L’Union européenne fait tout pour reprendre sa place en Afrique

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L'Union européenne fait tout pour reprendre sa place en Afrique
L'Union européenne fait tout pour reprendre sa place en Afrique

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Guinee Bissau. Plus d’une décennie et demie qui s’est écoulée depuis la stratégie de 2005 présentée par l’Union européenne comme une feuille de route pour sa politique envers l’Afrique, qui comprenait des accords de partenariat économique avec des blocs régionaux africains, dont un seul est entré en vigueur.

En 2020, l’Union européenne a annoncé une nouvelle approche pour faire progresser son partenariat avec l’Afrique, placée sous le thème « Vers une stratégie globale avec l’Afrique ». Des responsables de l’UE se sont rendus à Addis-Abeba l’année dernière pour manifester leur intention d’intensifier la coopération avec l’Union africaine. Cette nouvelle approche repose sur la création de « partenariats équilibrés » dans dix domaines couvrant notamment :

• la transformation verte,
• la transformation numérique,
• la croissance et les emplois durables,
• la paix et la gouvernance,
• la migration et la mobilité.

Cependant, la réalité en Afrique aujourd’hui est très différente de ce qu’elle était en 2005, car l’Union européenne a perdu le terrain diplomatique et politique sur le continent au profit d’autres acteurs internationaux qui comblent le vide des promesses que l’Union européenne n’a pas tenues.

Cela coïncide d’ailleurs avec la montée de la perception de certains pays européens comme des alliés peu fiables, surtout après la chute des régimes politiques qui leur sont alliés dans certains pays du continent, en plus du rythme de croissance de certains pays africains.

A noter que l’Union européenne essaie toujours de renforcer sa position en tant que la « plus grande source d’investissement direct étranger sur le continent africain ». En 2007, le premier sommet s’est tenu entre les 27 États membres de l’Union européenne et 54 pays africains. Dix ans après (en 2017), le cinquième sommet UE-Afrique a eu lieu avec des échanges bilatéraux dépassant les 300 milliards de dollars, et l’UE s’était engagée à mobiliser plus de 54 milliards de dollars de 2017 à 2020 en « investissements durables » pour l’Afrique. Et en décembre 2021, la Commission européenne a dévoilé un plan de lutte contre l’initiative chinoise « Belt and Road », en investissant 300 milliards d’euros dans le monde d’ici 2027, dont plus de 150 milliards qui sont destinés à l’Afrique, notamment dans des projets d’infrastructure, numériques et climatiques.

En plus de ce que nous venons d’énumérer, la référence à la transformation verte et à la numérisation dans la nouvelle stratégie signifie que le bloc européen a réalisé qu’ils pourraient être la clé des relations internationales en Afrique dans les périodes à venir. Ces derniers mois, les diplomates de l’UE ont proposé de « soutenir la capacité de défense et de sécurité de l’Afrique et de renforcer les mécanismes pour la paix, la stabilité, et combattre les inégalités, le terrorisme et l’extrémisme ». Le bloc européen a misé sur le soutien politique, technique et financier à l’initiative de l’Accord de libre-échange continental africain, car l’Union européenne a dépensé environ 74 millions d’euros pour réaliser l’initiative entre 2014 et 2020. Par conséquent, la Zone de libre-échange continentale africaine a été décrite par certains détracteurs de l’Union africaine et de l’Union européenne en tant qu’industrie européenne qui vise à ce que l’Europe domine les ressources et les investissements du continent.

Les revendications « d’aide » à l’Afrique dominent toujours la rhétorique de l’Union européenne

Certains responsables africains estiment que les Européens font pression sur le continent sur des questions qui ne figuraient pas parmi ses priorités. D’autres se plaignent que l’Union européenne persiste dans sa vision traditionnelle du continent comme un enfant ayant besoin de diktats et de directives parentales.

Ceci dit, le nouveau document de stratégie de l’UE n’apporte rien de nouveau non plus, car les options qui s’offrent aujourd’hui aux pays africains sont nombreuses et il existe des débouchés alternatifs pour les pays dont les diplomates se plaignent que les conditions d’investissement de l’Union européenne sont trop restrictives, ce qui entrave la fourniture des infrastructures nécessaires et des programmes de développement dont ils ont besoin.

De plus, les accords commerciaux ne servent que l’Europe et nuisent au développement des industries nationales africaines.

