Etre frappé par la foudre est bénéfique pour cet arbre tropical

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Etre frappé par la foudre est bénéfique pour cet arbre tropical
Etre frappé par la foudre est bénéfique pour cet arbre tropical

Africa-Press – Djibouti. Alors que la foudre tue un grand nombre d’arbres chaque année, certains d’entre eux semblent en tirer des bénéfices inattendus. Dans les forêts tropicales, un coup de foudre typique frappe directement un grand spécimen de la canopée. Le courant se propage ensuite à travers les cavités, les branches ou les lianes, endommageant ainsi les arbres voisins. Les arbres foudroyés présentent alors un dépérissement progressif de la cime, entraînant souvent la mortalité de l’individu dans les mois qui suivent. Mais une récente étude publiée dans la revue New Phytologist fait part du cas de Dipteryx oleifera, un arbre tropical qui tire profit des coups de foudre.

Réputées pour son bois dur utilisé en construction, ses graines, vendues localement, sont une source de nourriture essentielle pour les mammifères. Ces nouvelles données fournissent la première preuve que certains arbres bénéficient, contre toute attente, de ces éclairs.

La perturbation, un événement ponctuel qui rompt un équilibre

Il existe dans la recherche en écologie une branche bien particulière appelée l’écologie des perturbations qui se concentre sur les effets de celles-ci sur les écosystèmes, populations et espèces. Evénement relativement discret dans le temps et dans l’espace, la perturbation affecte la démographie d’une population. Ainsi, il ne faut pas confondre cet événement perturbateur, comme un incendie ou la foudre, avec un stress, par exemple la pression hydrique, qui est diffus dans le temps.

Bien qu’il y ait des fluctuations, les écosystèmes tendent généralement vers un équilibre dynamique, caractérisé par une oscillation de la compétition interspécifique (entre espèces différentes) et de la disponibilité des ressources autour d’une stabilité relative. Une perturbation vient modifier la dynamique de l’écosystème ou de la population. Elle peut en accélérer le cours en précipitant la disparition des individus les plus fragiles et exposés aux aléas, relançant ainsi la succession écologique (lire l’encadré ci-dessous). C’est un processus graduel où les espèces colonisent la zone par différents stades avant d’atteindre un nouvel équilibre.

La succession écologique, qu’est-ce que c’est ?

Prenons l’exemple d’une forêt après un incendie. Le sol étant nu, la succession s’amorce avec des espèces pionnières (à capacité de grande dispersion ou croissance rapide) et d’autres qui présentent des caractéristiques avantageuses pour réagir à la perturbation (une germination boostée par le feu ici). Avec le temps, les herbacés vont coloniser le milieu avant de laisser place à des plantes plus grandes. Le paysage se densifie et se referme pour tendre vers une forêt, le stade dit à l’équilibre. Selon le stade de la succession écologique, ce ne sont pas les mêmes espèces qui sont observées.

La foudre est bénéfique à Dipteryx oleifera

Les incendies, la sécheresse et la foudre sont des événements généralement responsables de la mort de nombreux arbres lorsqu’ils ont lieu, mais après tout événement perturbateur, des espèces tirent avantage de cette rupture d’équilibre pour coloniser le milieu. Dans des cas où la perturbation le permet, la dynamique de l’écosystème ne repart pas à zéro. À moins qu’elle ne déclenche un incendie, la foudre n’affecte qu’un certain nombre d’individus. Certains arbres tirent parti de ce dérèglement, comme le Dipteryx oleifera, une espèce tropicale que l’on retrouve au Panama.

Issue d’une collaboration de plusieurs institutions de recherche, l’équipe à l’origine de l’étude a combiné des données de 94 impacts de foudre sur 5 ans dans une forêt tropicale humide. En 2021, après avoir quantifié différentes métriques sur une période de 2 à 6 ans après l’impact (survie, état de la cime et du tronc, colonisation des lianes, mortalité des arbres voisins), ils ont comparé ces résultats entre les espèces.

