Africa-Press – Gabon. On avait déjà trouvé, dans l’estomac de la grenouille Pelophylax nigromaculatus, des restes de frelons, des insectes dont une seule piqûre peut être fatale à un petit vertébré. Mais une question se posait encore: est-ce que ces amphibiens évitent les dards lors de leur attaque ou résistent-ils aux piqûres?
Pour répondre à cette question, le chercheur Shinji Sugiura (Université de Kobe, Japon) a mis en place un protocole très simple: dans un laboratoire, il a placé des grenouilles face à des frelons de différentes espèces et il a observé la suite. Les résultats de cette étude, publiée le 3 décembre 2025 dans la revue Ecosphere, révèlent l’étonnante résistance de ces grenouilles de quelques grammes face à des frelons géants.
L’un des insectes les plus dangereux au monde pour adversaire
Ces insectes sont redoutables: grands, ils portent en eux une importante quantité d’un venin capable de causer des douleurs intenses, des dommages aux tissus et des effets systémiques, notamment cardiaques. Pour ne pas laisser la place au doute, le scientifique japonais n’a pas hésité à fournir à la petite P. nigromaculatus de terribles adversaires. Des frelons V. simillima et V. analis collectés dans la nature. Mais surtout l’énorme frelon Vespa mandarinia, qui dispute le titre d’insecte le plus dangereux du monde.
Quarante-cinq grenouilles ont été confrontées à l’un des 45 frelons (15 V. simillima, 15 V. analis et 15 V. mandarinia). Elles n’étaient mises en face d’un frelon qu’une fois, et l’espèce de l’adversaire était choisie pour correspondre au gabarit de l’amphibien (certaines ne pesaient pas plus de 6 grammes et la plus lourde affichait seulement 76 grammes sur la balance). Ainsi les grenouilles les plus frêles n’étaient tout de même pas placées face à un Vespa mandarinia.
« Découverte à la fois unique et passionnante »
Quasiment toutes les grenouilles sont passées à l’attaque et les frelons ont cherché à se défendre en les piquant. 93% des grenouilles contre V. simillima, 87% des grenouilles contre les V. analis et 79% de celles contre les redoutables V. mandarinia ont mangé leur proie. Et aucun insecte n’a été régurgité après avoir été avalé. Les piqûres de frelons — les grenouilles ont été piquées à la face, dans les yeux ou encore sur la langue — n’ont ni tué ni blessé ces amphibiens.
« Alors qu’une souris de taille similaire peut mourir d’une seule piqûre, les grenouilles n’ont montré aucun dommage apparent, même après avoir été piquées à plusieurs reprises, s’étonne Shinji Sugiura dans un communiqué. Cette extraordinaire résistance à un venin puissant rend cette découverte à la fois unique et passionnante ».
En outre, tous les individus ont repris un comportement normal peu après avoir été piqués, relate l’étude. Cela voudrait dire que le venin ne tue pas ces grenouilles mais qu’en plus, la douleur engendrée s’estompe rapidement.
Comment est-ce possible? Le mécanisme derrière cette tolérance reste pour le moment un mystère, ce qui fait de cette grenouille un modèle parfait pour mieux comprendre la résistance aux venins.
