La dépendance à la Chine au cœur de la pénurie mondiale d’amoxicilline et de paracétamol

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La dépendance à la Chine au cœur de la pénurie mondiale d'amoxicilline et de paracétamol
La dépendance à la Chine au cœur de la pénurie mondiale d'amoxicilline et de paracétamol

Africa-Press – Djibouti. Une pénurie d’amoxicilline et de paracétamol, deux médicaments très courants, affecte actuellement un grand nombre de pays dans le monde. En cause, des facteurs structurels, aggravés par une baisse de la production héritée de la pandémie de Covid-19 et la résurgence de l’épidémie en Chine.

En ce mois de décembre, pourvoyeur d’épidémies comme la grippe et le Covid-19, il est “difficile” de se procurer certains des médicaments les plus prescrits en France.

“La situation est très tendue depuis le début de l’année 2022”, explique Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats des pharmaciens d’officine (USPO). “Les ruptures de médicaments ont augmenté de 15 % par rapport à l’an dernier, et 3 000 molécules sont en tension d’approvisionnement. En ce moment, on manque particulièrement de paracétamol et d’amoxicilline.”

Ces deux médicaments font défaut en France sous leur forme pédiatrique, alors qu’une épidémie de bronchiolite fait rage et que l’amoxicilline représente 90 % des prescriptions d’antibiotiques chez l’enfant. L’agence publique du médicament (ANSM) a ainsi alerté sur la situation dès novembre, évoquant une pénurie qui pourrait durer jusqu’en mars, tandis qu’une délégation de professionnels de la pédiatrie a été reçue vendredi à l’Élysée.

Une problématique mondiale

Pour le moment, rapporte Andréas Werner, président de l’Association française de pédiatrie ambulatoire (AFPA), les médecins parviennent à “se débrouiller”, en prescrivant les formes adultes des antibiotiques aux enfants. Charge ensuite aux parents d’adapter le dosage au poids et à l’âge de leur progéniture, en suivant les recommandations du pédiatre. Mais la solution n’est pas pérenne, selon Andréas Werner : les reports de traitement risquent d’avoir un effet domino et de provoquer de nouvelles pénuries et le développement de résistances.

La situation est d’ailleurs loin de se limiter à la France : selon le Groupement pharmaceutique de l’Union européenne (PGEU), 25 des 27 États membres manquent en ce moment d’amoxicilline. L’Italie, la France, le Royaume-Uni, l’Espagne et le Portugal sont particulièrement touchés. De l’autre côté de l’Atlantique, les États-Unis, tout comme le Canada et l’Australie, peinent eux aussi à trouver cet antibiotique, inscrit depuis octobre sur la liste des médicaments en pénurie. De fait, 80 % des 35 pays suivis par l’OMS font état d’une situation de manque. Des pénuries de médicaments courants, dont le paracétamol, ont également été signalées.

Exportations mises en pause

En cause, une multitude de facteurs, dont la reprise épidémique en Chine. Face à l’explosion des contaminations à la suite de l’arrêt de la politique “zéro Covid”, Pékin a réquisitionné ses usines pour alimenter son marché national. Dans la province du Shandong, au sud de Pékin, un fabricant d’ibuprofène a même vu ses exportations “mises en pause”, rapporte France Info.

Or, explique Hubert Testard, spécialiste de l’Asie et des enjeux économiques internationaux à Sciences Po, auteur de “Pandémie, le basculement du monde” (éd. de l’Aube, 2021), la Chine est responsable de la production de la majorité des matières premières nécessaires à la confection de l’amoxicilline et du paracétamol.

“Les médicaments ‘basiques’ comme le paracétamol et l’amoxicilline sont sous-traités par les Occidentaux à l’Inde et à la Chine depuis trente ans”, résume l’expert. “Ces médicaments ne sont pas très rentables et leur production réclame de gros investissements, ce qui a abouti à leur délocalisation en Chine, provoquant une dépendance assez forte. En revanche, la Chine dépend de l’Occident pour les médicaments traitant des maladies chroniques complexes.”

Extrêmement concentrée, la production de ces médicaments “de base” est ainsi particulièrement sensible aux crises sanitaires et géopolitiques. Le problème date de bien avant la crise du Covid-19 et va en s’aggravant : depuis 2000, le nombre de pénuries de médicaments signalées en France a été multiplié par vingt.

“L’indisponibilité des médicaments est en augmentation en Europe (et) les pénuries sont une préoccupation mondiale”, s’alarme ainsi Ilaria Passarani, secrétaire générale du PGEU, dans son rapport annuel. “Les pénuries de médicaments sont un problème structurel et concernent aussi bien des médicaments essentiels que des médicaments d’usage très courant.”

Une production plus faible depuis 2020

Une situation problématique, aggravée par l’explosion des maladies hivernales, la défense immunitaire des populations étant au plus bas après deux ans de distanciation sociale, et ceci alors que les industriels ont baissé leur production durant la pandémie.

“On est bien plus souvent malades en 2022 qu’en 2020, le taux moyen d’anticorps a chuté car les gens n’ont pas eu de maladies infectieuses ces dernières années”, remarque ainsi Andréas Werner. “Cela a fait baisser la demande d’antibiotiques, et les industriels ont donc réduit leur offre.”

Les fabricants de médicaments peinent ainsi à retrouver le niveau de production d’antibiotiques d’avant-crise. Si Sandoz, l’un des plus grands fabricants d’antibiotiques génériques, a affirmé avoir réaugmenté sa production, il lui faudra entre quatre et six mois pour commencer à distribuer effectivement les médicaments. La pénurie ne sera donc pas résolue tout de suite, même si elle devrait, espère Hubert Testard, s’alléger dans quelques semaines, lorsque la Chine aura passé son pic épidémique.

En attendant, les professionnels de santé préconisent de généraliser les tests de dépistage, pour ne pas prescrire des antibiotiques inutiles et épargner les stocks, tout en remplaçant les molécules manquantes par d’autres lorsque c’est possible. Et pour éviter que cette situation ne se reproduise, le PGEU préconise d’obliger les fabricants de médicaments à commercialiser leurs produits dans tous les États membres et à créer un mécanisme de redistribution en cas de crise. Une usine de paracétamol devrait en outre rouvrir dans l’Isère, en France, mais ses premiers médicaments ne sont pas attendus avant 2025.

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