Le bilan peut sembler surprenant au premier abord puisque les dommages observés sont négligeables pour les arbres D. oleifera, alors que 64 % des individus des autres espèces sont morts dans les 2 ans qui ont suivi l’impact. De plus, au-delà de présenter des dégâts minimes, la foudre semble avoir des effets positifs. “D’habitude, quand on parle d’espèces qui tirent des bénéfices d’une perturbation, cela veut dire qu’elles sont moins affectées par rapport aux autres. Ici, il ne s’agit pas seulement d’arbres qui survivent mieux, mais bien d’arbres qui sont mieux qu’avant, après avoir été frappés !” s’enthousiasme auprès de Sciences et Avenir Evan Gora, chercheur à l’Institut d’études des écosystèmes de Cary (Etats-Unis) et auteur principal de l’étude.

Aussi, les impacts directs ont réduit de 78 % le nombre moyen de lianes. En effet, par rapport à ceux qui entourent des arbres de grandes tailles d’autres espèces, les individus qui encerclent des D. oleifera subissent plus de dégâts, ont une probabilité de mourir plus élevée, et, dû à ces dégâts, ont une hauteur de canopée plus faible. Pour D. oleifera, cela signifie concrètement une diminution de la concurrence pour la lumière et les nutriments présents dans le sol, et un avantage à l’accès à ces ressources !

Comparatifs entre Dipteryx oleifera et les arbres environnant (section rose), avec celles sur les autres taxons de grande taille (section verte). La partie (a) compare les conséquences moyennes d’un coup de foudre direct. Dans les deux cas, les lianes sont éliminées et les arbres voisins de celui touché sont gravement atteints, mais les dommages sont moins importants pour D. oleifera. La partie (b) compare les différences résultantes à l’échelle de la forêt. D. oleifera, contrairement aux autres taxons de grande taille, présente moins de lianes, ses arbres voisins sont plus petits, et sa couronne est en bonne santé. Crédits: Gora E.M. et al., 2025.

Une morphologie en paratonnerre pour augmenter la fertilité

Présenter des caractéristiques avantageuses face à la foudre, oui, mais le D. oleifera semble également avoir une morphologie qui l’attire, tel un paratonnerre. Sa taille et la surface de sa cime, inhabituellement plus large que celles des arbres de diamètre de tronc similaires, augmentent considérablement sa probabilité d’être frappé par la foudre. En effet, cette dernière s’abat de manière non aléatoire sur les spécimens plus grands avec de grandes surfaces de cime, ce qui est le cas de D. oleifera.

Dans leur étude, les scientifiques indiquent qu’en plus de la survie, la fécondité d’un D. oleifera augmente après avoir été frappé par la foudre. “Puisque les compétiteurs d’un D. oleifera, tels que les lianes et les arbres voisins, peuvent réduire sa croissance, sa reproduction et sa survie ; leur élimination est bénéfique” explique le chercheur américain.

Une avancée majeure de la compréhension de l’écologie des forêts tropicales

Quels sont les mécanismes sous-jacents à la survie de la foudre ? Pour les chercheurs, cela reste encore flou. Dans leur étude, c’est la résistance électrique du bois qui est envisagée puisque les arbres avec une résistance plus faible subissent moins de chauffage lors d’une frappe, réduisant ainsi les dommages et augmentant la survie. D. oleifera aurait donc une résistance électrique faible, mais d’autres caractéristiques physiologiques associées aux tissus vasculaires jouent probablement un rôle.

Des suites qu’envisage l’écologue et ses confrères: « nous sommes impatients d’étudier plus spécifiquement comment ces arbres survivent à la foudre et en tirent parti. Nous allons aussi travailler sur les effets de la foudre sur de nombreux autres types de forêts afin de comprendre ses contributions plus larges à leur structure, composition et fonctionnement ».

Les prochaines étapes sont multiples mais cette découverte constitue un progrès majeur dans la compréhension sur la façon dont la foudre affecte les forêts, l’écologie et l’évolution des arbres.

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