Africa-Press – Gabon. À l’instar de nos institutions, notre société ne s’est jamais appropriée les valeurs et principes du journalisme. D’où la tendance rabaisser les praticiens de ce métier pour mieux les assujettir.
Tout et chaque jour, les journalistes sont traités de tous les noms d’oiseaux. Sur la déontologie, comme sur le traitement de l’information ou le comportement en société, chacun se croit en droit de leur faire la leçon. Chacun estime devoir les recadrer. A quelques encablures de la présidentielle, il est peut-être nécessaire de se pencher sur les interactions entre journalisme et société, journalisme et démocratie ou journalisme et pratique politique. Au moment où les candidats putatifs conçoivent leurs offres politiques, il semble nécessaire de poser les termes du débat. Dans un livre intitulé «Alerte sur le journalisme au Gabon», notre confrère Georges-Maixent Ntoutoume livre sa part de vérité. Dénonçant la pratique du bakchich, il plaide pour une revalorisation salariale, espérant contribuer à une meilleure reconnaissance des professionnels.
Culture de la dissimulation
Pour notre part, nous l’affirmons sans réserve aucune : le statut social du journaliste est étroitement lié à l’état d’avancement de la démocratie, à l’acceptation de ses règles et au respect des droits humains. Autrement dit, le rayonnement du journalisme dépend avant tout de la gouvernance politique. D’abord en raison de l’objet de ce métier : éveil des consciences et défense de l’intérêt général. Ensuite du fait de ses exigences : respect de la vérité, indépendance à l’égard de tous les pouvoirs, esprit critique et égalité de traitement. Enfin, au vu des tâches y associées : collecte, vérification, sélection, commentaire et publication des faits. Or, à l’instar de nos institutions, notre société ne s’est jamais appropriée ces valeurs et principes. Pourtant consacré par le préambule de la Constitution, le droit à l’information n’y est ni défini ni encadré. La même remarque vaut pour le droit à la liberté d’expression.
Au Gabon, l’accès à l’information relève de la gageure. Dans l’administration, comme dans les entreprises, règne une culture de la dissimulation. Dès lors, la liberté d’expression se trouve menacée. Son exercice, contrarié. Dans l’esprit des détenteurs de l’autorité publique et de leurs affidés, le journalisme s’apparente à l’inquisition. De leur point de vue, toute idée contraire à la novlangue dominante relève de la subversion. Pour eux, le journaliste est un fouinard, un curieux aux intentions malveillantes. Du coup, ils s’emploient à le rabaisser pour mieux l’assujettir. D’où les brimades, suspensions et autres pratiques vexatoires. D’où aussi l’usage des dessous de table. Dès lors, il convient de le redire : ni la qualité du journalisme ni le statut du journaliste ne connaîtront d’amélioration si l’État se refuse à l’effectivité de leurs conditions premières : le droit à l’information du public, le droit à la liberté d’opinion et le droit à la liberté d’expression.
Réflexion sur l’autorégulation
La publication du livre de notre confrère nous donne l’occasion de le réaffirmer : métier à responsabilité, le journalisme participe de la quête de transparence. Partout dans le monde, ses praticiens ont le devoir d’informer, respecter le public, défendre l’intérêt général et promouvoir le droit au savoir. Partout, ils sont tenus d’éviter les manœuvres de propagande, de manipulation ou de désinformation. Or, dans un environnement où les droits humains sont traités par-dessus la jambe, rien de tout cela n’est garanti. Dans un contexte où seule la conservation du pouvoir guide les choix publics, les journalistes ont généralement deux options : vivoter ou s’aligner, quitte à consentir à des arrangements ou à se compromettre. On le voit à travers les rapports de Reporters sans frontières (RSF) : dans le classement mondial de la liberté de presse, le rang des pays est corrélé à l’indice de démocratie.
Pour autant, ces rappels ne valent pas absolution totale des journalistes. Comme nous, comme tous les professionnels, nos confrères ont leur part de responsabilité. S’ils ont des exigences vis-à-vis de l’État ou de la société, ils doivent aussi répondre aux aspirations de ces derniers. Au nombre de leurs devoirs, on peut citer, pêle-mêle, le respect de la vie privée, la rectification de toute information inexacte, la protection des sources et du secret professionnel, le rejet du plagiat, de la diffamation, de la calomnie ou des accusations gratuites et, le refus de toute consigne extérieure. Au moment où Georges-Maixent Ntoutoume sonne l’«Alerte sur le journalisme au Gabon», une réflexion sur l’autorégulation ne manquerait ni d’intérêt ni de pertinence. Dans cet exercice, il faudrait partir d’un principe simple : la considération due à une corporation tient aussi de sa capacité à s’organiser, à se surveiller et à se fixer des limites..
Pour plus d’informations et d’analyses sur la Gabon, suivez Africa-Press