Sous-marin de la Première Guerre Sauvé par des Archéologues

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Sous-marin de la Première Guerre Sauvé par des Archéologues
Sous-marin de la Première Guerre Sauvé par des Archéologues

Africa-Press – Gabon. C’est du jamais vu ! Lors de sa remise au jour par l’agence gestionnaire des voies navigables de l’Elbe et de la mer du Nord au début du mois de septembre 2025, un sous-marin allemand coulé après la Première Guerre mondiale s’est brisé en deux morceaux. Était-ce une bonne idée de le sortir de l’eau? Non, déplorent les archéologues allemands, qui ont aussitôt alerté les autorités compétentes, non averties de cette opération illégale et improvisée. Car le bâtiment ne peut être considéré comme un simple déchet à éliminer, il relève des monuments historiques, ce qui implique par ailleurs la nécessité d’une documentation scientifique. Bref, un raté total qu’il va falloir rattraper, comme l’explique à Sciences et Avenir l’archéologue sous-marin Florian Huber.

Grâce aux archéologues, un sous-marin de la Première Guerre mondiale échappe à la casse

Une semaine après l’extraction du sous-marin U 16 (U pour Unterseebot), son sort n’est pas entièrement scellé, mais au moins il n’est plus destiné à la casse, et ce, grâce à l’intervention des archéologues qui ont rapidement tiré la sonnette d’alarme: Pas question de traiter ce bâtiment historique comme de la simple ferraille !

Comme le raconte à Sciences et Avenir Florian Huber, cofondateur de la société de fouilles sous-marines Submaris, aucun archéologue n’avait été prévenu de cette opération: « Je l’ai apprise par les médias. J’ai lu qu’il était prévu de renflouer un sous-marin à Hambourg. Je me suis demandé s’il y avait les autorisations nécessaires et comment cela allait se passer. J’ai rapidement appelé des collègues pour leur poser la question, mais personne n’était au courant. Et le lendemain, nous avons appris que le sous-marin avait déjà été récupéré. Comme nous étions tous très mécontents, nous avons rapidement contacté la presse allemande afin d’attirer l’attention sur cette affaire. Car l’opération a été menée sans préparation et, surtout, sans autorisation – c’est le plus important –, alors même qu’il existe en Allemagne des lois sur la protection des monuments historiques. »

L’U 16 est un bâtiment historique

Long de 57 mètres, l’U 16 a en effet été construit en 1911 dans les chantiers navals Germania de Kiel (Schleswig-Holstein) pour la Marine impériale. Il fait partie des premiers submersibles de la flotte allemande, et a effectué pendant la guerre une douzaine de missions, coulant près de 30 navires.

En 1919, le Traité de Versailles signé à l’issue de la Première Guerre mondiale est assorti de mesures de réparations radicales. En fait partie la réquisition par les Alliés victorieux des sous-marins de l’ex-Marine impériale – l’empereur Guillaume II ayant abdiqué avant la signature de l’armistice –, considérées comme des armes redoutables. L’U 16 devait ainsi être livré à la Grande-Bretagne en 1919, mais il a coulé en cours de route, au large de l’île de Scharhörn, dans la mer du Nord.

La Marine allemande a sans doute sabordé ses sous-marins

Ce scénario, qui n’aurait fait aucun mort, ressemble étrangement à celui qui marque la fin d’un autre sous-marin, l’UC 71, échoué un peu plus loin, devant l’île de Heligoland. Les historiens présument que les deux bâtiments ont été sabordés par leur équipage afin de priver leurs anciens adversaires de la technologie allemande. Leur position non loin du rivage pourrait signifier que les marins ont pu regagner la terre sans dommage.

Une menace pour la sécurité de la navigation?

Selon l’Agence fédérale de la navigation et de l’hydrographie (BSH) chargée de surveiller le cours du fleuve et son embouchure, l’épave de l’U 16 est connue depuis les années 1960. L’agence recherche régulièrement les dépôts subaquatiques et sous-marins pouvant constituer un obstacle à la circulation des navires, et c’est après un dernier examen de l’épave en juillet 2023 que décision a été prise de la renflouer par mesure de sécurité et de la vouer à la casse.

Le sous-marin s’est brisé en deux lors de la remontée

Cette opération a été réalisée par l’Agence responsable des eaux navigables et de la réglementation du trafic maritime sur l’Elbe et dans la mer du Nord (WSA Elbe-Nordsee) à l’aide d’une grue flottante dans la nuit du 31 août au 1er septembre 2025, mais elle a abouti à un véritable fiasco: le sous-marin s’est cassé en deux morceaux. La poupe a donc dû être récupérée dans un second temps, le 3 septembre.

Cet accident n’est que l’un des nombreux points litigieux dénoncés par les archéologues. « Si une épave constitue un obstacle à la navigation, il faut bien sûr réagir, explique ainsi Florian Huber. Mais je ne suis pas convaincu à 100 % qu’il s’agissait d’un obstacle. Au cours de ces dernières décennies, ce sous-marin n’a causé aucun problème à cet endroit. Et si cela avait été le cas, il aurait fallu en discuter avec les autorités, planifier les opérations, puis le soulever légèrement et peut-être le déplacer de 100 ou 500 mètres avant de le reposer sur le fond marin, plutôt que de simplement le remonter. »

L’épave a été relevée sans aucune autorisation

L’extraction telle qu’elle a été effectuée était également illégale et ce, de plusieurs points de vue, poursuit l’archéologue. Tout d’abord parce que la WSA n’est pas l’autorité compétente: elle ne dispose pas du droit de déplacer tout ce qui se trouve dans les eaux fluviales et maritimes. Une fois averti, c’est effectivement ce qu’a rappelé l’Office fédéral des biens immobiliers (BImA), représentant l’État allemand, qui est le véritable propriétaire de l’épave.

