les révélations du télescope James Webb un an après sa mise en orbite

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les révélations du télescope James Webb un an après sa mise en orbite
les révélations du télescope James Webb un an après sa mise en orbite

Africa-Press – Djibouti. Depuis son installation à 1,5 million de kilomètres de la Terre, James Webb, le successeur du télescope spatial Hubble, lui-même toujours en fonctionnement, éblouit les astronomes avec des images d’une précision jamais atteinte. Tour d’horizon des découvertes et clichés grandioses du télescope.

C’est l’une des premières découvertes du télescope spatial James Webb: deux étoiles jusqu’ici cachées ont surgi de la nébuleuse de l’Anneau austral qui entoure une étoile en fin de vie, grâce à des observations d’une précision inégalée.

Le mystère percé d’une nébuleuse autour d’une étoile mourante

Cette étrange nébuleuse située dans la Voie lactée, à environ 2.000 années-lumière du système solaire, est un gigantesque nuage de gaz et de poussière produit par une étoile qui, en mourant, expulse une partie de sa matière – beaucoup de gaz et un peu de poussière.

Au centre, il reste le coeur de cette étoile, appelée naine blanche: une étoile très chaude et très petite, difficile à voir directement, mais dont on devine la présence grâce aux anneaux orange tout autour, traces de la matière qu’elle a éjectée. D’ici quelques milliards d’années, notre Soleil devrait connaître à peu près le même sort, comme la grande majorité des étoiles.

Sauf qu’à la différence du Soleil, qui mourra en solitaire, la naine blanche au coeur de la nébuleuse de l’Anneau austral est accompagnée. On lui connaissait jusqu’ici une étoile « compagnon », plus facile à observer que la naine blanche car elle est encore dans la fleur de l’âge. C’est cet astre compagnon qui apparaît le plus brillant au centre du disque poussiéreux, sur les photos prises par le télescope James Webb, qui opère depuis cet été à 1,5 million de kilomètres de la Terre.

Mais ce fonctionnement en duo, assez classique dans la Voie lactée, ne permettait pas d’expliquer la structure « atypique » de la nébuleuse, explique à l’AFP Philippe Amram, du laboratoire d’astrophysique de Marseille, l’un des auteurs de l’étude parue jeudi dans Nature Astronomy et qui décortique les récentes observations du télescope.

« Depuis sa découverte par l’astronome John Herschel (en 1835, NDLR), on se demande pourquoi la nébuleuse de l’Anneau austral a une forme aussi bizarre, pas vraiment sphérique », plutôt allongée, poursuit ce chercheur du CNRS.

Les observations du James Webb viennent éclaircir le mystère: grâce à leur vision dans l’infrarouge, une longueur d’ondes invisible pour l’oeil humain, les instruments du télescope ont déniché la preuve de la présence d’au moins deux autres étoiles au sein de la nébuleuse.

Ces étoiles découvertes se situent au centre de la nébuleuse, qui s’étend sur un diamètre équivalent à 1.500 fois la distance du Soleil à Pluton. Elles sont plus éloignées de la naine blanche que l’étoile compagnon, mais dans l’ensemble, les quatre étoiles sont suffisamment proches les unes des autres pour interagir.

Il se produit alors des « échanges d’énergie » entre ce groupe d’étoiles qui « vont façonner dans leur sillon » la structure de la nébuleuse, selon l’astrophysicien. Ce qui permettrait enfin d’expliquer son aspect si particulier.

Les piliers de la création

C’est l’image que beaucoup attendaient, aussi majestueuse qu’espérée. Le télescope James Webb a révélé mercredi son premier cliché des emblématiques « Piliers de la création », d’immenses structures de gaz et de poussière regorgeant d’étoiles en formation.

Le scintillement de milliers d’étoiles illumine toute l’image, sur laquelle ces gigantesques colonnes brunes et orangées se dressent dans l’immensité du cosmos.

