Rétrospective Culturelle 2025: Année Charnière Gabonaise

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Rétrospective Culturelle 2025: Année Charnière Gabonaise
Rétrospective Culturelle 2025: Année Charnière Gabonaise

Africa-Press – Gabon. L’année culturelle 2025 restera comme un moment charnière pour le paysage artistique et patrimonial gabonais. En inaugurant cette chronique en janvier dernier, nous avons fait le pari de soumettre au prisme des Industries Culturelles et Créatives, la vitalité de la vie culturelle locale à travers le talent de ses acteurs et l’engagement institutionnel des gouvernants.

Dans un contexte de Transition institutionnelle et de refondation de l’action publique, la culture s’est affirmée à la fois comme espace de résilience sociale, champ de création dynamique et levier stratégique de rayonnement national et international.

Une vie artistique animée, portée par les acteurs eux-mêmes

Sur le plan artistique, 2025 aura été marquée par une activité soutenue, malgré les contraintes structurelles persistantes. Des festivals de musique urbaine et traditionnelle, des rencontres théâtrales, des projections de cinéma gabonais émergent, des expositions d’arts visuels et des initiatives littéraires ont rythmé l’année, notamment à Libreville, Port-Gentil, Franceville et Oyem.

Sur le plan musical, de nouvelles figures telles que Ishikawa (Label Wave&Co) ou encore Mea (Label Eben Entertainment) ont émergé dans le prolongement d’une lignée de nouveaux talents de la scène gabonaise à l’image de Emma’a, Waza No Limit, Dementos, Eboloko ou L’Oiseau Rare. La nouvelle scène et la « Old School » se sont d’ailleurs livrés à un joyeux chasser-croiser le samedi 20 décembre dernier par un double concert: « Ifumb Acte I Anciens » à l’Institut Français et « La Ntcham domine le monde » au Palais des Sports.

On retiendra également la multiplication des résidences de création, des scènes ouvertes et des projets portés par des collectifs indépendants, confirmant la montée en puissance d’une nouvelle génération de créateurs. L’invitation récente de l’équipe des studios Montparnasse à Paris pour le Festival international « L’Afrique Fait Son Cinéma » (du 10 au 20 décembre 2025) en est l’illustration.

Cette vitalité s’est souvent appuyée sur des ressources limitées, révélant à la fois la créativité du secteur et la précarité persistante de nombreux acteurs culturels, à l’image de la Web-humoriste créatrice de contenu Jess, alias Mister Colombo, qui a lancé un appel au ministre de la Culture le 6 Décembre dernier face à l’absence de reconnaissance institutionnelle et au manque de suivi dont souffre sa corporation.

Cet appel souligne en creux, le vœu de toutes les filières du champ des Industries Culturelles et Créatives pour une meilleure valorisation de leurs métiers et à la mise en place d’un « cadre capable de soutenir les acteurs culturels qui participent au rayonnement du pays »

Tendances fortes: numérique, entrepreneuriat et structuration des filières

La prégnance du numérique dans la création artistique est une constante qui s’est encore affirmé cette année parmi les trois grandes tendances du secteur:

La consolidation du numérique comme outil de création, de diffusion et de monétisation des œuvres, notamment dans la musique et l’audiovisuel ;

L’essor de l’entrepreneuriat culturel, avec une volonté affirmée de structurer les industries culturelles et créatives (ICC) comme secteurs économiques à part entière ;

Une demande accrue de reconnaissance professionnelle, traduite par des plaidoyers pour un statut de l’artiste, un meilleur accès à la protection sociale et à des mécanismes de financement adaptés.

Ces dynamiques témoignent d’un secteur en mutation, conscient de son potentiel mais en attente d’un cadre public plus lisible et plus protecteur.

Décisions institutionnelles: des signaux encourageants, des attentes fortes

Sur le plan institutionnel, 2025 aura été une année de signaux politiques importants, sans toutefois dissiper toutes les attentes. Les orientations en faveur de la décentralisation culturelle, du renforcement du rôle des collectivités locales et de la professionnalisation des acteurs ont été largement saluées par le secteur.

Plusieurs initiatives publiques ont mis en avant la culture comme levier de développement local, notamment à travers l’organisation d’événements culturels communaux, la réhabilitation de certains équipements culturels et la réflexion engagée sur la gouvernance du secteur.

Toutefois, les acteurs appellent encore à des décisions structurantes: cadre juridique rénové, financement pérenne, plan national pour les ICC et concertation régulière avec les professionnels. C’est d’ailleurs le sens du travail de terrain entrepris par l’ASSAGA (Association des artistes gabonais) dans son engagement à œuvrer pour la professionnalisation des filières artistiques au Gabon.

En écho à ces attentes, la communauté artistique a été ravie de noter le lancement le lancement d’un recensement des acteurs culturels (du 10 décembre 2025 au 30 Janvier 2026), par le Ministère de Tutelle « dans le cadre de la mise en œuvre de la Loi n°16/2023 du 8 août 2023 portant statut de l’artiste et de l’acteur culturel en République Gabonaise ».

Patrimoine et reconnaissance internationale: une année symbolique

L’année 2025 aura également été marquée par une attention renouvelée portée au patrimoine culturel et naturel. Les efforts engagés pour la préservation, la valorisation et la reconnaissance internationale de sites et vestiges historiques ont renforcé la place du Gabon sur la carte du patrimoine mondial.

Dans le prolongement des classements antérieurs, les actions menées autour de sites à forte valeur historique, archéologique et culturelle – notamment dans les paysages culturels reconnus par l’UNESCO – ont rappelé l’importance des vestiges anciens, des traditions et des savoirs endogènes comme fondements de l’identité nationale. Ces avancées ont renforcé la sensibilisation à la protection du patrimoine et à son potentiel éducatif, touristique et économique.

C’est dans ce contexte que le 10 décembre 2025, lors de la 20e session du Comité intergouvernemental de l’Unesco réunie en Inde, le « Mvet Oyeng » devenait officiellement le premier élément culturel gabonais inscrit sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Au-delà des polémiques suscité, cette reconnaissance a marqué une étape décisive dans la valorisation du patrimoine immatériel national.

Coopération internationale: l’UNESCO et l’OIF comme partenaires structurants

La coopération avec l’UNESCO et l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) s’est affirmée en 2025 comme un pilier de la politique culturelle.

Les programmes liés à la diversité culturelle, à la formation des acteurs, à la protection du patrimoine et au développement des industries culturelles et créatives ont contribué à renforcer les capacités nationales et à inscrire les initiatives gabonaises dans des cadres normatifs internationaux.

Ces partenariats ont également permis de repositionner la culture gabonaise comme outil de diplomatie culturelle, de dialogue des peuples et de rayonnement régional.

Regards vers 2026: transformer l’élan en politique durable

À l’issue de 2025, le diagnostic est partagé: la culture gabonaise est vivante, inventive et porteuse d’avenir, mais encore fragile dans sa structuration. Les attentes des artistes, opérateurs et institutions sont désormais clairement exprimées: reconnaissance, sécurisation des parcours, financement adapté, décentralisation effective et intégration de la culture dans les stratégies de développement.

2025 aura été une année de consolidation symbolique et politique. 2026 devra être celle des choix structurants et des résultats durables. Car investir dans la culture, c’est investir dans la cohésion nationale, la mémoire collective et l’avenir du Gabon.

Hugues-Gastien MATSAHANGA,

Spécialiste des Industries Culturelles et Créatives

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