Dialogue national inclusif : Une partie de bonneteau ?

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Dialogue national inclusif : Une partie de bonneteau ?
Dialogue national inclusif : Une partie de bonneteau ?

Africa-Press – Gabon. Suite à la publication du décret n° 0115/PT-MRI du 8 mars 2024, la déception et la résignation commencent à se lire sur de nombreux visages ou à transparaitre dans certains propos.

Unanimement considéré comme une «étape décisive dans la Transition en cours», le Dialogue national inclusif pourrait malheureusement se terminer en eau de boudin: de ce rendez-vous, la société pourrait ne rien obtenir de substantiel. C’est, en tout cas, la crainte née du refus des organisateurs d’entendre les réserves exprimées depuis la publication du décret n° 0115/PT-MRI du 8 mars 2024. En écartant les acteurs politiques du bureau, ce texte tend à faire comme si les événements du 30 août ne sont pas la résultante d’une gouvernance politique hérétique, caractérisée par le trucage électoral et toutes les formes de fraude. En réservant une place par parti politique légalement reconnu, il vide ces assises de leur dimension politique, les transformant en une sorte de sommet citoyen. En subordonnant la publication de la liste des participants à la prise d’un décret, il retire aux forces sociales le droit de désigner leurs mandataires, ouvrant la voie à une suspicion à la fois légitime et généralisée.

Tabous

Aux termes du décret n° 0115/PT-MRI du 8 mars 2024, le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) s’arroge 64 places, le gouvernement 10, le Parlement 10, le Conseil économique social et environnemental (CESE) 05, les départements ministériels 30. Au total, 199 participants sont d’ores et déjà acquis aux thèses du CTRI. Si l’on tient compte de la présence de nombreux officiers ou généraux à la tête des délégations spéciales, ce chiffre va bien au-delà. Annoncé comme «politique» et «inclusif», le Dialogue le sera-t-il dans les faits ? Pourra-t-il se pencher sur les causes et sous-causes de cette «gouvernance irresponsable, imprévisible» dénoncée le 30 août dernier ? Tous les doutes sont permis. Pour l’heure, l’article 11 du texte restreint le champ des possibilités en obligeant les participants à se conformer aux termes de la Charte de la Transition.

De toute évidence, cette grand-messe ne donnera pas lieu à des échanges francs et sincères, certaines questions étant déjà tenues pour des tabous. Il en va ainsi de la possibilité pour les acteurs de la Transition de concourir à la prochaine présidentielle. Même si personne ne le dire publiquement, cette restriction est du plus mauvais effet, le président de la Transition étant le seul à ne pas y être assujetti. Comme si l’objectif de ce Dialogue ne devait pas être avoué, le décret n° 0115/PT-MRI du 8 mars 2024 ne dit rien sur cette question, laissant libre cours à toutes les interprétations: désormais, certains y voient une occasion d’acter une candidature quasi-unique quand d’autres parlent d’une opportunité pour rallonger la Transition. A la fin des fins, les supputations portent sur tout sauf l’essentiel, à savoir: «la refondation de l’État afin de bâtir des Institutions fortes, crédibles et légitimes garantissant un État de droit, un processus démocratique transparent et inclusif, apaisé et durable.»

Maintien au pouvoir

A contre-poil d’une opinion largement acquise à l’idée de justice transitionnelle, les organisateurs du futur Dialogue national inclusif n’en ont nullement pipé mot. Ce faisant, ils ont hypothéqué les chances de parvenir à une version consensuelle de certains événements traumatisants de notre histoire récente. Au-delà, ils ont créé le terreau pour des réformes juridiques et institutionnelles pas toujours adaptées au contexte. Peut-on parvenir à une réconciliation nationale sans vérité ni justice et, encore moins réparations ? Bon gré mal gré, on ne peut répondre par l’affirmative. Pour toutes ces raisons, la déception et la résignation commencent à se lire sur de nombreux visages voire à transparaitre dans certains propos.

Croyant avoir fait le plus difficile en s’assurant du soutien d’une bonne partie de la classe politique, les organisateurs du Dialogue national inclusif abattent leurs cartes. Manifestement, toute leur stratégie vise le maintien au pouvoir, quitte à organiser une partie de bonneteau. Or, jamais cette ambition n’a été source de réformes audacieuses, profondes et démocratiques. Partout, elle a conduit à des réformettes initiées à la marge. Était-ce l’engagement de départ ? Est-ce conforme à l’esprit du 30 août ? A chacun selon sa compréhension.

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