Des zones d’un rouge intense, à l’extrémité de plusieurs des piliers, évoquent de la lave. Il s’agit d’ »éjections d’étoiles encore en train de se développer », âgées de seulement quelques centaines de milliers d’années, a expliqué la Nasa dans un communiqué. Ces « jeunes étoiles projettent périodiquement des jets supersoniques qui entrent en collision avec les nuages de matière, comme ces épais piliers. »

Les « Piliers de la création » sont situés à 6.500 années lumières de la Terre, dans notre galaxie, la Voie lactée. Plus précisément, ils se trouvent dans la nébuleuse de l’Aigle. Ils ont été rendus célèbres par le télescope spatial Hubble, qui en a pris un premier cliché en 1995, revisité en 2014.

Mais grâce à ses capacités infrarouge, le télescope James Webb, lancé dans l’espace il y a moins d’un an, peut percer l’opacité des piliers, révélant de nombreuses nouvelles étoiles en formation — de brillantes boules rouges.

Un sablier de poussière autour d’une étoile en formation

Jusqu’ici cachés, ces nuages de poussières oranges et bleus ont été rendus visibles par l’instrument NIRCam du télescope, qui fonctionne dans l’infrarouge proche – une longueur d’ondes invisible pour l’oeil humain.

La très jeune étoile, connue sous le nom de « protoétoile L1527 » et située dans la constellation du Taureau, est cachée dans l’obscurité par le bord d’un disque de gaz en rotation au niveau du col du sablier.

Mais la lumière de cette protoétoile « fuit » au-dessus et au-dessous de ce disque, éclairant les cavités dans le gaz et la poussière environnants, ont expliqué la Nasa et l’agence spatiale européenne (ESA) dans un communiqué commun.

Les nuages sont créés par la matière éjectée de l’étoile qui entre en collision avec la matière environnante. La poussière est plus fine dans les parties bleues, plus épaisse dans les parties orangées.

Agée de seulement 100.000 ans, la protoétoile en est au stade le plus précoce de sa formation. Elle n’est pas encore capable de générer sa propre énergie.

Le disque noir qui l’entoure, dont la taille correspond à peu près à celle de notre système solaire, alimentera la protoétoile en matériaux jusqu’à ce qu’elle atteigne « le seuil nécessaire au démarrage de la fusion nucléaire », ont souligné la Nasa et l’ESA.

« En fin de compte, cette vue de L1527 offre une fenêtre sur ce à quoi ressemblaient notre Soleil et notre système solaire à leurs débuts », ont ajouté les deux agences.

Le nuage moléculaire du Taureau, situé à environ 430 années-lumière de la Terre, est une pouponnière stellaire abritant des centaines d’étoiles presque formées.

La présence de CO2 dans l’atmosphère d’une exoplanète

Le télescope spatial James Webb a pour la première fois détecté la présence de CO2 dans l’atmosphère d’une exoplanète, c’est-à-dire une planète en dehors de notre système solaire, une découverte qui démontre ses immenses capacités et enthousiasme les scientifiques pour la suite de ses observations.

La planète en question est une géante gazeuse et chaude où la vie telle que nous la connaissons serait impossible, mais cette découverte conforte l’idée que de telles observations puissent également être réalisées sur des planètes rocheuses – dans le but ultime de déterminer si l’une d’elles abrite des conditions favorables à la vie.

Pour moi, c’est une porte qui s’ouvre pour des études futures de super-Terres, voire de Terres », a déclaré jeudi à l’AFP Pierre-Olivier Lagage, astrophysicien au Commissariat à l’Energie atomique (CEA) et l’un des très nombreux co-auteurs de ces travaux, à paraître dans la revue scientifique Nature.

« Ma première réaction: wahou, nous avons vraiment une chance de détecter les atmosphères de planètes de la taille de la Terre », a commenté sur Twitter la professeure en astrophysique Natalie Batalha, de l’Université de Californie à Santa Cruz.

La détection de CO2 va par ailleurs permettre d’en apprendre davantage sur la formation de cette planète, nommée WASP-39 b et découverte en 2011, a précisé la Nasa. Située à 700 années-lumière, elle fait environ un quart de la masse de Jupiter, et est très proche de son soleil.

