Gabon : que vaut vraiment la ZES de Nkok ?

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Gabon : que vaut vraiment la ZES de Nkok ?
Gabon : que vaut vraiment la ZES de Nkok ?

Africa-Press – Gabon. De part et d’autre d’une longue route bétonnée, des dizaines de camions transportant de gigantesques troncs d’arbres arrivent, patientent, puis redémarrent pour passer le poste de contrôle. Ce ballet rythme le quotidien de la zone économique spéciale (ZES) de Nkok, située à 27 km du centre de Libreville.

Depuis sa création en 2010 par un partenariat public-privé (PPP) entre l’État gabonais, Arise Integrated Industrial Platform (Arise IIP) et Africa Finance Corporation, la ZES a fait ses preuves. Et malgré la conjoncture économique défavorable, l’année 2022 ne semble pas partie pour faire exception.

Acteur majeur de l’économie nationale

Depuis sa création, le pôle a en effet généré 1,7‌ ‌milliard de dollars d’investissements‌‌ directs‌ ‌étrangers‌ (IDE), et exporté 108 milliards de F CFA (plus de 164,6 millions d’euros) de marchandises (+ 58 % par rapport à 2021), pour un total de 17 000 conteneurs (+ 34 %). « Cette année, la zone économique bénéficie du ralentissement de l’activité généré par la crise sanitaire. On n’a pas coupé plus d’arbres, explique Paul Dany Menga Bekale, responsable commercial. Nous écoulons les stocks réalisés lorsque les exportations étaient à l’arrêt. Désormais, nous espérons atteindre 25 000 conteneurs par an. »

le bois gabonais transformé se vend 13 fois plus cher qu’avant la création de Nkok

La Gabon Special Economic Zone (GSEZ, société gestionnaire de la ZES de Nkok), constitue désormais l’un des premiers employeurs du Gabon, « soit quelque 7 % de la population active du pays », précise Mohit Agrawal, le directeur général. La main-d’œuvre se compose essentiellement de Gabonais, mais celle-ci est encore majoritairement cantonnée à des « métiers élémentaires qui ne nécessitent pas un niveau d’études élevé », précise Mohit Agrawal. « Elle est néanmoins formée à l’utilisation des nouvelles technologies par les travailleurs expatriés qui représentent aujourd’hui 15 % à 20 % des emplois contre près de 30 % à la création de la zone », ajoute-t-il. Afin d’encourager le recrutement de nationaux, deux centres de formation ont été créés. Les lycéens gabonais peuvent intégrer sur concours des apprentissages de dix-huit mois se composant de cours pratiques et des stages dans les entreprises de Nkok.

Deuxième exportateur mondial de contreplaqué

Sur les 1 126 hectares du parc industriel se sont installées 144 entreprises, issues de 19 pays. Quelque 70 secteurs industriels sont représentés : bois, ciment, pharmacie, manufacture… Les sociétés leaders de la zone sont principalement chinoises et indiennes telles que Africa Cement and Steel, le laboratoire La santé pharmaceutique ou encore Jia Ming Plastic Manufacturing. Ces dernières contribuent à diversifier l’économie gabonaise – qui repose encore principalement sur les hydrocarbures –, en particulier en investissant massivement dans la filière bois : 58 % des entreprises de la ZES sont spécialisées dans la transformation du bois (84 au total), une industrie qui représente désormais 3 % du PIB national. Rien qu’en 2021, le Gabon a produit 3 millions de mètres cubes (m3) de bois, dont 33 % sortent de la ZES de Nkok.

GZES a développé Akiba, sa propre marque d’ameublement haut de gamme

Ainsi, toute la stratégie économique de la zone repose sur la transformation du bois – première, deuxième et, désormais, troisième transformation –, afin de créer de la valeur ajoutée. « En 2009, avant la création de Nkok, le bois gabonais, vendu non transformé, coûtait 50 000 F CFA/m3, aujourd’hui la transformation permet de le vendre à 650 000 F CFA », explique un porte-parole de la ZES de Nkok.

