Africa-Press – Guinee Bissau. Patrice Diot: Elle laisse à penser qu’il n’y aurait personne à soigner dans les endroits où l’on manque de médecins, alors que, malheureusement, ces déserts représentent 87 % du territoire national.
C’est insupportable ! Cela conduit aussi à n’avoir qu’une vision quantitative de la situation actuelle. Or, le nombre de médecins en cours de formation en France a augmenté de façon très significative depuis le début des années 2000, et le problème principal est celui de leur répartition.
En quoi cette période est-elle importante ?
C’est à cette époque que l’on a considérablement desserré le numerus clausus (quota de passages en deuxième année de médecine, ndlr) mis en place en 1972 et qui a officiellement été supprimé en 2020. On ne peut pas encore mesurer l’impact des bonnes décisions prises depuis vingt-cinq ans – les médecins ne s’installant que quinze ans au moins après le début de leurs études -, mais le problème qui continuera à se poser sera celui de la répartition. Parce que si l’on n’agit pas, ces installations resteront concentrées dans des zones qui ne manquent pas vraiment de médecins.
« Je propose que l’on mette en place une sorte de « service médical à la Nation » »
Le « programme Hippocrate » de Michel Barnier envisage d’envoyer en stage les étudiants en médecine dans les déserts médicaux. Qu’en pensez-vous ?
C’est prendre le risque de les mettre en difficulté, de même que les patients. C’est pourquoi je propose que l’on mette en place une sorte de « service médical à la Nation » auquel contribueraient plutôt des jeunes titulaires de leur thèse et de leur diplôme de spécialité. Il faut de toute façon associer les jeunes aux réflexions menées sur la question de la répartition, parce que la coercition, c’est-à-dire imposer l’installation, ça ne fonctionne pas.
Le programme prévoit aussi de recourir à des assistants médicaux, pour se charger de la pré-consultation et assurer le suivi administratif, ou à la télémédecine.
Selon moi, il faut reconsidérer le rôle du médecin, et que le corps médical accepte de partager davantage ses attributions. La prise en charge de nombreuses maladies chroniques pourrait être plus simple s’il y avait un meilleur partage des tâches. Dans ce cas, la télémédecine est une évidence, car il est parfois inutile que les patients se déplacent. Je pense aussi aux pharmaciens et aux infirmiers en pratique avancée. En Allemagne, où exerce le même nombre de médecins qu’en France pour une population plus nombreuse, il y a en moyenne trois assistants médicaux par praticien. Cette aide pourrait permettre aux médecins de prendre en charge plus de patients.
Comment animer la réflexion sur une meilleure répartition territoriale ?
En ayant une véritable approche régionale, on arrivera probablement à la conclusion que le problème n’est plus celui du nombre. Ce qui manque, ce sont des objectifs clairs de formation et une réelle réflexion politique en matière de système de santé. Une politique qui doit partir des régions, parce que les problèmes varient de façon étonnante selon les territoires. Par exemple, en Centre-Val de Loire, jusqu’à il y a peu, aucune formation en chirurgie dentaire n’était dispensée.
Or, là où il y a un déficit de formation, il y a un déficit d’installation. Et puis, certains généralistes sont réticents à s’établir là où ils ne disposent pas d’un réseau de spécialistes à proximité. L’hétérogénéité est telle que l’échelle du pays est trop grande: il faut une maille régionale. De cette façon, la situation devrait pouvoir s’améliorer.
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