Elle a été choisie car plusieurs critères rendent son observation plus facile, au moment où les scientifiques évaluent encore les capacités du télescope, qui a révélé ses premières images il y a moins de deux mois.

WASP-39 b passe très régulièrement devant son soleil (elle en fait le tour en quatre jours), et son atmosphère est étendue. Or pour ses observations, James Webb utilise la méthode des transits: lorsque la planète passe devant son étoile, il capte l’infime variation de luminosité qui en résulte.

Il a ensuite analysé la lumière « filtrée » à travers l’atmosphère de la planète. Les différentes molécules présentes dans l’atmosphère laissent des signatures spécifiques, qui permettent d’en déterminer la composition.

Les télescopes Hubble et Spitzer avaient déjà détecté de la vapeur d’eau, du sodium et du potassium dans l’atmosphère de cette planète, mais James Webb a pu aller plus loin grâce à son extraordinaire sensibilité dans l’infrarouge.

Les premières galaxies pourraient s’être formées plus tôt que prédit

Les toutes premières galaxies pourraient s’être formées plus tôt que les astronomes ne le pensaient jusqu’ici, selon les premières observations du nouveau télescope spatial James Webb, qui en quelques mois seulement a déjà bousculé la compréhension scientifique du cosmos.

« D’une manière ou d’une autre, l’Univers a réussi à former des galaxies plus vite et plus tôt que ce que nous pensions », a avancé lors d’une conférence de presse jeudi Tommaso Treu, professeur d’astronomie à l’université UCLA.

L’une des missions principales du télescope James Webb, qui en est à son cinquième mois d’observations, est d’étudier les premières galaxies formées après le Big Bang, survenu il y a 13,8 milliards d’années.

D’après les modèles cosmologiques élaborés, les scientifiques pensaient que « cela prendrait du temps » de les trouver, a déclaré l’astrophysicienne Jeyhan Kartaltepe.

Or, en quelques mois seulement, James Webb a déjà permis d’identifier de nombreuses nouvelles jeunes galaxies, dont l’une ayant existé seulement 350 millions d’années après le Big Bang — soit 50 millions d’années de moins que le précédent record observé.

« C’est une surprise qu’il y en ait autant qui se soient formées si tôt », a commenté Jeyhan Kartaltepe. Outre leur nombre, une chose a stupéfait les scientifiques: leur grande luminosité.

« On en tire immédiatement la conclusion qu’elles sont massives, et cela soulève une véritable énigme: comment ont-elles pu former autant d’étoiles en si peu de temps? », a résumé Garth Illingworth, de l’université de Californie à Santa Cruz.

Pour pouvoir le faire, « ces galaxies devraient avoir commencé à se former peut-être seulement 100 millions d’années après le Big Bang », a-t-il expliqué. « Personne n’aurait cru que les âges sombres se seraient terminés si tôt ».

Une hypothèse alternative serait que ces galaxies abritent en réalité des étoiles dites de population III, très différentes de celles que nous connaissons. Ces toutes premières étoiles, extraordinairement brillantes, n’ont jusqu’ici été que théorisées, et non observées. Les incroyables capacités du télescope James Webb ont par ailleurs permis de révéler l’aspect de certaines de ces galaxies.

« Notre équipe a été frappée d’être capable de mesurer la forme de ces premières galaxies », a expliqué Erica Nelson, de l’Université du Colorado, citée dans un communiqué de la Nasa. « Leurs disques tranquilles, ordonnés, remettent en question notre compréhension de comment les premières galaxies se sont formées, dans un jeune Univers chaotique. »

La distance exacte de ces jeunes galaxies — dont celle ayant battu le record — devra être confirmée à l’avenir grâce à des analyses spectroscopiques, également réalisées avec James Webb.

Mais quoiqu’il en soit, grâce à ce nouvel observatoire, « nous sommes vraiment sur la bonne voie pour réaliser ce rêve de comprendre les galaxies des premiers âges », s’est émerveillé Garth Illingworth.

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