Africa-Press – Djibouti. Le spectacle céleste était visible dans toute la France métropolitaine, par temps dégagé et sans trop de pollution lumineuse engendrée par les agglomérations urbaines, les 10 et 11 mai 2024: des draperies dansantes illuminant le ciel de couleurs pourpres, vertes, roses ou violacées, plus connues sous le nom d’aurores boréales.
Un spectacle magnifique… si rare sous ces latitudes ! Admirés généralement dans les régions polaires (en Norvège ou en Suède, par exemple, pour l’hémisphère nord, ou en Tasmanie pour l’hémisphère sud), ces faisceaux ont été perceptibles jusqu’au sud de l’Espagne ou en Namibie.
Nuancier de couleurs
Leur origine provient de phénomènes survenus à 150 millions de kilomètres de la Terre, au niveau de notre étoile. De gigantesques taches solaires – l’une d’elles mesurant 17 fois le diamètre de notre planète ! – ont engendré des éruptions qui ont éjecté des milliards de tonnes de matière filant vers nous à la vitesse de plusieurs centaines de kilomètres par seconde.
Après quelques jours d’un rapide voyage, les particules solaires très énergétiques (protons, électrons, atomes ionisés) ont été déviées, fort heureusement, par le champ magnétique de la Terre. Une partie a interagi néanmoins avec les hautes couches de notre atmosphère en s’engouffrant par les « cornets polaires ». Et produit ainsi cet ensorcelant nuancier de couleurs, chacune associée à des éléments chimiques (l’oxygène pour le vert, l’azote pour le rose, etc.) particuliers.
Tempêtes d’Halloween
Cette tempête géomagnétique a été d’une intensité exceptionnelle: de niveau « G5 », soit le plus haut selon le barème de l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (NOAA) qui fait autorité sur la question. C’est pour cette raison que les aurores ont été observées à des latitudes aussi basses ! Le dernier épisode de ce type s’était produit il y a plus de vingt ans, en octobre 2003. Surnommé alors « les tempêtes d’Halloween », il avait entraîné « des coupures de courant en Suède et endommagé des transformateurs en Afrique du Sud », rappelle la NOAA.
Météo de l’espace
Bien que rare, l’évènement n’a pas complètement surpris les « météorologues de l’espace » qui étudient les colères du Soleil et ses répercussions ici-bas. Notre étoile approche en effet de son pic d’activité, acmé survenant tous les 11 ans environ lorsque son champ magnétique s’inverse en raison de sa rotation. Il se caractérise, en particulier, par des taches de plus en plus nombreuses ainsi que des éruptions de plus en plus fréquentes et importantes pouvant engendrer entre autres choses des aurores boréales.
Le cycle actuel (25e du nom selon un décompte remontant aux premières observations systématiques des taches solaires au milieu du 18e siècle) a commencé ainsi en décembre 2019, moment où l’activité de notre étoile était minimale.
Les éruptions solaires peuvent avoir des conséquences néfastes et potentiellement très dangereuses sur les astronautes, les satellites ainsi que les réseaux électriques et de télécommunications. Crédits: ESA/Science Office, CC BY-SA 3.0 IGO
Turbulences phénoménales
Il est toutefois impossible, jusqu’à présent, de prédire avec exactitude le début et la fin d’un cycle solaire, tout comme son intensité globale ou encore sa durée – celle-ci pouvant durer de 8 à 14 ans, la période de 11 ans n’étant qu’une moyenne.
Car le Soleil, boule de gaz ionisé mesurant 1,4 million de kilomètres de diamètre où la température du noyau atteint 15 millions de degrés, est extrêmement difficile à modéliser ! L’énergie produire par les réactions de fusion nucléaire traverse d’abord une zone dite « radiative » puis « convective » de l’étoile où les lignes de champ magnétique se distordent jusqu’à percer la surface du Soleil et créer les fameuses taches. Avec des turbulences phénoménales et des régimes de paramètres (températures, densités, vitesse…) tellement larges qu’on ne sait comment résoudre toutes les équations.
Calculs statistiques
Face à une machinerie si complexe conservant tant de mystères, les scientifiques recourent à des modèles empiriques simplifiés fondés sur les observations en surface. Ils utilisent, en substance, les séries de données concernant le nombre et la répartition des taches des cycles antérieures pour réaliser des prédictions sur le cycle à venir.
En 2019, les experts de la NOAA étaient parvenus ainsi au consensus suivant: le cycle 25 devrait être, tout comme le précédent, d’une intensité globalement faible au regard des enregistrements historiques. Ils tablaient aussi, concernant le prochain pic, sur une fourchette très large: entre fin 2024 et début 2026, avec un nombre de taches compris entre 95 et 130.
Prédictions mises à jour
Mais le Soleil, si difficile à mettre en boite, s’est montré plus actif qu’attendu ! En octobre 2023, s’appuyant sur des données plus étoffées et récentes, les équipes de la NOAA révisaient ainsi leurs prédictions. Le prochain pic d’activité pourrait se produire finalement entre janvier et octobre 2024, soit grosso modo la période actuelle.
Plus précoce qu’escompté, il serait aussi plus intense (entre 137 et 173 taches solaires) et plus long (avant de tendre vers le prochain minimum). Dans tous les cas, le verdict ne sera connu au mieux que sept mois plus tard. Le passage du pic s’établit en effet, par convention, en prenant en compte les six mois qui précèdent et suivent cette acmé, soit 13 mois en tout. Grâce à cette méthode, les scientifiques ne seront pas trompés par d’éventuels « maximum locaux » ou des « doubles maximum », déjà observés par le passé.
Si le maximum d’activité solaire se produit ainsi en mai 2024, il ne pourra être reconnu et annoncé comme tel qu’en novembre. D’ici là, notre étoile pourrait nous réserver bien des surprises et produire encore de fascinantes aurores boréales !
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