Africa-Press – Gabon. La pollution de l’air a été reconnue comme un cancérogène avéré en 2013. En plus de son effet sur les poumons, une large étude vient confirmer son rôle sur le cerveau et l’apparition de la démence. Publiée dans la revue The Lancet Planetary Health, cette méta-analyse passe en revue plus de 51 études réalisées à travers le monde, regroupant 30 millions de patients. La plupart d’entre elles ont été réalisées dans des pays à haut revenus: 15 viennent d’Amérique du Nord, 10 d’Europe, 7 en Asie et 2 en Australie.
Les chercheurs ont identifié une association positive et statistiquement significative entre la démence et trois types de polluants: les particules fines inférieures à 2,5 micromètres (les PM 2,5), le dioxyde d’azote (NO2) et le carbone noir. Les particules fines PM2,5 sont faites de particules assez fines pour être inhalées dans les poumons. Elles proviennent de plusieurs types d’émissions, comme les voitures, les centrales électriques, certains procédés utilisés dans l’industrie, les cheminées ou les poêles à bois, ainsi que les poussières liées aux constructions. Elles peuvent rester dans l’atmosphère pendant longtemps et voyager loin, par les airs, entre l’endroit où elles sont produites et l’endroit où elles sont inhalées.
Le dioxyde d’azote, lui, est l’un des polluants principaux provenant des industries fossiles. Il est également relâché par les voitures, en particulier par les diesels, ainsi que les cuisinières au gaz et le chauffage au gaz. L’exposition à ces particules peut irriter le système respiratoire, induire et empirer certaines maladies comme l’asthme. Enfin, le carbone noir, aussi appelé carbone suie, provient aussi des émissions automobiles et de la combustion de bois. Inhalé, il peut pénétrer profondément dans le système respiratoire et aggraver les maladies pulmonaires et augmenter les risques cardiaques.
Au moins un an d’exposition
Selon les chercheurs, pour chaque tranche de 10 microgrammes par mètre cube (μg/m3) de PM2,5, le risque relatif de développer une démence augmenterait de 17 %. En 2023, la concentration moyenne de PM2,5 mesurée en bord de route dans le centre de Londres était de 10 μg/m3. A titre de comparaison, la concentration moyenne de PM2,5 dans l’air à Paris est d’environ 12 μg/m3, mais elle peut varier selon les zones, avec des concentrations plus élevées près des axes routiers selon Airparif. Ajouté à cela, pour chaque tranche de 10 μg/m3 de dioxyde d’azote, le risque relatif augmentait de 3 %. La concentration moyenne de NO2 mesurée en bord de route dans le centre de Londres en 2023 était de 33 μg/m3. En parallèle, Paris enregistre des moyennes annuelles comprises entre 18 et 26 μg/m3 selon la municipalité.
Enfin, pour chaque tranche de 1 μg/m3 de carbone noir présente dans les PM2,5, le risque relatif augmentait de 13 %. À travers le Royaume-Uni, les concentrations annuelles moyennes de suie mesurées à certains emplacements en bord de route en 2023 étaient de 0,93 μg/m3 à Londres. A Paris, le carbone noir est généralement autour de 1 μg/m3 dans les zones résidentielles, mais peut atteindre 11 μg/m3 sur des sites très fréquentés par le trafic, toujours selon Airparif. A chaque fois, ces chiffres ont été calculés sur une exposition d’au moins un an.
Plusieurs risques pour le cerveau
Par quel processus les particules entraînent-elles la démence? « Il y a des effets neurologiques directs: les particules fines et ultrafines peuvent se propager jusqu’au cerveau via la circulation sanguine et le nerf olfactif. Une fois dans le cerveau, ces particules peuvent induire une neuro-inflammation et un stress oxydatif, dont on sait que tous les deux sont impliqués dans l’apparition des maladies neurodégénératives », explique Clare Rogowski, chercheuse à l’Université de Cambridge (Royaume-Uni) et première autrice de cette étude.
La pollution induit aussi un effet systémique sur le système nerveux. « La pollution de l’air peut provoquer une réponse inflammatoire systémique après avoir été inhalées et être entrées dans la circulation sanguine. Ces réponses immunitaires peuvent interférer dans les mécanismes de protection du cerveau, contribuant à l’accumulation de protéines dans le cerveau (les protéines bêta-amyloïde impliquées dans la maladie d’Alzheimer, ndlr) et entraînant la démence. »
Mais malgré ces nouveaux résultats, il n’est pas possible aujourd’hui d’attribuer l’apparition de cas de démence spécifiquement à la pollution. Il s’agit plutôt d’une palette de facteurs, qui, accumulés, augmentent le risque global d’un individu. « Les études épidémiologiques ont démontré une association statistiquement significative entre l’exposition à long terme aux polluants atmosphériques — en particulier les particules fines (PM2,5) et le dioxyde d’azote (NO2) — et une augmentation du risque de démence. Toutefois, ces associations n’impliquent pas que la pollution de l’air soit une cause nécessaire ou suffisante de la démence prise isolément », insiste Clare Rogowski.
La démence reste un syndrome complexe, influencé par une combinaison de facteurs de risque non modifiables, comme l’âge et la susceptibilité génétique. Parmi les facteurs modifiables, on retrouve la santé cardiovasculaire, le niveau d’éducation, l’activité physique et désormais, les expositions environnementales telles que la pollution de l’air.
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