Depuis 2017, les entreprises poncent les troncs jusqu’à « la troisième transformation ». Le pays est ainsi devenu le deuxième exportateur du monde de contreplaqué. Selon Arise IIP, cette transformation « jusqu’au contreplaqué » permet un rendement situé entre 300 et 1 500 dollars par m3 de bois exploité. « Si nos entreprises vont jusqu’à la quatrième transformation, alors ce rendement pourra atteindre les 5 000 dollars pour le même volume. »

En 2022, 80 % du bois sortant de Nkok était transformé, contre 55 % en 2020-2021. L’objectif est que, d’ici à 2026, la majorité des usines installées dans la zone soit performantes jusqu’à la quatrième transformation : celle de l’exportation de meubles et objets finis. Dans cette optique, GZES montre l’exemple en développant sa propre marque d’ameublement haut de gamme, Akiba, d’ores et déjà exportée aux États-Unis.

Réduction des émissions de CO2

Selon les représentants du projet, les ambitions commerciales de Nkok s’allient avec les ambitions écologiques du Gabon. Grâce à son programme « vert », GZES tire d’ailleurs son épingle de jeu dans le classement des zones franches établi par fDi Intelligence (groupe Financial Times), bimestriel consacré aux actualités et aux investissements directs étrangers (IDE), qui l’estime « hautement recommandée » et la positionne comme deuxième meilleure zone franche où investir en Afrique, après celle de Maurice (Mauritius Freeport). « Nous sommes la première ZES neutre en carbone », se targue Danièle Remanda, chargée de la mission « carbone neutre » au sein d’Arise IIP.

GZES joue également un rôle de tremplin pour les petits investisseurs locaux

En 2019, la zone a émis 84 790 tonnes de CO2, dont plus de la moitié représente les « besoins de base » de fonctionnement. « Nous travaillons à réduire davantage les émissions. Nous projetons de passer à la mobilité électrique pour assurer le transport du bois, et à l’installation d’un parc de panneaux solaires », précise-t-elle. Nkok travaille aussi à réduire ses déchets. Notamment grâce à la construction de l’usine Strarphy, spécialisée dans le recyclage des sciures de bois.

Pour boucler la boucle du cercle vertueux, « les entreprises de Nkok utilisent en très grande majorité du bois certifié FSC [attestant qu’il s’agit d’un bois provenant de sources responsables et traçables], ce qui a notamment permis l’ouverture des portes des marchés européen et nord-américain », explique Lee White, le ministre gabonais des Eaux, des Forêts, de la Mer, de l’Environnement, chargé du Plan climat et du Plan d’affectation des terres. « Grâce à nos efforts en matière d’environnement, nous proposons une offre de bois de haute qualité, ce qui nous permet d’être plus compétitifs », ajoute Mohit Agrawal.

« GZES joue également un rôle de tremplin pour les petits investisseurs locaux », ajoute Paul Dany Menga Bekale. Et ce à travers la mise en place d’un dispositif fiscal favorable, un accès facilité aux prêts pour les fabricants ainsi qu’aux infrastructures commerciales du pays comme le port d’Owendo ou la ligne ferroviaire.

Exportation du modèle

La stratégie mise en place à Nkok est appliquée – par les mêmes développeurs – aux deux autres principales ZES du pays, celle de Lambaréné (Ikolo), qui compte bientôt quatre entreprises et celle du Haut-Ogooué. Pour l’instant, les industries qu’elles hébergent ne se sont spécialisées que dans la deuxième transformation du bois (bois scié, vernis…). Pour 2022, le chiffre d’affaires estimé d’Ikolo devrait atteindre 2,63 millions d’euros, et celui de la ZES du Haut-Ogooué 880 000 euros. Arise IIP espère doubler leurs recettes d’ici à 2025. Pour accélérer le processus, des entreprises présentes à Nkok implantent également leur usine dans ces ZES secondaires.

Le modèle de GZES se déploie aussi dans sept autres pays africains, avec, entre autres, la création de structures construites à l’identique au Bénin (GDIZ) et au Togo (PIA). Mais également sous d’autres formes. D’une part, en signant des partenariats avec les gouvernements pour développer les ZES locales déjà existantes comme c’est le cas au Congo, à Pointe-Noire et à Ouesso, ou pour améliorer les infrastructures, telle que la construction d’un terminal à conteneurs dans le port de Nouakchott, en Mauritanie. D’autre part, en développant des « zones industrielles », c’est-à-dire des zones dédiées à la transformation des produits agricoles locaux, en Côte-d’Ivoire et au Tchad, par exemple.

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