Africa-Press – Gabon. « (Les usagers des cabines à UV) ont concentré, en quelques décennies seulement, les dommages causés par les UV sur deux vies entières », conclut une nouvelle étude publiée dans la revue Science Advances qui décortique les modifications cellulaires causées par l’exposition à cette méthode de bronzage artificielle.
Les cabines à UV créent deux fois plus de mutations que chez une personne du double de son âge
« Nous nous attendions à ce que l’utilisation des cabines à UV augmente les dommages mutationnels, mais nous avons été surpris par l’ampleur de cet effet », rapporte à Sciences et Avenir le chercheur en génétique des cancers Alan Shain, qui a co-dirigé ces travaux. A l’âge de 30-49 ans, les utilisateurs de cabines à UV présentaient deux fois plus de mutations dans leurs cellules cutanées que les personnes âgées de 70-89 ans issues de la population générale.
Ces résultats se basent sur près de 3.000 dossiers de patients amateurs de cabines à UV, et ceux d’autant de personnes aux caractéristiques similaires, à cela près qu’ils n’ont jamais été exposés à d’autres UV que ceux du soleil. « Les utilisateurs de cabines à UV présentent plus de mutations dans leurs cellules cutanées que leurs pairs suivis dans une clinique spécialisée dans les cancers de la peau à haut risque », appuie le chercheur.
Des zones surexposées dans les cabines à UV
C’est d’abord la surface d’exposition qui joue. « Les cabines à UV exposent l’ensemble du corps à des rayonnements mutagènes, créant ainsi un champ beaucoup plus large de cellules à risque. En revanche, la lumière naturelle du soleil mutagène touche principalement les épaules, le visage et les extrémités, à quelques exceptions près (comme lors d’activités à la plage ou à la piscine) », détaille Alain Shain.
Or, bien que cela puisse sembler contre-intuitif, le mélanome (cancer de la peau) est plus fréquent sur les zones exposées de manière intermittente aux UV, comme le dos ou les fesses, que sur celles qui le sont le plus. « En d’autres termes, les parties du corps qui sont généralement couvertes semblent être plus vulnérables lorsqu’elles sont exposées à des rayons UV intenses, ce qui les expose à un risque plus élevé de développer un mélanome », résume Alan Shain.
Un risque de mélanome multiplié par trois
Une réalité qui nourrit l’idée reçue selon laquelle une session de cabine à UV permet de « préparer » la peau au soleil. Mais la plus grande vulnérabilité de la peau peu exposée aux mélanomes ne signifie pas que la peau exposée est immunisée, mais que le risque de cancer est moins élevé. « Même dix séances de bronzage au total au cours de la vie augmentent considérablement le risque de mélanome », affirme le dermatologue Pedram Gerami, premier auteur de l’étude. Les résultats de ces travaux confirment ce risque dès les premières séances et mettent au jour une relation dose-dépendante. Pour les patients ayant effectué entre 10 et 50 séances de bronzage artificiel, le risque de mélanome doublait. À 100 séances, il était multiplié par 6 et à 200 séances, par plus de 8. En moyenne, l’usage des cabines UV triplait le risque de mélanome.
Des cellules qui présentent plus de mutations
L’examen des biopsies (échantillons) des mélanomes de 182 patients volontaires de Pedram Gerami confirme que même avec dix séances, l’ADN semble subir des dommages importants. « Les utilisateurs de cabines à UV présentent plus de mutations dans leurs cellules cutanées que les personnes de la population générale qui ont deux fois leur âge », commente Alan Shain. Les mélanocytes, les cellules productrices de pigment, étaient 23% à présenter une mutation pathogène chez les utilisateurs de cabine à UV, contre 7% dans la population contrôle. Pour les chercheurs, l’exposition aux cabines à UV rapproche potentiellement autant d’un futur mélanome que les antécédents familiaux de cancer de la peau.
L’augmentation du nombre de mélanomes est liée à l’usage des cabines à UV
En France, le nombre de mélanomes diagnostiqués a triplé entre 1990 et 2023, atteignant les 17.000 cas annuels. Si l’amélioration des techniques de diagnostic a contribué à cette augmentation, l’usage des cabines à UV est pointé par les chercheurs. « Si l’on examine les pays où l’utilisation des cabines à UV a connu une forte augmentation avant de décliner, on observe une tendance similaire avec les taux de mélanome chez les jeunes femmes, principales utilisatrices, qui augmentent à mesure que leur popularité croît, puis diminuent à nouveau lorsque leur utilisation baisse », analyse Alan Shain.
En France, l’usage des cabines à UV est interdite aux mineurs et depuis 2015, l’affichage des risques de cancer est obligatoire dans les instituts. « Leur utilisation à des fins esthétiques constituait le facteur de risque le plus important pour le mélanome, même en tenant compte d’autres facteurs de risque tels que les antécédents de coups de soleil et les antécédents familiaux de mélanome », ajoute Pedram Gerami.
« En général, les patients se sentent très lésés par l’industrie des cabines à UV », rapporte Pedram Gerami. Que les ex-utilisateurs de cabines à UV se rassurent cependant: si leur usage augmente les risques de mélanome, « le principal facteur déterminant du pronostic est le stade auquel il est diagnostiqué », précise Alain Shain. « Si la personne a utilisé des lits de bronzage, des dépistages réguliers de la peau restent très efficaces pour détecter les mélanomes à un stade précoce, lorsqu’ils sont beaucoup plus faciles à traiter et moins susceptibles de mettre la vie en danger. »
En France, 15% des gens ont déjà pratiqué des séances d’UV au cours de leur vie en 2021, soit un taux stable depuis 2010, révélait l’Institut National du Cancer (Inca) en 2023. Mais l’usage semble décliner, puisque seuls 1% déclarent l’avoir fait au cours des 12 derniers mois, contre 3,5% en 2010.





