Africa-Press – Gabon. Présenté comme la chambre de la société civile, le Conseil économique, social, environnemental et culturel (Cesec) sera dirigé par un professionnel de la politique politicienne. Cette nomination illustre le décalage entre les textes et les pratiques.
Pourtant présenté comme la chambre de la société civile, le Conseil économique, social, environnemental et culturel (Cesec) n’a jamais pleinement endossé ce statut. Depuis la fin de la Conférence nationale, il a toujours été dirigé par des personnalités issues du sérail, des baroudeurs de la vie politique. Pêle-mêle, on peut citer Antoine de Padoue Mboumbou Miyakou, Louis-Gaston Mayila, Georgette Koko, Paul Biyoghé Mba… En trente-cinq ans, cette logique a été rompue une seule fois: entre 1991 et 1996 avec Edmond Okemvelé, une figure de la société civile. Autant dire, «l’exception qui confirme la règle», selon un adage bien connu. Pour cette raison, d’aucuns espéraient une véritable rupture au sortir de la Transition. Las… Il n’en a rien été. Au grand dam du monde associatif, Guy-Bertrand Mapangou a été porté à la tête du Cesec, le 29 décembre courant.
Tenant de l’ordre ancien
Si elle interroge, cette nomination relance le débat sur le décalage entre textes et pratiques. Plusieurs fois ministre, ancien président du Conseil national de la communication (CNN – devenu depuis Haute autorité de la communication), le président du Cesec est une figure essentielle du régime déchu. Réputé proche voire intime d’Ali Bongo, il symbolise une continuité difficilement explicable. Pour une partie de l’opinion, son passage au ministère de l’Intérieur reste marqué par les tragiques événements du 20 décembre 2014, quand Bruno Mboulou Beka trouva la mort au cours d’un meeting du Front de l’opposition pour l’alternance, alors principal regroupement pro-démocratie. Dans l’inconscient collectif, son nom reste associé au scandale du kevazingo, en mai 2019, quand il dirigeait le ministère des Forêts. Même si on a depuis parlé de complot, ces séquences historiques demeurent lourdes de sens.
Au-delà du parcours de l’impétrant, il faut analyser la portée politique de sa nomination. Il faut aussi en rechercher les implications institutionnelles. Censé servir de relais entre les pouvoirs publics et les forces vives de la nation, le Cesec doit œuvrer au renforcement des mécanismes de participation à la prise de décision. En confiant cette responsabilité à un tenant de l’ordre ancien, le pouvoir a pris le risque de compromettre la crédibilité d’une institution appelée à jouer un rôle central dans la transition vers une gouvernance plus inclusive.
Comment croire en une pleine implication de la société civile quand l’organe censé la représenter est dirigé par un professionnel de la politique politicienne? Entre des militants associatifs reconnus, des personnalités au confluent du militantisme partisan et de l’engagement citoyen voire des universitaires, il y avait pourtant d’autres alternatives. D’autres profils offraient des garanties d’expertise et d’indépendance.
Promesse constitutionnelle de renouveau
De fait, la Constitution du 19 décembre 2024 se veut annonciatrice d’une ère nouvelle. En consacrant explicitement, dans son préambule comme en ses articles 6 et 7, la démocratie participative, elle laisse croire en une réforme en profondeur de la vie publique. Certains y ont vu une promesse de renforcement du rôle du Cesec. D’autres y ont lu un engagement en faveur d’une plus grande implication de la société civile dans l’élaboration, le suivi et l’évaluation des politiques publiques. Il y en a même qui y ont décelé une volonté de réformer la procédure législative afin d’y faire une place aux acteurs non-étatiques. Or, on ne peut travailler à une plus grande implication des citoyens quand les anciennes logiques prévalent ou quand les nominations sont dictées par les affinités et une supposée expérience gouvernementale. En tout cas, le message parait ambigu. D’où le scepticisme du monde associatif.
La nomination de Guy-Bertrand Mapangou appelle à une réflexion de fond. Le Cesec devait être un espace d’expression et de proposition pour les forces vives. Il risque de devenir une chambre de plus ou de trop, policée, docile et déconnectée des réalités. Et pour cause: la démocratie participative ne se décrète pas. Elle se construit par des choix cohérents, des actes forts et assumés. Au-delà, elle se traduit par une volonté de combler les lacunes de la démocratie représentative. Si l’institution censée porter cette ambition fonctionne selon les règles héritées de la conception verticale du pouvoir, la participation citoyenne restera une incantation sans prise réelle sur la décision publique, un horizon sans chemin pour y parvenir. Ainsi, la promesse constitutionnelle de renouveau démocratique resterait lettre morte.





