Afrique : face au changement climatique, financer « l’économie bleue »

0
Afrique : face au changement climatique, financer « l’économie bleue »
Afrique : face au changement climatique, financer « l’économie bleue »

Azali Assoumani

Africa-Press – Gabon. À partir des ressources tirées de ses lacs, rivières et océans, l’Afrique peut créer une donne qui lui soit favorable pour une émission de CO2 de plus en plus réduite.

Nulle part dans le monde les dommages causés par le changement climatique ne sont autant ressentis que par les communautés du continent africain. Les habitants de mon propre pays, l’Union des Comores, le savent bien, alors que des phénomènes cycloniques de plus en plus importants menacent la vie et le bien-être de nos populations. Et alors que le monde est déjà en passe de connaître un réchauffement de 1,5 °C dès les années 2030, certaines parties du continent africain devraient même dépasser les + 2 °C avant 2025. Bien qu’elle ne contribue qu’à une petite fraction (3 %) des émissions mondiales, et qu’elle représente les émissions par habitant les plus faibles de tous les continents, l’Afrique est en première ligne pour faire face à l’impact des dérèglements climatiques qui ont déjà érodé les gains de développement durement acquis au cours des dernières décennies.

Plaider la cause des pays insulaires, très exposés au changement climatique

La crise du réchauffement climatique n’est pas non plus la seule à laquelle notre continent doive faire face. De nombreux pays africains sont déjà en situation de surendettement ou risquent fortement de l’être. La pandémie de Covid-19 et la guerre en Ukraine n’ont fait qu’aggraver ces phénomènes. Aujourd’hui, les gouvernements des pays africains n’ont pas ou peu de marge de manœuvre pour anticiper ou s’adapter à la crise climatique. Il est donc urgent de mettre en œuvre des mesures d’allègement de la dette et de permettre aux gouvernements africains d’augmenter leurs liquidités. Pour une grande partie d’entre eux, la croissance doit se fonder sur l’Économie bleue.

Dans mon discours d’investiture à l’Union africaine en février dernier, j’ai annoncé que l’économie bleue, l’action climatique ainsi que la défense des intérêts des États insulaires figureraient parmi mes priorités. En effet, l’Afrique est composée de vastes lacs, rivières et océans, dont les ressources sont à peine exploitées. Trente-huit des cinquante-cinq États africains sont des États côtiers, et avec un littoral d’environ 26 000 kilomètres, presque la majorité des importations et des exportations de notre continent se fait par voie maritime.

Certaines des portes d’entrée les plus stratégiques pour le commerce international se trouvent aussi en Afrique. C’est donc à juste titre que l’Union africaine a appelé l’Économie bleue l’économie de la « Nouvelle Frontière de la renaissance africaine », reconnaissant dans son agenda 2023 le rôle primordial que l’économie bleue peut jouer dans la contribution du continent africain à l’action climatique, la transformation économique, l’innovation et le développement socio-économique du continent. Elle estime par ailleurs que l’économie bleue génère déjà près de 300 milliards de dollars pour le continent et crée 49 millions d’emplois. Ces bénéfices et d’autres avantages cruciaux – notamment la sécurité alimentaire, les moyens de subsistance et la biodiversité – dépendent entièrement de la santé des océans.

Il est donc critique que, dans le contexte de crise climatique mondiale, les États africains, insulaires et côtiers jouent un rôle clé au niveau du continent, mais aussi au niveau global, pour lancer des initiatives phares en faveur de la biodiversité et de la résilience climatique et pour exploiter tout le potentiel de l’économie bleue, et ce dans le contexte de la zone de libre-échange continentale africaine afin de favoriser le développement de chaînes de valeur régionales durables et intégrées.

Trouver des solutions en faveur d’une Grande Muraille bleue

L’Union des Comores mène la charge en Afrique pour établir une feuille de route afin de faire avancer l’agenda de l’économie bleue et de prendre des mesures pour l’adaptation au changement climatique. La Déclaration de Moroni, qui a sanctionné les débats de la conférence sur l’économie bleue, organisée par le gouvernement des Comores au mois de juin, reprend les principaux éléments de ces discussions qui se sont tenues aux Comores, notamment la nécessité de : soutenir l’initiative de la Grande Muraille bleue pour une économie bleue durable, régénératrice renforçant la résilience socioécologique sur le continent africain en soutien aux États insulaires et côtiers africains.

En s’engageant, par ailleurs, à soutenir le « Processus de Moroni pour l’action sur les océans et le climat en Afrique et les spécificités des États insulaires d’Afrique », les représentants des États côtiers et insulaires se sont engagés à porter systématiquement l’agenda des États insulaires et côtiers africains au niveau du continent et de la planète et à promouvoir l’économie bleue au niveau continental et régional.

Je souhaiterais aussi mettre en avant certaines initiatives pour soutenir l’économie bleue, en particulier dans le domaine des financements.

Créer un fonds fiduciaire africain multidonateurs sur l’économie bleue…

Nous pensons qu’un fonds fiduciaire africain multidonateurs sur l’économie bleue, similaire à la Facilité d’Infrastructure du NEPAD administrée par la BAD, serait un début pour catalyser les investissements et l’incubation d’entreprises pour tous les États insulaires, côtiers et riverains qui cherchent à réaliser les opportunités d’investissement transformatrices et résilientes. Ce mécanisme de soutien à l’économie bleue pourrait financer des projets de développement dans la gestion des ressources en eau, des ressources halieutiques, des infrastructures portuaires ou du tourisme côtier, par exemple. L’objectif étant de favoriser un développement économique régional durable et une plus grande intégration grâce à la coopération entre pays africains, bailleurs de fonds et lsecteur privé pour permettre à l’Afrique de mettre fin à sa marginalisation économique.

… ainsi qu’une nouvelle banque verte multilatérale

Nous saluons aussi l’initiative du président Ruto, qui, lors du Sommet de Paris pour un nouveau pacte mondial de financement, a appelé à la création d’une nouvelle banque verte multilatérale et mondiale de développement, distincte du FMI et de la Banque mondiale. Au terme de banque verte nous aimerions ajouter le terme de banque bleue. Nous soutenons aussi la proposition qu’il a faite lors du Sommet africain sur le climat en septembre à Nairobi, sur une nouvelle architecture institutionnelle pour le financement de la lutte contre le changement climatique et qui mobilisera un fonds commun mondial pour soutenir l’action mondiale en faveur du climat.

L’existence et le bien-être des générations de demain dépendent des actions que nous devons mettre en place le plus rapidement possible. N’oublions pas que cette planète que nous appelons planète Terre est en réalité la planète Mer – puisque 71 % de la Terre est occupée par les mers et les océans. Sans l’attention que nous porterons à cette planète Mer, il n’y aura pas non plus d’améliorations sensibles pour les 29 % que représentent les terres de notre planète.

Pour plus d’informations et d’analyses sur la Gabon, suivez Africa-Press

LAISSER UN COMMENTAIRE

Please enter your comment!
Please enter your name here