Découverte : un nouveau mécanisme élucidé dans la maladie de Huntington

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Découverte : un nouveau mécanisme élucidé dans la maladie de Huntington
Découverte : un nouveau mécanisme élucidé dans la maladie de Huntington

Africa-Press – Gabon. La maladie de Huntington touche près de 18.000 personnes en France. Pour 9 patients sur 10, cette maladie neurodégénérative se manifeste notamment par des mouvements brusques involontaires. La mutation en cause dans cette affection touche une protéine régulatrice de nombreux mécanismes cellulaires: la huntingtine. Dans une nouvelle étude, des chercheurs du Broad Institute du MIT et de Harvard (Etats-Unis) démontrent que la toxicité de cette protéine mutée se manifeste bien plus tard qu’on ne le pensait. « C’est une étude majeure car elle modifie profondément la façon dont on appréhende la maladie », commente Christian Neri, directeur de recherches à l’Inserm, lors d’une interview pour Sciences et Avenir.

D’une part, elle confirme le résultat de précédentes découvertes: le gène codant pour la huntingtine ne cesse de s’allonger tout au long de la vie. Et d’autre part, cette mutation deviendrait vraiment toxique qu’au-delà d’un certain seuil, plus élevé que ce qu’on envisageait jusqu’à présent. Ces résultats soulèvent de nombreuses questions et notamment: pourquoi perçoit-on des anomalies dans les neurones avant d’atteindre cette limite ? L’étude a été publiée dans la revue Cell.

Qu’est-ce que la chorée de Huntington ?

La maladie de Huntington est une pathologie neurodégénérative dévastatrice. Elle affecte le cerveau et plus particulièrement les neurones du striatum, une structure impliquée dans les fonctions motrices, cognitives et comportementales. Ses symptômes – chorée, rigidité musculaire, atteintes des fonctions exécutives qui permettent de réaliser des tâches du quotidien, irritabilité… – évoluent en dents de scie jusqu’à la perte d’autonomie du patient, et son décès.

Au cœur de cette maladie: la protéine huntingtine, défaillante chez ces patients. Mais pourquoi ? Lorsqu’il est muté, le gène (HTT) qui code pour cette protéine possède un très grand nombre de répétitions d’une même séquence, jusqu’à plusieurs dizaines voire centaines. Ce qui aboutit à la formation de protéines huntingtines anormalement longues. Le risque de développer la maladie dépend justement du nombre de répétitions de cette petite partie (appelée CAG).

Les huntingtines mutées interagissent ensuite de façon anormale avec les protéines du neurone et s’agrègent entre elles en raison de leur mauvaise conformation. Si l’agglomération protéique permet notamment à la cellule de se débarrasser des molécules toxiques, certains chercheurs s’interrogent sur les dégâts que ces agrégats pourraient causer dans le neurone avant d’être recyclés.

A quoi sert la protéine « huntingtine » ?

La huntingtine a un rôle indispensable dans le développement embryonnaire et la formation du tissu cérébral. Elle s’exprime dans tout l’organisme et régule de nombreux mécanismes de maintenance cellulaire. « Dans la maladie de Huntington, cette protéine est mutée et n’assure donc qu’imparfaitement ses fonctions », indique l’Inserm. Entre autres, elle ne transporte plus assez de BDNF (Brain-derived neurotrophic factor), une substance nécessaire à la survie des neurones. « Cette mutation impacte largement l’expression des gènes de la cellule, la dynamique des protéines, les moyens de transport et de communication inter-cellulaires tels que ceux médiés par les vésicules par exemple », résume Christian Néri.

L’expansion somatique, au cœur de la maladie

Il y a près d’un an, une étude de Nathaniel Heintz publiait un résultat stupéfiant: le nombre de répétitions CAG dans le gène augmente au cours de la vie. Un processus connu sous le nom d’expansion somatique. Dans ses nouveaux travaux, l’équipe de Steve McCarroll a pu confirmer ces résultats en étudiant les neurones de patients, post-mortem. « Au départ, les personnes atteintes présentent au moins 40 répétitions, mais à la fin de leur vie, il peut y en avoir des centaines », rapportent les auteurs de l’étude. Comment est-ce possible ?

Les neurones ne se divisent pas mais ils peuvent se réparer et dans la chorée de Huntington, cette réparation dysfonctionne. « Quand les répétitions sur un gène sont trop nombreuses, les neurones essaient de réparer leur ADN. Le problème c’est que plus cette séquence est longue, plus les enzymes de réparation sont susceptibles de favoriser des erreurs et d’augmenter le nombre de répétitions. C’est exactement ce qui se passe tout au long de la vie d’une personne atteinte par la maladie de Huntington », analyse Christian Neri. Au-delà d’un certain seuil, le neurone se dérègle et meurt.

