Africa-Press – Gabon. Plongée au cœur d’une mécanique de gouvernance pervertie, cette introspection révèle comment pendant plus d’un demi-siècle, le Gabon a été la proie de quatre piliers corrosifs : clientélisme, ethnisme, tribalisme et une géopolitique dévoyée. Ces engrenages ont façonné un échiquier politique où la corruption, le favoritisme ethnique et tribal et la prévarication étaient monnaie courante. Abslow analyse le fonctionnement du ‘système Bongo-PDG’ qui vient de s’effondrer après plus d’un demi-siècle au pouvoir.
J’ai 53 ans et jusqu’au 30 août 2023, je n’aurais connu que le système de gouvernance qui vient de s’écrouler. Pour comprendre ce qu’a été ce système, il faut reconvoquer les 4 notions qui on l’ont structuré et consolidé : (1) le clientélisme, (2) l’ethnisme, (3) le tribalisme, tous pratiqués sur fond d’une (4) géopolitique au rabais. Ce sont ces 4 moteurs qui ont structuré l’architecture de la médiocrité.
Grâce à ces 4 armes, ce système devenu un régime, s’est renforcé tout au long de son règne, pour finir par durer plus d’un demi-siècle. (i) Le clientélisme a été utilisé comme une relation d’intérêt entre les hommes politiques et les citoyens, qui s’est traduite par des faveurs systématiques accordées par les carriéristes politiques à leurs soutiens, en échange d’appuis politiques divers.
(ii) L’ethnisme s’est servi des liens qui unissent des individus ayant en commun un patrimoine socio-culturel, notamment la langue, en intégrant sans l’assumer une dimension discriminante, alors que les différences culturelles ne sont pas nécessairement source de conflits. Mais elles le sont devenues en définitive, avec le recours systématique aux discriminations économiques, sociales et politiques.
A ces deux premiers leviers de pouvoir, s’est ajouté (iii) le tribalisme (ou clanisme), mode d’organisation et d’affirmation politique basé sur la préférence tribale qui est d’un niveau de vice supérieur. Le régime Bongo-PDG l’a surtout utilisé comme un moyen de lutte entre les groupes ethniques, au-dessus, et les groupes tribaux, au-dessous, au profit exclusif des dirigeants.
C’est la combinaison du clientélisme, de l’ethnisme et du tribalisme qui ont conduit à la conceptualisation de la géopolitique à la gabonaise. La géopolitique telle que prônée par le système Bongo-PDG introduit ou induit la notion de rivalité de pouvoirs entre les hommes et leurs territoires d’origine, où les protagonistes se disputent l’influence ou la primauté sur une région par rapport à une autre, sur un département par rapport à un autre.
En conséquence, à l’échelle nationale, les provinces exercent entre elles, à travers leurs barons régionaux, toujours issus des mêmes départementaux, des mêmes tribus et parfois des mêmes familles, des jeux d’influence qui renforcent la puissance du dirigeant suprême. Et à l’échelle provinciale, départementale ou tribale, les mêmes jeux d’influence s’exercent avec la même rigueur au bénéfice des barons régionaux.
Résultat des courses : pour maintenir ces équilibres ethno-tribalistes entre le baron suprême, les barons régionaux, locaux et le peuple, il a fallu constituer et disposer des « trésors de guerre » pour financer la corruption qui en découlait. Et puisque ce jeu d’équilibres ou plutôt de déséquilibres entre les barons et leurs baronnies était un deal où chacun se tient par la barbichette, il a permis la vulgarisation et presque l’institutionnalisation de la gabegie.
Conscient qu’ils étaient protégés par le roitelet provincial qui les promouvait à leurs fonctions, les barons locaux se livraient à un pillage systématique des ressources publiques dédiées aux administrations déconcentrées et décentralisées. Un palier au dessus, les roitelets provinciaux tapaient, solidairement avec leurs obligés, dans la caisse des ministères et administrations centrales dont ils avaient la charge.
On finançait ainsi par le pillage des ressources publiques, l’effort de guerre qui consistait à se corrompre mutuellement pour maintenir ou garantir sa position. Et ça a duré plus d’un demi-siècle. Un demi-siècle d’une prévarication intolérable et dont on ne connaîtra jamais les ramifications. Il faudrait un jour, par une étude, tenter de mesurer l’ampleur réelle de cette alchimie de l’échec gabonais.
Notre pays vient de très loin. Il émerge des abysses d’un obscurantisme pathologique généralisé. Il faudra du temps pour nettoyer les écuries d’Augias encrassées par un demi-siècle de violation volontaire des règles élémentaires qui encadrent le fonctionnement d’un état nation. Les réflexes de l’ethnisme, du clientélisme du tribalisme qui ont commandé la géopolitique au rabais, sont des plaques socioculturelles qu’il faut nettoyer au karcher. Sinon, l’alchimie de l’échec va se pérenniser.
ABSLOWMENT VRAI !
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