Révolutionnaire ! Une personne tétraplégique grâce à des implants cérébraux

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Révolutionnaire ! Une personne tétraplégique grâce à des implants cérébraux
Révolutionnaire ! Une personne tétraplégique grâce à des implants cérébraux

Africa-Press – Guinee Bissau. La boucle est enfin bouclée ! Plusieurs approches avaient été essayées auparavant pour tenter de redonner de la mobilité aux personnes paralysées de membres inférieurs. En 2018, l’équipe de Clinatec à Grenoble (centre de recherche biomédical fondé par le neurochirurgien Alim-Louis Benabid, en partenariat avec le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives [CEA] et l’Université Grenoble Alpes) avait montré qu’il était possible de redonner la marche à une personne tétraplégique en utilisant un exosquelette que le patient contrôlait par la pensée grâce à un implant cérébral. La même année, l’équipe de Grégoire Courtine à l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) en Suisse (en partenariat avec le CHU Vaudois) a permis à des paraplégiques de marcher à l’aide d’un dispositif de stimulation électrique implanté dans leur moelle épinière (exploit confirmé en 2022).

Deux technologies complémentaires, l’une contrôlée par la pensée, mais qui nécessite un exosquelette, l’autre qui stimule directement le corps du patient, mais qui nécessite de télécommandes. C’est donc tout naturellement que ces deux équipes ont fini par collaborer pour faire fusionner leurs avancées, concevant ainsi le premier système de stimulation électrique de la moelle épinière contrôlé par la pensée. En d’autres mots, pour la première fois, une personne paralysée des membres inférieurs à cause d’une lésion peut marcher à nouveau (en utilisant ses jambes à l’aide d’un déambulateur ou d’une canne) tout simplement en y pensant naturellement, comme elle l’aurait fait avant son accident. “Nos deux technologies étaient prêtes au même moment”, sourit Guillaume Charvet, responsable du programme des interfaces cerveau-machine au CEA en présentant cette révolution pour le traitement des handicaps moteurs lors d’une conférence de presse, un jour avant sa publication le 24 mai 2023 dans la revue Nature.

“Un changement radical de concept”

“Ce n’est pas une amélioration, c’est un changement radical de concept”, ajoute Grégoire Courtine, qui avait pourtant ébloui les experts avec son système de stimulation électrique. Mais le contrôle de la marche grâce à sa technologie n’était pas perçu comme naturel par les utilisateurs, avouent les auteurs dans la publication. “La différence est le contrôle de la stimulation”, explique Gert-Jan, premier patient à utiliser le système combinant l’implant cérébral et la stimulation électrique (il avait 38 ans au moment de l’implantation en juillet 2021), et qui avait essayé auparavant la technologie de stimulation toute seule et peut donc comparer les deux approches. “Avant j’étais contrôlé par la stimulation, maintenant c’est moi qui la contrôle”, résume-t-il.

Un pont digital entre le cerveau et la moelle épinière

Ce contrôle de la stimulation est réalisé grâce à deux implants qui captent l’activité cérébrale du cortex moteur dans la région liée à la marche, chacun contenant 64 électrodes “superficielles” : “les électrodes sont très peu invasives, ils restent en surface du cortex sans traverser la dure-mère (première couche des méninges, les membranes qui entourent et protègent le cerveau, ndlr)”, précise la neurochirurgienne Jocelyne Bloch, qui a réalisé la chirurgie d’implantation. Ces électrodes sont encastrées dans des boîtiers en titane de cinq centimètres de diamètre qui ont la même épaisseur que le crâne. Lors de la chirurgie d’implantation, deux bouts du crâne de la même taille que les implants sont retirés et les implants viennent ainsi les remplacer.

Ces implants communiquent sans fil avec deux antennes situées dans un casque, qui donnent de l’énergie aux implants (ils n’ont pas de batterie, donc il n’y aura pas besoin de les retirer pour la changer, augmentant leur durée de vie), et qui transfère les signaux envoyés par les implants vers un dispositif portatif. Ce dispositif contient un processeur qui va analyser ces signaux et prédire les intentions de l’utilisateur grâce à des algorithmes basés sur des méthodes d’intelligence artificielle adaptatives. Ces prédictions sont ensuite envoyées (toujours sans fil) vers un dispositif implanté dans l’abdomen du patient, qui va activer les électrodes dans la zone lombaire de la moelle épinière. Tout ce cheminement depuis le cortex moteur jusqu’à la colonne vertébrale se fait en moins de 500 millisecondes, permettant, selon le patient, un contrôle naturel des mouvements de ses jambes. Ce contrôle le laisse notamment décider à quel moment commencer la marche, à quel moment arrêter et à quelle hauteur lever la jambe. Un niveau de contrôle qui lui a permis de monter des rampes ou des marches avec aisance, après une quarantaine de sessions d’entrainement.

Le patient peut utiliser cette technologie en autonomie

Le système a été adapté pour que Gert-Jan puisse l’utiliser en autonomie dans son quotidien. Un déambulateur intègre le processeur et une interface tactile avec laquelle il peut vérifier le bon positionnement du casque, ajuster les niveaux minimaux et maximaux des stimulations voulues et enclencher le système, le tout en moins de cinq minutes. “Je peux l’utiliser à la maison, j’ai pu par exemple repeindre les murs étant debout”, raconte Gert-Jan avec enthousiasme.

Cerise sur le gâteau : ce système entraîne une récupération neurologique

Il a utilisé ce système autonome pendant sept mois, non seulement pour ses activités quotidiennes, mais aussi pour régénérer les connexions neurales perdues à cause de l’accident. Car il s’est avéré que cette stimulation de la moelle épinière entrainait une récupération des fonctions neurologiques, autant sensorielles que motrices. “Au fur et à mesure des sessions d’entrainement, nous avons observé une récupération neurologique”, révèle Guillaume Charvet. Une récupération déjà observée avec le système de stimulation électrique, mais qui semble avoir été potentialisée par le contrôle plus précis permis par le décodage de l’activité cérébrale. “Nous avions montré que les nerfs repoussent avec la stimulation, mais on a observé qu’en fermant la boucle avec l’implant cérébral, on améliore encore plus cette récupération, ajoute Grégoire Courtine. Le patient peut désormais marcher un peu sans aucune stimulation !” En effet, selon la publication, Gert-Jan pouvait réaliser plusieurs activités sans stimulation, telles que marcher dans sa maison, entrer et sortir d’une voiture sans problème, voire se tenir debout dans un bar en buvant une bière.

Des avancées gigantesques, mais qui ne seront pas disponibles pour tous avant quelques années. “D’abord, nous devons valider la stimulation électrique de la moelle épinière, il faudrait attendre au moins cinq ans avant d’arriver à des essais du système couplant la stimulation avec les implants cérébraux”, précise Grégoire Courtine. En attendant, les chercheurs tenteront d’adapter leur système pour traiter les lésions affectant la mobilité des membres supérieurs, “mais c’est plus complexe, car cela nécessite davantage de degrés de liberté que pour les jambes”, prévient Henri Lorach, responsable du programme des interfaces cerveau-machine à l’EPFL. Ce qui est certain est que ce système de “pont digital”, qui ferme la boucle entre le cerveau et la moelle épinière, va révolutionner le traitement des handicaps moteurs.

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