Les ondes émises par nos téléphones portables affectent-elles la qualité du sperme ?

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Les ondes émises par nos téléphones portables affectent-elles la qualité du sperme ?
Les ondes émises par nos téléphones portables affectent-elles la qualité du sperme ?

Africa-Press – Gabon. Les gros utilisateurs de téléphone portable – plus de 20 fois par jour – ont un sperme significativement moins concentré en spermatozoïdes et donc de moindre qualité, conclut une étude suisse. Un effet qui semble cependant minime. Ainsi, si ces données incitent les scientifiques à poursuivre les recherches quant aux effets des ondes électromagnétiques émises par nos appareils, elles ne doivent cependant pas alarmer la population, appuient les experts.

Moins de spermatozoïdes dans le sperme de plus gros usagers du smartphone

Entre les rares utilisateurs du téléphone portable (une fois par semaine ou moins) et les plus gros usagers (plus de 20 fois par semaine), le nombre de spermatozoïdes chute de 20%, conclut l’étude réalisée sur 3.000 jeunes suisses faisant leur service militaire entre 2005 et 2018. La concentration du sperme atteint ainsi une médiane de 40 millions de spermatozoïdes par millilitre. Une baisse qui n’est pas alarmante en soi, l’Organisation Mondiale de la Santé traçant la limite à partir de laquelle on peut parler d’infertilité à 15 millions de spermatozoïdes par millilitre.

“En revanche, aucune corrélation n’est observée avec la mobilité et la morphologie des spermatozoïdes”, deux autres paramètres essentiels de la qualité du sperme, ajoute Rita Rahban, chercheuse au département de médecine génétique et développement à l’Université de Genève et première autrice de cette étude. Ce qui n’est pas si étonnant dans la mesure où ces paramètres sont régulés par différents mécanismes. Contrairement aux femmes qui naissent avec un stock d’ovocytes, les hommes produisent des spermatozoïdes en continu sous le contrôle d’hormones produites par l’axe hypothalamo-hypophysaire.

Effet biologique ou de l’usage, la question demeure

Théoriquement, les ondes électromagnétiques émises par les smartphones pourraient affecter ce système hormonal, et c’est d’ailleurs l’hypothèse prudemment avancée par Rita Rahban. Les chercheurs ont également envisagé la possibilité que le téléphone chauffe les testicules, très sensibles à la température, en étant stocké à proximité. Mais dans l’étude, Rita Rahban et ses collègues ne trouvent aucun effet associé au fait de laisser son téléphone dans sa poche.

“À ce jour, le niveau et la durée de l’exposition sont considérés comme les paramètres les plus critiques” des téléphones portables du point de vue de la santé, bien qu’aucun effet néfaste n’ait été encore prouvé, détaille le spécialiste en épidémiologie environnementale Martin Röösli, qui a dirigé l’étude. Ce niveau d’exposition diminue lorsque la qualité du réseau augmente, lorsque moins de données sont transmises et lorsque la distance par rapport au corps augmente. De plus, “la dose (exposition cumulée) dépend de la durée d’utilisation”, explique-t-il.

Or, l’usage du téléphone – appel, SMS, réseaux sociaux, etc. – n’était pas renseigné dans l’étude. “Cette publication montre une corrélation statistique mais on ne sait pas si elle est due à l’exposition ou à l’usage”, résume le biologiste Yves Le Dréan, spécialiste des ondes électromagnétiques à l’Institut de recherche sur la santé, l’environnement et le travail. D’autant que l’utilisation des smartphones a beaucoup évolué dans le temps qu’a duré l’étude, les utilisateurs rares (moins d’une fois par semaine) n’existant quasiment plus en 2018 par rapport à 2005.

Pourtant, alors que nous sommes bien plus exposés aux ondes électromagnétiques émises par les smartphones qu’il y a deux décennies, la baisse de qualité du sperme était plus marquée sur les périodes les plus anciennes de l’étude. Un résultat “contre-intuitif”, observe Yves Le Dréan, qui ne va pas dans le sens d’un effet de la hausse de l’exposition aux ondes électromagnétiques. Pour Rita Rahban, cela pourrait s’expliquer par l’évolution du réseau d’ondes électromagnétiques émises par les téléphones depuis 2005, et qui devient plus rapide et ciblé. “La tendance est aux fréquences plus élevées, qui pénètrent moins dans le corps (et les bâtiments) mais permettent un débit de données plus important”, abonde Martin Röösli. “C’est vrai pour la 5G, dont les ondes de plus hautes fréquences ne passeront pas la barrière de la peau. Mais entre la 2G et la 4G il y a en réalité peu de différences quant à leur façon d’interagir avec la matière vivante”, précise Yves Le Dréan.

Les téléphones portables ont un impact de faible ampleur sur la qualité du sperme

Ces ondes électromagnétiques pourraient théoriquement provoquer la production de radicaux libres affectant la production de spermatozoïdes. Mais pour le biologiste, le responsable est sans doute plus à rechercher dans les nouveaux usages du téléphone portable au détriment d’autres besoins. “Rester sur son téléphone au lieu de dormir peut par exemple occasionner un manque de sommeil et du stress”, illustre-t-il.

Les résultats de l’étude persistent même lorsqu’on tient compte du tabagisme, de la consommation d’alcool ou encore de l’indice de masse corporelle (IMC), mais tout ne peut pas être pris en compte. “On peut par exemple imaginer que les personnes qui utilisent plus le téléphone pour leur activité professionnelle sont des personnes plus stressées, et le stress a des effets sur la fertilité”, illustre le chercheur. L’évolution de nos modes de vie nous exposant plus à l’obésité, au stress, au manque de sommeil ou encore à la pollution a déjà été pointé du doigt pour expliquer la baisse notable de la qualité du sperme dans les pays occidentaux. Selon Santé Publique France, entre 1989 et 2005, la concentration de spermatozoïdes dans le sperme a baissé de 32,2%, au rythme de 1,9% par an.

“La production de spermatozoïdes est très sensible, il suffit d’une simple fièvre pour l’altérer”, relativise le Pr Michael Grynberg, gynécologue obstétricien spécialisé en endocrinologie de la reproduction, infertilité et andrologie à l’hôpital Antoine-Béclère (AP-HP). Au point que les spermogrammes peu satisfaisants sont systématiquement répliqués trois mois plus tard pour en confirmer les résultats. “La production de spermatozoïdes est tellement hypersensible qu’il ne serait pas étonnant qu’elle soit affectée par les téléphones portables, quoique de façon minime”, ajoute le médecin. Une conclusion secondée par Yves Le Dréan. “On ne peut pas dire qu’il ne se passe rien car plusieurs études trouvent des effets, mais ils sont certainement de très faible ampleur.” Pour Michael Grynberg, il ne faut pas s’alarmer quant à l’effet des téléphones portables sur la fertilité. “L’essentiel lorsque l’on veut concevoir est de prendre soin de son hygiène de vie, par exemple faire du sport, manger équilibré et arrêter le tabac”, conclut-il.

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