Par ailleurs, comme le rapporte la chaîne NDR, dans la mesure où il s’agit d’un bâtiment de guerre, un certain nombre d’autorisations préalables étaient requises, dont une autorisation pour récupérer un monument historique ; une autorisation d’accès au terrain délivrée par l’État ; potentiellement, une autorisation concernant le respect de la protection de la nature – car l’île de Scharhörn se situe dans le parc national de la mer des Wadden de Hambourg – ; et l’implication indispensable de l’association Volksbund Deutsche Kriegsgräberfürsorge, qui gère les sépultures de guerre – dans l’éventualité où des marins soient restés prisonniers à l’intérieur lorsque le bâtiment a coulé.

Aucun archéologue n’a été impliqué

Autre oubli de taille: « Aucune étude scientifique préalable n’a été réalisée, s’émeut Florian Huber. Il est possible de remettre au jour des épaves, cela se fait régulièrement, mais il faut organiser le tout: il faut faire appel à des archéologues, réfléchir à la manière de la récupérer sans trop la détruire. Ensuite, il faut la conserver, ce qui est très coûteux et très complexe, et puis, bien sûr, il faut aussi trouver un endroit pour l’exposer. Cela nécessite certainement plusieurs mois, voire plusieurs années de planification. »

Un témoignage primordial de la Première Guerre mondiale

Qui plus est, l’U 16 est un monument historique de première importance, souligne l’archéologue, qui a de son côté entièrement documenté le sous-marin UC 71, échoué devant Heligoland et classé monument historique depuis 2012. « Tous les sous-marins de la Première Guerre mondiale ont une importance historique, rappelle-t-il, car ils ont fait partie de l’un des plus grands conflits que l’humanité ait connus. Ils sont aussi techniquement intéressants pour leur ingénierie, et du point de vue de l’histoire militaire. Pour l’UC 71, qui n’a pas été renfloué, nous avons créé des modèles 3D. J’ai écrit un livre à ce sujet et une exposition est en cours au musée naval de Wilhelmshaven. C’est ainsi que cela devrait se passer, plutôt que de démolir ce bâtiment dont l’histoire est forcément passionnante. Je constate que beaucoup de gens ne savent même pas qu’il y avait déjà des sous-marins pendant la Première Guerre mondiale, alors que dans les musées la fascination pour les submersibles reste intacte. »

Après un siècle sous l’eau, l’U 16 est en très bon état

Désormais remonté à la surface, l’U 16 repose sur une plateforme dans le port de Cuxhaven, exposé aux regards de tous. Ce qui a permis aux experts de remarquer son très bon état de conservation, alors même qu’il a reposé pendant un siècle sous l’eau, par 20 mètres de fond. « Malheureusement, le sous-marin est brisé en deux parties, s’indigne Florian Huber. C’est une erreur stupide de ne pas avoir réussi à le récupérer en un seul morceau. Mais son état général me semble vraiment très bon. »

L’archéologue du Land de Hambourg, Rainer-Maria Weiss, qui aurait dû être le premier averti puisque l’île de Scharhörn appartient à la ville hanséatique, a fait la même constatation auprès de l’agence DPA: « C’est de l’acier à paroi épaisse, toutes les conduites d’alimentation sont encore présentes. Il n’y a pas de défauts, pas de rouille. Il se porte vraiment bien. »

La casse est évitée, mais il reste à trouver un musée pour le conserver

Alors qu’initialement le sous-marin était voué à la casse, l’intervention des archéologues, en attirant l’attention de la presse et du public, a permis de stopper net le processus. Selon Florian Huber, des pourparlers sont actuellement en cours et diverses possibilités sont envisagées. L’U 16 pourrait ainsi être réimmergé pour que des plongeurs puissent l’explorer, mais il semblerait plutôt que l’option de sa conservation soit privilégiée. Il reste encore à trouver un musée qui ait les moyens de le conserver, de le restaurer et de l’exposer.

Le sauvetage de l’U 16 est donc entièrement redevable à la vigilance des archéologues, abasourdis d’avoir lu dans la presse ce dont ils auraient dû être informés en amont. « Ce que l’on peut retenir de cet accident, conclut Florian Huber, c’est d’abord qu’il faut améliorer la communication avec les nombreuses autorités qui travaillent en lien avec la mer dans le nord de l’Allemagne. Comme nous avons dénoncé l’illégalité de cette opération, on ne peut qu’espérer qu’elles sachent désormais ce qu’il faut faire, parce que nous trouvons régulièrement des vestiges archéologiques immergés. Il s’agit d’un patrimoine culturel ; c’est notre histoire, et nous devons la préserver. Nous avons adopté des lois sur la protection des monuments historiques, et nous devons nous conformer à la convention de l’UNESCO sur la protection du patrimoine culturel. Et même si la Première et la Seconde Guerre mondiale sont des événements difficiles à évoquer et à revivre pour les Allemands, il est d’autant plus important d’en parler, de les commémorer, et de préserver autant que possible les navires qui y sont associés. »

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