Les Six Plaies D’Ali Bongo Et Ses Excès De Pouvoir

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Les Six Plaies D’Ali Bongo Et Ses Excès De Pouvoir
Les Six Plaies D’Ali Bongo Et Ses Excès De Pouvoir

Africa-Press – Gabon. Par-delà l’apparente continuité dynastique, l’ère Ali Bongo Ondimba (2009–2023) fut un long fleuve trouble, jalonné d’affaires explosives, de silences pesants et de détonations institutionnelles. Retour sur six scandales majeurs qui ont méthodiquement fissuré les fondations de son régime, jusqu’à la chute. Les cicatrices du règne.

Durant quatorze années de présidence, Ali Bongo Ondimba a construit un système où le contrôle de l’image le disputait à l’obsession du silence. En surface: inaugurations fastueuses, discours d’ouverture, projets futuristes, et une communication huilée. En profondeur: des fissures béantes, des colères étouffées, une gouvernance verrouillée. Ce pouvoir hérité, plus que conquis, a fini par se replier sur lui-même, sourd aux alertes, incapable de se réformer autrement que par la force. Les scandales, longtemps contenus sous la chape du déni, ont remonté un à un à la surface, comme des bulles de soufre d’un volcan prêt à éclater. Ces six affaires, à la fois symptômes et révélateurs, composent aujourd’hui l’anatomie d’un effondrement annoncé.

Présidentielle 2016: la machine électorale du soupçon

Le 27 août 2016 reste dans la mémoire collective comme un tournant. Face à Jean Ping, opposant charismatique mais isolé, Ali Bongo joue sa survie politique. Le résultat officiel – 50,66 % des voix – fait aussitôt l’effet d’un coup de tonnerre. Dans le Haut-Ogooué, province natale d’Ali Bongo, le taux de participation atteint un absurde 99,93 %, avec 95 % des suffrages en sa faveur. Cette anomalie statistique ne passe pas. Ni à Bruxelles, où le Parlement européen parle de «manipulation manifeste», ni dans la rue, où la population crie au vol. Le pouvoir, quant à lui, oppose le silence… et les armes. Cette élection, qui aurait pu être une consécration, devient le péché originel d’un second mandat contesté.

Les violences post-électorales: le feu et le sang

Dès l’annonce des résultats, Libreville s’embrase. L’Assemblée nationale est incendiée, les manifestations gagnent l’intérieur du pays. L’État réplique par une répression brutale, menée par la Garde républicaine et les forces spéciales. Des rafales de kalachnikov résonnent dans les quartiers populaires. Le siège du QG de Jean Ping tourne à la tragédie: tirs nourris, morts par dizaines, disparus par centaines. Internet est coupé, les communications verrouillées. À l’étranger, les chancelleries s’inquiètent. À l’intérieur, la peur s’installe comme un manteau de plomb. Le régime assume cette réponse musclée, comme s’il fallait mater définitivement l’illusion d’un peuple souverain.

AVC en 2018: quand l’État vacille dans le silence

À Riyad, en octobre 2018, Ali Bongo s’effondre. Officiellement, il est «surmené», est l’objet d’une «fatigue sévère». En réalité, il lutte pour sa vie, victime d’un accident vasculaire cérébral d’une gravité extrême, suivi d’un coma prolongé. Pendant des semaines, aucun bulletin de santé. Pendant des mois, le flou le plus total. Le pays est dirigé par procuration. Brice Laccruche Alihanga, tout-puissant directeur de cabinet, devient régent de facto. Des vidéos sans son, des apparitions fugaces d’un président visiblement diminué alimentent les pires rumeurs, y compris celle d’un sosie. Le pouvoir, engoncé dans sa propre opacité, modifie même la Constitution en 2020 pour assouplir les conditions d’intérim. La maladie du chef devient une maladie de l’État.

Le putsch manqué de janvier 2019: le signal d’alarme

Profitant de cette vacance du pouvoir, de jeunes militaires audacieux prennent d’assaut Radio Gabon le 7 janvier 2019 à l’aube. En direct, ils annoncent la fin du régime et la mise en place d’un «Conseil de restauration». L’affaire tourne court, mais le message est clair: le ver est dans le fruit. En coulisses, une purge méthodique s’opère. Laccruche Alihanga est limogé puis emprisonné. D’autres barons du système Bongo tombent pour détournements présumés. Ce putsch raté est moins un épisode isolé qu’un signal profond: le pouvoir est fissuré, les allégeances fragiles. Ce n’est plus un règne, mais une résistance.

Pandora Papers: la piste internationale du pillage

En 2021, les Pandora Papers jettent une lumière crue sur les finances offshore des élites africaines. Le nom d’Ali Bongo apparaît lié à plusieurs sociétés-écrans dans des paradis fiscaux. Déjà éclaboussée par l’affaire des «biens mal acquis», la famille présidentielle est rattrapée par ses fantômes luxueux: hôtels particuliers à Paris, comptes dissimulés, résidences à Beverly Hills. La fortune de la dynastie Bongo, estimée à plusieurs centaines de millions de dollars, ne trouve aucune justification publique crédible. Alors que le pays croule sous la dette et les pénuries, ce faste offshore résonne comme une gifle faite à la pauvreté nationale. Le pillage devient institutionnalisé, l’impunité, une doctrine.

La fin brutale: chute, incarcération, torture?

Le 30 août 2023, alors que les résultats d’une énième élection opaque viennent de reconduire Ali Bongo, un groupe de militaires emmené par le général Oligui Nguema annonce sa destitution. Le président est placé en résidence surveillée. Dans la foulée, son épouse Sylvia et leur fils Noureddin sont incarcérés. Des images de malles remplies de liasses de billets font le tour du monde. Mais l’affaire vire au cauchemar judiciaire: en France, Sylvia et Noureddin déposent plainte pour torture, dénonçant des violences physiques et psychologiques extrêmes. Simulation de noyade, chocs électriques, menaces… Le nouveau régime, tout en promettant la justice, semble emporté par une vengeance glacée. Le clan Bongo, jadis intouchable, devient une famille traquée, humiliée, disloquée.

Épitaphe d’un règne

À l’examen, ces six scandales ne relèvent pas du fait divers. Ils constituent une chronique implacable d’un régime construit sur le culte de l’image, l’érosion des contre-pouvoirs, et la capture de l’État par une oligarchie familiale. De la fraude électorale à la répression, de la maladie cachée aux réseaux offshore, de la peur organisée à la vengeance institutionnelle, l’ère Ali Bongo apparaît aujourd’hui pour ce qu’elle fut: une tragédie politique à plusieurs actes, où le destin personnel d’un homme s’est confondu avec la dérive systémique d’un pays.

Le Gabon, exsangue mais debout, panse désormais ses plaies. Mais la mémoire collective, elle, n’a pas fini de réclamer des comptes.

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