborations renforcent notre crédibilité et nous permettent d’adopter des normes qui sont reconnues et acceptées sur plusieurs marchés.

Grâce à ces partenariats, nous bénéficions d’un transfert de connaissances, mais aussi de possibilités de benchmarking, où nous comparons nos pratiques aux meilleures standards internationaux. Cela nous pousse à améliorer continuellement notre système de normalisation.

Nous avons aussi engagé des échanges techniques avec des pays comme le Rwanda, le Kenya, et l’Arabie Saoudite, afin d’enrichir notre expertise dans des domaines spécifiques comme la métrologie ou la certification des produits agroalimentaires.

Pourriez-vous nous détailler les réalisations concrètes de l’ADN depuis sa création?

En trois années, nous avons posé les fondations d’une infrastructure solide et fonctionnelle. Nous avons d’abord constitué des comités techniques sectoriels, qui sont des groupes d’experts chargés d’élaborer les normes pour des secteurs prioritaires tels que l’agroalimentaire, l’électrotechnique, les matériaux de construction, etc. Ces comités associent des représentants du secteur public, du secteur privé et de la société civile, pour garantir un consensus national.

Sur la base de ces travaux, nous avons finalisé une liste prioritaire de normes nationales, comprenant 71 normes pour l’agroalimentaire et 50 normes CEI (Commission électrotechnique internationale) pour le secteur électrique. Ces normes sont en attente d’approbation gouvernementale, après quoi elles seront publiées officiellement et deviendront applicables. Par ailleurs, nous avons lancé des programmes de formation et de sensibilisation auprès des entreprises, des importateurs, des laboratoires et des agents de contrôle. Il s’agit d’expliquer la nature des normes, leurs bénéfices et la manière de s’y conformer.

Ces formations sont indispensables pour éviter que les normes ne soient perçues comme une contrainte.L’acquisition d’équipements de métrologie légale est une autre étape importante. Ces outils nous permettent de garantir la précision et la fiabilité des instruments de mesure utilisés dans le commerce, comme les balances ou les pompes à carburant. Cela protège aussi bien les consommateurs que les commerçants.

Sur le plan international, nos missions d’échanges techniques avec d’autres pays ont enrichi nos pratiques et ont permis d’adopter des méthodes éprouvées. Nous avons également contribué à l’élaboration de la politique nationale de la qualité, qui coordonnera à l’avenir toutes les actions liées à la normalisation et à la certification.

Ces avancées témoignent d’une volonté ferme de structurer un système national de qualité pérenne, qui soutient le développement économique et assure la protection des citoyens.

Pour conclure, quel message souhaitez-vous adresser aux Djiboutiens, aux entreprises et aux institutions?

Je voudrais insister sur un point fondamental: les normes ne sont pas réservées aux experts, elles concernent chaque citoyen. Elles sont là pour assurer que les produits que nous consommons au quotidien sont sûrs, fiables et de bonne qualité. Elles garantissent aussi que nos entreprises peuvent croître et s’ouvrir aux marchés internationaux.

Je lance donc un appel à toutes les parties prenantes ( entreprises, administrations, consommateurs )pour qu’elles s’engagent pleinement dans cette démarche qualité. C’est un effort collectif qui bénéficie à tous.

L’ADN est présente pour accompagner chacun dans ce processus. Nous fournissons un soutien technique, des formations, et nous travaillons à rendre les normes accessibles et compréhensibles. La qualité ne doit pas être perçue comme un obstacle, mais comme une opportunité de croissance, de confiance et de développement durable.

Ensemble, nous pouvons construire une économie plus compétitive, plus sûre et plus respectueuse des attentes de nos citoyens. C’est la vision que nous portons avec conviction. Merci.

Propos recueillis par Sadik Ahmed

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