Africa-Press – Djibouti. La métamorphose la plus connue et la plus spectaculaire du monde des insectes est sans doute celle de la chenille au papillon. Mais ce passage d’un stade larvaire à un stade adulte, en passant par un stade de chrysalide ou nymphe, s’opère chez de nombreux insectes, notamment les abeilles.
L’état de larve permet en effet la croissance de l’individu et le stockage de ressources, tandis que la forme adulte a pour principal objectif la reproduction. Forts de ce constat, des biologistes ont souhaité identifier les signaux déclencheurs de cette métamorphose. A quel moment une larve commence-t-elle à tisser un cocon pour entamer sa mutation?
Affamées, les larves tissent leur cocon plus tôt
La réponse la plus intuitive, qui est également la plus fréquemment observée chez les insectes, est l’état de croissance de la larve. « Pour mener à bien leur métamorphose, les larves doivent être suffisamment grandes et avoir acquis suffisamment de nutriments pour supporter la transition vers le stade suivant. Chez de nombreux insectes, la taille au début de la transition vers le stade nymphal est appelée poids critique », explique auprès de Sciences et Avenir Courtney Grula, biologiste à l’Université d’État du Dakota du Nord (Etats-Unis) et première autrice de travaux publiés dans la revue PNAS. Le poids critique initie donc ce changement physiologique et détermine également la taille future de l’adulte, ses performances de vol et sa fécondité.
Mais chez les abeilles solitaires de l’espèce Megachile rotundata, il existe un autre signal. Courtney Grula et son équipe se sont intéressés à cette espèce d’abeille, également appelée abeille coupeuse de feuilles ou abeille tapissière en raison de sa capacité à construire des loges pour les œufs, à partir de morceaux de feuilles découpées.
« Pour tester l’existence d’un mécanisme de poids critique, nous avons fait varier la quantité de nourriture apportée aux larves. Elles étaient soit nourries à volonté, soit privées de leurs provisions, commente Courtney Grula. Nous avons alors observé que, non seulement Megachile rotundata n’avait pas de seuil de poids critique, mais également que le retrait de nourriture entraînait la métamorphose ». Ainsi, les larves affamées commençaient à tisser leur cocon bien plus tôt que les larves nourries à volonté !
Pour confirmer leur découverte, les biologistes ont ensuite orienté leurs recherches vers les mécanismes endocriniens, en se concentrant notamment sur l’hormone juvénile, une molécule responsable du maintien au stade larvaire. Chez la plupart des insectes, la diminution de cette hormone marque le début de la métamorphose. En mesurant le taux d’hormone juvénile au cours de l’expérience, ils ont montré que celui-ci chutait effectivement lors d’une privation de nourriture.
Une cascade hormonale complexe
Plus précisément, l’équipe de biologistes a établi que le manque de nutriments activait des voies de signalisation de l’insuline et d’une enzyme appelée mTOR, induisant une diminution de l’hormone juvénile, qui elle-même causait une augmentation de l’expression des gènes liés à la métamorphose. Une cascade hormonale complexe, prouvant que la faim joue un rôle majeur dans la transition vers le stade adulte.
Dans la nature, la mère arrête tout simplement de nourrir sa progéniture. « Dans leur milieu naturel, au fond de leur nid de feuilles, les larves dépendent de la nourriture fournie par leur mère et sont incapables de se nourrir elles-mêmes, ce qui fait de la famine un signal écologiquement pertinent pour la métamorphose », analyse Courtney Grula.
D’après les auteurs de l’étude, ce mécanisme pourrait notamment être commun aux espèces dont les larves se développent grâce à des ressources alimentaires limitées, apportées par leurs parents, comme l’abeille solitaire apparentée Osmia lignaria, ou le coléoptère Tribolium rouge de la farine.
« Cette étude élargit notre compréhension du développement des insectes et met en lumière l’influence des conditions de vie sur la métamorphose », concluent les auteurs dans leur publication.
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