Robot et humains : qui se ressemblent trop s’assemblent mal

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Robot et humains : qui se ressemblent trop s’assemblent mal
Robot et humains : qui se ressemblent trop s’assemblent mal

Africa-Press – Guinee Bissau. Au SCALab, le laboratoire de sciences cognitives et affectives de l’université de Lille et du CNRS, les chercheurs peuvent travailler avec Buddy. C’est un robot de 54 cm, monté sur roues et doté d’une tête qui pivote, avec un écran affichant des yeux et une bouche pour simuler des émotions. Les roues sont masquées par un renflement évoquant deux jambes. Avec sa bonne tête sympathique et ses rondeurs, il semble incarner le compagnon idéal. Or, rien n’est moins sûr. Car une recherche menée par des membres du même SCALab montre nettement que la ressemblance avec l’humain peut nuire à l’acceptation sociale d’un robot, voire lui attirer des ennuis. Comme d’être agressé !

Ce travail est décrit dans un article publié dans Plos One mi-novembre 2023. Il n’a rien à voir avec un autre phénomène bien connu, la “Vallée de l’étrange”, qui désigne un malaise ressenti par les humains face à un robot qui pourrait se confondre avec une personne réelle (expression, texture de peau, regard, cheveux, etc.).

Un robot amputé

Dans l’étude du SCALab, il apparaît que plus un robot a les attributs d’un être humain (jambes, bras, tête) mais sans être aussi performant qu’un humain (en termes d’habileté), plus il sera rejeté. “Buddy est petit, mignon mais il n’a pas de bras, relève Tatjana Nazir, directrice de recherche au SCALab et coauteur de l’article, seulement leur emplacement est marqué sur le robot, comme s’il était amputé !” Le genre de configuration qui peut générer un rapport de domination, les humains se comparant mécaniquement avec la machine pour évaluer ses capacités.

L’équipe de recherche a mené une expérience sur la base d’animations numériques. Ils ont créé plusieurs variantes d’un même robot à partir de trois éléments : le corps et la tête, un châssis et des bras articulés avec extrémités préhensibles. La première partie est la même pour tous les robots. Le châssis, lui, peut être deux jambes ou une seule jambe (le robot se déplace en sautant) ou deux roues ou encore rien du tout, et dans ce cas le robot lévite. Les bras, eux, se terminent soit par une main humanoïde avec des doigts, soit par deux doigts en pince, soit par un effet d’attraction, soit par un effet de sustentation, où l’objet flotte au bout du bras, sans contact.

“Nous avons été surpris par les résultats”

En opérant toutes les combinaisons possibles, les chercheurs ont obtenu 16 robots, mais n’ont retenu que deux catégories : celles qui associent deux aptitudes proches de celles des humains (marcher, sauter, prendre avec la main ou avec deux doigts) et celles qui s’en éloignent le plus (rouler, léviter, préhension par attraction et sustentation), pour s’en servir auprès de participants. Ces derniers étaient informés que les robots se déplaçaient tous à la même vitesse et étaient aussi habiles les uns que les autres, afin d’éviter tout biais relatif aux capacités des uns par rapport aux autres.

Une séquence vidéo de quelques images a montré aux participants comment les robots fonctionnaient, quels étaient leurs mouvements, puis les machines avançaient vers quatre groupes différents de personnes, des adultes, des adolescents, des enfants ou des personnes âgées. Mais la séquence s’arrêtait avant que le robot n’entre en interaction avec le groupe. Là, les chercheurs demandaient aux participants qu’elle allait être, selon eux, le comportement des gens avec le robot. Allaient-ils l’accueillir dans leur groupe, l’ignorer, l’exclure ou l’attaquer physiquement ?

“Nous avons été surpris par les résultats : une sorte de courbe en V de l’acceptabilité, note Tatjana Nazir. Tous les robots les plus comparables aux humains sont mieux acceptés que les autres mais tous les robots qui sont le moins humains aussi ! Par contre, le rejet est énorme pour ceux dotés d’une grande ressemblance avec l’humain, mais susceptibles d’être moins performants, comme celui à une seule jambe”.

Robovie brutalisé et HitchBOT décapité

Qu’il soit doté de mains ou de pinces, ce dernier design est nettement plus rejeté et attaqué que tous les autres. Les machines sur roues sont, elles, les plus ignorées. Et dans la catégorie des robots les moins comparables aux humains, ceux qui lévitent sont les plus susceptibles d’être accueillis dans un groupe humain.

En clair, l’absence de similarité avec l’humain atténue le jugement d’infériorité de ce dernier envers la machine. Et les marques de domination disparaissent. “Si le marché veut vraiment nous inonder de robots compagnons, estime Tatjana Nazir, il va falloir bien penser le design car je nous vois mal entourés de robots avec lesquels les gens se comportent mal alors qu’ils se comporteraient bien avec des humains dans les mêmes circonstances.”

En la matière, l’actualité laisse déjà entrevoir ce qui pourrait se passer. Dans le cadre d’une expérience sociale dans un centre commercial d’Osaka en 2015, des chercheurs japonais ont étudié les rapports entre un robot, Robovie 2, programmé pour demander poliment aux gens de le laisser passer, et les humains. Résultat : il a été brutalisé par des enfants en bande !

La même année, le robot autostoppeur canadien HitchBOT (une autre expérience sociale), qui avait voyagé sans encombre au Canada, aux Pays-Bas et en Allemagne, a été retrouvé décapité à Philadelphie, après deux semaines aux Etats-Unis. Bienvenue chez les humains !

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