Investissement direct et développement des industries africaines

Aides et Investissements européens destinés à l’Afrique

La position des experts africains du développement est que l’aide accroît l’instabilité et la corruption et réduit la souveraineté nationale, et que ce dont le continent a besoin, c’est plutôt du commerce et de l’investissement direct étranger, et du réinvestissement des fonds générés en Afrique pour transformer les sociétés et augmenter les revenus de la plupart des citoyens du continent. Ceci est renforcé par le fait qu’en accordant des subventions aux gouvernements africains, les pays étrangers ont pu étendre leur contrôle sur les ressources de ces pays et maintenir le rôle de guide dans les questions politiques et économiques tout en leur donnant la préférence dans les contrats nationaux.

Le trait saillant de l’approche et des politiques commerciales de l’Union européenne à l’égard de l’Afrique a été l’ouverture progressive du marché européen sur une base non réciproque, qui oblige les pays africains à approvisionner l’Europe en minerais et certaines denrées alimentaires, tandis que les Africains subsistent grâce aux excédents agricoles et reçoivent les produits finis et les biens des industries émergentes de l’Union européenne.

Malgré les doutes suscités par l’initiative de la Zone de libre-échange continentale africaine, la position des économistes africains était que l’initiative, si elle était bien mise en œuvre, assurerait la libre circulation de la main-d’œuvre au sein des groupements régionaux et sous-régionaux africains et serait un élan pour la croissance économique, et une alternative à la migration des talents africains hors du continent et un stimulant pour les entreprises locales et les industries africaines.

Concurrencer d’autres acteurs

La crise politique au Mali a montré dans ce contexte que l’orientation politique de l’Union européenne est synonyme de la politique française en Afrique. La crise a également révélé que la plupart des pays africains ne sont pas indifférents à la condition de respecter les principes démocratiques sur lesquels repose l’Union européenne, d’autant plus qu’il existe d’autres partenaires de l’Afrique qui n’imposent pas de telles conditions.

La Chine et la Russie ont montré quant à elles que la meilleure approche est de s’engager avec les gouvernements africains pour convenir d’une approche appropriée aux problèmes et priorités africains.

Ce qui précède conduit à dire que le prochain sommet portera peut-être davantage sur la nouvelle stratégie de la France en Afrique que sur la stratégie de l’Union européenne sur le continent, et que le sommet pourrait ne pas apporter de résultats efficaces en raison de la préférence pour les questions qui concernent la France et l’Union européenne et les attentes du retrait français du Mali.

C’est pourquoi, en décembre 2021, alors qu’il présentait son programme pour la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne, le 1er janvier 2022, pour six mois, soit 13 ans après sa dernière présidence, le président français Emmanuel Macron indiquait que la bureaucratie en place appelle à reformuler un nouveau deal économique et financier avec l’Afrique, et à fixer le cadre de l’éducation sanitaire et climatique sur un pied d’égalité avec les défis auxquels l’Afrique est confrontée, notamment en matière de sécurité et de migration.

En plus de ce qui précède, le sommet intervient à la lumière de la colère populaire contre la France et l’Union européenne dans certains pays africains pour leur position sur les récents coups d’État militaires, qui ont été bien accueillis par les citoyens de ces pays.

L’augmentation des mouvements migratoires a façonné également les mouvements de l’Europe vers le Sahel au cours de la dernière décennie, où l’Europe n’a considéré la question que sous l’angle de la sécurité, ignorant ses dimensions politique, économique et de développement.

Il faut reconnaître, dans ce sens, que l’Europe a tourné son attention vers la prolifération militaire pour réaliser ses ambitions basées sur les politiques antiterroristes de la France et les perceptions irréalistes du succès militaire contre les groupes extrémistes violents dans la région.

Au vu donc du grand nombre de sommets tenus au nom de l’Afrique et de la coopération avec ce continent, ce dont l’Afrique a réellement besoin, c’est d’identifier et de négocier ses propres priorités en fonction des politiques qui correspondent à ces priorités, plutôt que d’accepter des accords et des transactions à court terme qui ne servent que les intérêts de parties extérieures.

Les pays africains doivent nécessairement unir leurs rangs par l’intégration entre eux aux niveaux régional et continental, car les plus petites communautés économiques régionales doivent encore jouer un rôle important en donnant la priorité aux dialogues pour résoudre les nouvelles crises politiques et promouvoir le commerce et le développement intra-africains.

Ce n’est qu’ainsi que les pays africains peuvent compter sur eux-mêmes et faire avancer les intérêts africains sur la scène internationale.

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