Cette limite est un point clé des débats scientifiques aujourd’hui concernant cette maladie: à partir de combien de répétitions le neurone subit-il un problème grave de toxicité ? Les études de Nathaniel Heintz suggèrent un seuil autour de 80 répétitions. Mais la nouvelle étude de Steve Mc Carroll bouleverse ce schéma: il en faudrait 150. Grâce à des techniques de pointe, ils ont pu étudier l’expression de tous les gènes dans les neurones ciblés. Résultat: en dessous de 150 répétitions, il n’y a pas d’anomalie dans l’expression des autres gènes.

La toxicité de la huntingtine mutée se développerait donc plus tard que ce qu’on ne l’imaginait jusqu’à présent. « Il s’agit d’une explication potentielle aux difficultés que rencontrent les études sur les traitements visant à bloquer l’expression de la huntingtine: très peu de cellules possèdent la version toxique de la protéine à un instant donné car le nombre de répétitions n’est pas le même dans tous les neurones. De sorte que les traitements peuvent ne pas avoir d’effet thérapeutique dans la plupart des cellules », indique l’équipe de McCarroll.

Pourtant, plusieurs études sur les souris révèlent des anomalies systémiques en deçà de cette limite: changement dans l’expression des gènes, perturbation de la dynamique des protéines et des différents organelles du neurone… Alors comment expliquer le dysfonctionnement des neurones avant ce seuil de 150 répétitions ?

Deux causes dans le dysfonctionnement neuronal

« Ce travail repose sur la protéine huntingtine mutée, mais il ne faut pas oublier que la maladie est causée par deux facteurs: la huntingtine mutée qui peut faire des dégâts, mais aussi, la perte de sa version normale ! », rappelle Christian Neri. En effet, sur les deux allèles (version d’un gène) de la protéine, l’un des deux est muté. Il y a donc deux fois moins de huntingtine normale dans les neurones des personnes atteintes. Cette perte de la fonction normale cause aussi des dérèglements puisque la huntingtine possède des effets neuroprotecteurs. « L’enjeu maintenant, c’est de comprendre pour chaque mécanisme, s’il est principalement dû à la perte de la huntingtine normale ou à la toxicité de la huntingtine mutée », éclaire le biologiste. Démêler les conséquences de l’une ou de l’autre est un défi majeur et essentiel pour y voir clair dans les solutions thérapeutiques à mettre en place.

Les pistes thérapeutiques

Actuellement, ces pistes thérapeutiques reposent sur trois approches principales. D’une part, le blocage de l’expression de la huntingtine qui présente des limites. « Nombreux sont les chercheurs qui pensent que bloquer à la fois l’expression de la huntingtine normale en plus de celle de la huntingtine mutée est risqué car le risque est de perdre d’un côté ce que l’on gagne de l’autre. Le blocage sélectif de la huntingtine mutée présente d’autres limites, techniques notamment. Dans tous les cas, la question se pose de l’efficacité eu égard au nombre de neurones qui sont dans la phase d’hyper-toxicité. Il faudra peut-être la combiner », synthétise Christian Neri.

Une autre approche très récente consiste à bloquer l’expansion somatique, c’est-à-dire l’allongement du nombre de répétitions dans le gène muté. Pour cela, des laboratoires travaillent à inhiber certains mécanismes des enzymes réparatrices de l’ADN. « Reste qu’il existe certainement des anomalies dans les neurones qui sont dues presque uniquement à la perte de fonction de la huntingtine normale », rappelle le chercheur. « C’est pourquoi une troisième option thérapeutique prend de l’ampleur aujourd’hui: la thérapie de compensation. Elle consiste à restaurer les capacités de résistance fonctionnelle des neurones le plus tôt et le plus efficacement possible. »

Les neurones disposent de nombreux mécanismes de réponse au stress, qui ont été affaiblis, voire éteints, à mesure que la maladie progresse. Leur réactivation permettrait de compenser les déséquilibres fonctionnels observés dans la maladie de Huntington, pour retarder l’avancement de la maladie. « Cette maladie est absolument terrible, et retarder ses symptômes ne serait-ce que de quelques années représenterait une avancée considérable. L’exploitation thérapeutique des découvertes sur l’expansion somatique et sur les pertes de résilience neuronale sont des atouts de plus pour les chercheurs et des espoirs supplémentaires pour les malades et leurs familles », conclut Christian Neri.

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